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Gouvernances des établissements secondaires (EPLE) : vers un nouveau modèle public ?

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par Alain VENART
Université du sud Toulon Var - IAE - Master Recherche management, Finance et Contrôle stratégiques 2008
  

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III -- Vers de nouveaux enjeux éthiques de la gouvernance de l'EPLE ?

Si l'EPLE est étudié dans ses structures organisationnelles, si ses réseaux sont éclairés afin de déceler les spécificités des organisations publiques évoluant dans un schéma territorial, il semble plus complexe de mettre en lumière ses fondements éthiques. La question de leur mise en oeuvre spécifique dans l'exercice quotidien de sa mission de Service semble aussi problématique.

1. Éthique, valeurs : quel conceptpour quelle gouvernance ?

Ce troisième temps d'analyse à pour objectif de questionner ces fondements éthiques, d'en faire surgir les principes essentiels, de déterminer les outils concrets qui pourraient émerger de sa mise en oeuvre au sein des établissements secondaires.

Deux contraintes conditionnent cette analyse :

· Le cadre territorial et le réseau EPLE qui nous avons tenté de
décrire ; cette multiplicité de territoires aux codes déjà établis ;

· La nature de cette gouvernance, gouvernance des réseaux.

De plus, il nous faut définir un cadre conceptuel pertinent pour déchiffrer et interpréter le fonctionnement de l'EPLE dans sa démarche éthique. Ce cadre doit aussi nous permettre d'unifier l'ensemble des acteurs de l'EPLE, de dégager une problématique de management public. In fine, la question du caractère transférable du modèle ainsi obtenu se posera : cette grille de lecture fait-elle apparaître un modèle

Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à l'organisation, vers un nouveau
modèle public ?

public de management des organisations déconcentrées dans le domaine éducatif public ? Lequel ? Quel paradigme le met en mouvement ?

Définir les apports théoriques, construire la cadre de réflexion et d'analyse

Trois penseurs contemporains proposent une lecture ouverte et particulièrement prégnante en matière d'éthique.

Edgar Morin (2004), dans le sixième opus de sa méthode, offre une lecture de du concept éthique, « l'éthique de la reliance ». Il la définit comme « une éthique altruiste qui demande de maintenir l'ouverture sur autrui, de sauvegarder le sentiment d'identité commune, de raffermir et de tonifier la compréhension d'autrui ».

Cette éthique nous semble proche de la sphère organisationnelle car elle articule de façon originale autour de deux concepts essentiels : l'ouverture et l'identité. Voilà deux outils qui traverse notre analyse depuis le début, car c'est bien l'identité d'une organisation qui préside à sa mise en mouvement dans l'environnement qui est le sien, et réciproquement. Cette notion d'ouverture, prise au sens premier du terme, rejoint les problématiques d'espace et de sphère publique, que nous avons évoqués dans notre lecture de la gouvernance de l'EPLE : quelle est la réaction de l'objet organisationnel EPLE face à son environnement ? Quel type de contact met-il en oeuvre du point de vue stratégique afin de promouvoir sa spécificité publique ? Le concept de reliance est au coeur de cette analyse.

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modèle public ?

Nous voulions, en écho aux travaux d'Edgar Morin sur l'éthique de la reliance, nous appuyer sur la notion de rupture que développe Daniel Cohen (2006) dans ses Trois leçons sur la sociétépost industrielle.

Dans son analyse de ce qu'il appelle la « révolution financière », il qualifie cette notion de rupture qui est celle du capitalisme : « par tous ses bords, la capitalisme contemporain engage un grand démembrement de la firme industrielle ». Il explicite alors ce travail d'autonomisation des acteurs et de « rupture de contrats » ; contrats qui étaient caractéristiques de l'organisation sociale précédente. Il la définit comme une rupture paradigmatique car elle engendre un autre mode pensée.

Cette double entrée conceptuelle développée par Daniel Cohen, nous permet de situer l'organisme EPLE comme un système autonome qui s'est développé en dehors de cette rupture fondamentale du XXème siècle européen. Il est cependant confronté à une entrée brutale dans ces modes de gestion ; un nouveau paradigme. C'est de cette confrontation entre son histoire, son essence institutionnelle et son nouvel espace d'exercice, qui ne peut se situer hors des organisations qui l'entourent, que naît sa nouvelle spécificité organisationnelle.

Au fond, c'est la nature du contrat28 qui le lie à ce monde qu'il investit qui pose question ; monde dans lequel, selon Cohen, cette problématique du contrat est très affaiblie au profit d'une conception

28 Nous nous référons aux travaux d'I. Pastorelli pour ce concept et sa double lecture politique et organisationnelle. In, Pastorelli, I., L'impact d'un outil de contrôle sur l'organisation : le cas de l'atelier industriel de L'aéronautique. Université de Nice Sophia-Antipolis, Thèse de Doctorat (2000).

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individualiste de l'identité. C'est bien un conflit éthique qui met en mouvement le réseau EPLE.

Enfin, Emmanuel Levinas (1984) dans son Ethique et infini nous propose une piste qui pourrait enrichir notre mise en forme du cadre éthique de l'EPLE.

Il questionne la notion de limite(s) dans la problématique éthique, proposant une lecture éthique de l'infini. L'exigence éthique est une exigence sans limite. La question de la limite est essentielle dans le cadre de notre analyse. L'organisation pose des limites, celle de sa stratégie, de son environnement géographique, de son potentiel financier, de ses marges de manoeuvre. L'EPLE, parce qu'il garde des caractéristiques institutionnelles marquées évite de poser la question de la limite. La limite de L'EPLE, comme organisation-institution29 c'est l'EPLE lui même. Il est donc à même de définir un cadre éthique original dans un contexte managérial ou tout doit être pensé en termes de finalité et de limites.

Comment peut-il alors interagir avec son environnement organisationnel?

Voilà les fondamentaux qui guider l'analyse que nous allons proposer sur l'éthique de l'EPLE. Cette dernière s'articulera en deux temps :

29 Nous introduisons ce vocable, hybride, comme un outil de travail pour définir l'entité de l'EPLE, entre institution publique et organisation.

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· Une tentative d'approche et de définition du concept éthique comme fondement de la gouvernance de l'EPLE ;

· La mise en place d'un savoir actionnable sous la forme d'un code déontologique qui expliciterait une des caractéristiques propres de sa gouvernance. La question d'un possible transfert des outils ainsi défini à un modèle de management des structures publiques sera alors posée.

Valeur et valeurs

Il nous faut revenir sur ce concept de valeur. La question de fond est de savoir si la mise en oeuvre d'une gouvernance spécifique à l'EPLE peut (doit ?) générer de la valeur pour la collectivité ? Le discours n'est plus iconoclaste à ceci près que c'est la notion de performance qui se substitue à celle de valeur (Rapport des Inspections Générales).

Là encore il nous faut qualifier la notion de valeur au sein de l'EPLE, ce qui nous permettra de mieux appréhender les valeurs qui en sont à l'origine.

Deux domaines spécifiques peuvent êtres identifiés ; domaine où l'organisation EPLE est créateur de valeur :

· Le domaine de la formationJ0, qu'elle soit continue ou initiale Les connaissances produites permettront d'accroître le potentiel de nombre d'organisations extérieures. Le bénéfice est
essentiellement exogène ;

30 Nous distinguerons la formation en tant que structure de la formation en tant que vecteur de compétences.

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· Le domaine des compétences, celle de l'ensemble de ses personnels. Sa politique de formation interne lui permet de générer une valeur en termes organisationnels. Le bénéfice est alors endogène.

On notera que ces deux pôles sont conditionnés par un principe éthique : permettre à chacun d'accroître son potentiel et ses compétences en dehors de toute visée utilitariste. On constatera que tout ce qui concourt à la valorisation des compétences au sein de l'EPLE n'est pas pensé en termes d'apprentissage organisationnel31. L'individu n'accroît pas son potentiel pour la structure. Nous rejoignons notre réflexion sur le caractère unique de cette institution et de ses acteurs et l'autonomisation des démarches.

La production de valeur au sein de l'EPLE est découplée de son apport à la structure même. En fait c'est le réseau et les partenaires qui en bénéficient.

On déduira de l'analyse du couple valeurs/valeur que l'EPLE est tourné vers la satisfaction de son environnement. Ses modalités d'apprentissage (et celles de ses acteurs) nourrissent l'ensemble de son réseau et donc la communauté.

31Nous nous référons ici aux travaux de Ferrary et Pesqueux, sur le Management de la connaissance. Ils y développent notamment la spécificité du domaine « public » en termes de connaissance et d'apprentissage.

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Une question de principes ?

Quels principes éthiques met-il en mouvement ? En croisant les sources professionnelles (Charte des EPLE et Protocole d'accord sur les personnel de direction) et nos référents conceptuel, six aires éthiques se dessinent et rejoignent nos trois axes de gouvernance : l'unique --le réseau -- l'espace.

· Une éthique constitutive de l'organisation même. L'organisation est sa propre éthique. Son existence est d'essence éthique. La transmission en matière éducative est détachée des contingences de son environnement, tout en répondant à ses attentes.

· Une éthique participative au sens où l'organisation accroît son cadre éthique en fonction de ses membres. Le réseau vient en modifier les contours et la mise en oeuvre même si le coeur reste intact.

· Un éthique Républicaine où l'EPLE incarne la chose publique au sein d'une sphère spécifique. Une éthique qui émane de l'ensemble de la communauté et rend compte à cette même communauté.

· Une éthique du conflit parce qu'elle est éthique de partage. L'EPLE est un noeud de conflit et sa gouvernance repose sur ce principe de confrontation préalable à l'unité. Sa démarche même vise à permettre le conflit, dans une pluralité d'expression(s).

· Une éthique du creuset culturel, du lien social. L'EPLE est cet « espace réceptacle » de l'ensemble des codes éthique de la communauté, des communautés éducatives ; code de la pluralité.

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· Une éthique de l'unité, de la synthèse. La nature des valeurs transmises et donc de la valeur produite (un savoir fondateurs ; des compétences actionnable et transférables) tend à l'unité des communautés, des parties prenantes, des acteurs (opposants et adjuvants).

Ces principes posent la question de leur mise en oeuvre fonctionnelle au sein des EPLE et donc la problématique d'un véritable code déontologique. Ce dernier pourrait donner une lisibilité accrue aux principes diffus dans le Réseau EPLE.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault