2.2.2. L'horreur à l'italienne : gialli, cannibales
et gore
En Italie, un genre bien défini revêt
l'appellation de « giallo », tirant son nom de la couleur jaune des
couvertures d'une célèbre collection de polars
commercialisés par la maison d'édition Mondadori, comparable
à la Série Noire en France. Le scénario de ces films est
presque toujours le même, mettant en scène un assassin souvent
masqué et ganté qui perpètre des meurtres à l'arme
blanche et dont on ne découvre l'identité qu'à la fin. Ses
représentants les plus illustres sont certainement Mario Bava (Le
masque du démon, 1961 ; La Baie sanglante, 1972), Ricardo
Freda1 (L'effroyable secret du docteur Hitchcock, 1962,
Le Spectre du professeur Hitchcock, 1963), Dario Argento (L'oiseau
au plumage de cristal, 1969 ; mais surtout Les Frissons de
l'angoisse, 1975 et Suspiria, 1977). Il est intéressant de
noter que la plupart de ces réalisateurs ont fait leurs premières
armes dans le cinéma comique ou naturaliste, bien loin des
préoccupations qui feront leur renommée par la suite. Ce genre
est propre à son milieu d'émergence et à sa
nationalité italienne et n'a guère trouvé d'échos
extérieurs malgré son succès après des fans.
Le cinéma italien des années 1980, se dirige
ensuite vers le gore pur et simple, en allant plus loin que le gore
américain, s'engageant dans les films de morts-vivants ou de cannibales.
On retiendra entre autres parmi les plus célèbres Cannibal
Holocaust (1980) de Ruggero Deodato, Cannibal Ferox (1982)
d'Umberto Lenzi, Anthropophageous (1980) de Joe d'Amato ou encore
l'Enfer des Zombies (1979) de Lucio Fulci. La surenchère, la
recherche d'une efficacité outrancière et la stratégie
d'exploitation sont clairement affichés par ces réalisateurs, ce
qui en fait à la fois des films prisés par les fans, justement en
raison de cette médiocrité, mais aussi des films
méprisés par la critique et l'opinion publique2. Une
anecdote rapporte que les producteurs de ce genre de films couraient les
marchés du film en proposant des oeuvres qui n'étaient pas encore
tournés, pouvant ainsi au mieux satisfaire les distributeurs par la
suite en imposant leurs exigences, récoltées par ce biais, au
réalisateur. Lucio Fulci notamment a pris part à ce type de
commandes ; il en résulte un nombre incalculable de réalisations
d'une médiocrité variable. Notons cependant que ces films ont
suscité un réel choc. En effet les scènes d'empalement
présentes dans Cannibal Holocaust paraissaient tellement
réelles que les tribunaux ont été saisis et le
réalisateur obligé de reproduire les scènes devant
huissiers pour prouver l'authenticité des trucages. Cette
polémique avait relancé le mythe du snuff-movie, qualificatif
désignant ce type de film particulièrement réaliste dans
ses scènes de torture,
1 Trouvant son inspiration dans les nouvelles d'A.E.
Poe, à la manière du réalisateur britannique Roger Corman
à la même époque, qui donna naissance à une
réelle école fantastique « hallucinatoire »
2 Si des films de Fulci étaient
exploités par des salles parisiennes aussi importantes que le
Pathé des Champs Elysées, ils n'en étaient pas moins peu
recommandés par le monde cinématographique érudit
à tel point que les acteurs étaient
supposés les endurer réellement, voire même y périr.
Mais le manque de subventions dans l'Italie des années de plomb,
ajoutée à l'épuisement et à la
déconsidération de certains cinéastes, vont voir ce genre
national disparaître rapidement. Quant à Dario Argento, ses films
déclinent doucement par manque de renouvellement, n'ayant pas fait le
choix de l'esthétique gore mais s'étant toujours
positionné dans un fantastique plus onirique. La
médiocrité de ses derniers films' signent la fin de ce
cinéaste qui a pourtant marqué les années 1970, et
révèlent bien l'inadaptation du cinéma italien aux
réalités d'aujourd'hui autant que le manque de fonds dont
celui-ci dispose, traduisant la baisse voire l'inexistence des subventions
publiques2 et la frilosité des investisseurs.
Suspiria de Dario Argento (1977)
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