2. Nécessité d'un code
déontologique au sein des EPLE : l'indispensable et le possible.
Un des préoccupations majeures dans la
rédaction de ce Mémoire de recherche est la mise en place d'un
questionnement spécifiquement managérial dans le cadre de la mise
en oeuvre de cette gouvernance spécifique. Quel outil, valorisant ce
caractère unique, cette institution organisation, cet espace, creuset de
valeurs et de réseaux, pourrait rendre lisible sa démarche
éthique ?
S'il n'apparaît pas clairement dans les sources
mentionnées, le Code déontologique dont nous nous proposons de
tracer les grandes lignes, se retrouve dans les différentes analyses
menées sur la place et le rôle des parties prenantes au sein de
son environnement opérationnel.
Nous allons le définir sous l'angle d'une série
d'assertions sur sa genèse, sa fonction, sa place symbolique et
fonctionnelle. Ces critères sont au nombre de six et se
conçoivent en boucle, comme dans une
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
chambre d'écho s32.
· Le code déontologique dépasse le cadre du
manager, il s'applique a chacun des membres du Réseau EPLE ;
· Le code déontologique est un outil de reliance,
c'est ce qui fonde sa valeur éthique.
· Le code déontologique transcrit des valeurs
spécifiquement Ressources Humaines -- c'est sa fonction première
;
· Le code déontologique est un mètre
étalon pour ce qui concerne les fonctions de Représentation de
l'État -- Il est un code éthique dans un ensemble plus vaste
qu'est l'espace Républicain ;
· Le code déontologique implique un « retour
» d'information, un contrôle extérieur à son
Réseau d'application -- contrôle permettant une mise à
distance de son fonctionnement.
· Le code déontologique n'est pas un contrat, il
est une donnée
préalable au fonctionnement du réseau EPLE. Il
est la transcription
fonctionnelle d'un corpus éthique propre à cette
institution
organisation qu'est l'EPLE.
C'est un axe possible de mise en oeuvre de schémas
éthiques spécifiques au Réseau EPLE. D'autres voies visant
à mieux corréler l'espace éthique de l'EPLE à son
fonctionnement quotidien pourraient être étudiées.
Présenter un code unique est-il en adéquation avec cet
environnement complexe, mouvant, où le concept de rupture est permanent
?
32 Nous reprendrons les termes essentiels du
Protocole - référentiel - régissant le métier de
personnel de direction (2002). Nous prêterons une attention
particulière aux fonctions RH.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
A ce stade de notre analyse la gouvernance de l'EPLE devient
un système original. Nous pourrions la définir comme une
méthodologie pragmatique de gestion de réseau(x),
mettant un mouvement un cadre éthique unique dans un espace
territorial, véritable noeud de conflits et creuset de
compétences. Le caractère politique du concept
apparaît comme primordial. La gouvernance de l'EPLE, parce qu'elle est
un levier d'arbitrage au sein du réseau, préserve
l'équilibre de l'environnement de l'EPLE.
Ce modèle est-il transférable, différent de
la gouvernance du Secteur Hospitalier par exemple ou à d'autres
systèmes territoriaux ?
Un certain nombre d'invariants de ce modèle de
gouvernance nous semblent digne d'intérêt ; tous méritant
une analyse approfondie afin de répondre à une seule question :
comment dépasser cette opposition public/privé dans la gestion
des structures publiques éducatives locales ? Quelles
spécificités pour le modèle éducatif
français dans son organisation territoriale dans un contexte
concurrentiel aiguë ?
Trois invariants sont susceptibles d'investigation :
· La notion de creuset de compétences
culturelles.
· La notion de Réseau de Réseau :
maintient de l'équilibre du système.
· Cette notion (à développer)
d'institution organisation, structure hybride.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Ce modèle pourrait être mis en forme de la
façon suivante :
Code Déontologique (Unité)
Creuset de valeurs Institution Réseau de
réseaux
Publique
Organisme Public Territorial Déconcentré
Organisation-Institution
Ce temps d'analyse sur les fondements éthiques de la
gouvernance de l'EPLE nous a permis de compléter notre éclairage
de ce mode de pilotage propre à l'Etablissement Public Local
d'enseignement. Elle a mis en exergue son caractère unique mais a
renforcé ce creuset de réseaux qui a été un des
fils conducteurs de notre analyse.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
C'est une réalité ternaire qui a
présidé à notre investigation, se proposant d'expliciter
les formes de gouvernances propres aux organismes publics
déconcentrés. L'établissement secondaire en est un
archétype possible : une gouvernance spécifique le met en
mouvement ; cette dernière elle-même caractérisée
par la mise en réseaux de territoires protéiformes (espace
associatif, politique, institutionnel) dont l'aspect significatif est leur
interpénétration constante : une gouvernance,
un espace aux territorialités multiples, un noeud
décisionnel.
Il résulte donc de cette étude, et ce n'est pas
le moindre des paradoxes, que l'EPLE est un réseau en lui-même
bien plus qu'un simple partenaire éducatif. Les modalités d'une
gouvernance partenariale font de lui une organisation apprenante au sens plein
du terme (apprendre, donner à apprendre, apprendre à apprendre)
mais n'en donnent pas la clef, ne disent rien de sa spécificité
organisationnelle. Il est donc, comme structure, comme acteur, comme
organisation, un espace imprécis dans ses missions, ses territoires ;
ceux qu'il influence, ceux qui l'influencent, ceux qu'il doit préserver.
Objet en construction, territoire en devenir, objet flou par excellence, au
sens de Pesqueux, il se projette et se vit, dans ses nouvelles missions, comme
un véritable espace de conflit et de tension(s). Tel est bien là
le coeur de cette première approche.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Fruit d'une éthique républicaine, organisation
en quête d'une visibilité territoriale, il fait exister au
quotidien la dualité (que certains qualifieront de caricaturale) entre
la firme en devenir que le donneur d'ordre principal espère et l'espace
éthique, neutre (politique, social, référentiel) que le
corps social appelle : l'idéal républicain de formation et de
socialisation. Cette problématique a permis de dévoiler, tant
dans le domaine éthique que dans le domaine organisationnel, le passage
d'un modèle historique, reproductible dans les différents temps
et espace sociaux, à un objet de complexité, fragmenté et
flou. C'est ce dernier qui conduit dans la littérature à une
exploration fonctionnelle naissante, afin de qualifier sa gouvernance.
Un hiatus apparaît cependant dans cette même
littérature ; hiatus qui pourrait former le terreau d'une possible
recherche. L'objet en lui- même est étudié sous l'angle
managérial, territorial au sens géographique du terme, voire
même, social. Cependant ses modalités de gouvernance ne sont que
peu étudiées en termes de territoires de décision(s). Hors
tout n'est-il pas décision(s) dans cette structure qui préside au
devenir de la nation en termes d'éducation ? Quels schémas
organisationnels se dessinent derrière ces espaces fragmentés ?
Cette notion de réseau est-elle pertinente pour dessiner une
cartographie signifiante au-delà du territoire géographique, du
lieu d'enseignement ? Voilà les questions ouvertes qui émergent
d'une lecture critique de la littérature.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Analysée avec pour point focal les
référents de gouvernance de la firme et les
spécificités de l'organisation éducative publique, cette
même littérature met en lumière ce que nous appellerons une
territorialité active où s'entrecroisent et se
fécondent des enjeux stratégiques qui dépassent
l'établissement en lui-même. La notion de lieu unique
apparaît alors comme caduque. C'est une organisation en quête de
définition mais qui possède déjà un nouvel
espace d'enjeux. Paradoxe du discours qu'elle produit certes où
bien paradoxe quand à la nature même de l'organisation EPLE ?
Il nous apparaît donc que les sciences de gestion
constituent un outil puissant et atypique de description de cet espace
constamment scruté sous l'angle éducatif et social. C'est le
concept de gouvernance, dans une optique partenariale et cognitive, qui est
à même de proposer cette nouvelle grille de lecture de l'EPLE. Il
permet de dépasser l'objet établissement secondaire pour
décrire un nouvel un actant polymorphe, évoluant dans un nouvel
espace décisionnel et symbolique signifiant, au sein de la
cité.
Un angle complémentaire d'analyse émerge de la
littérature : l'établissement secondaire, depuis les textes de
2004, est un objet de discours. Comme tout objet social dira-t-on. Bien plus
encore. Il devient un objet de discours organisationnel dans sa tension
permanente entre le principe et le résultat. S'il s'empare d'outils de
pilotage qui orientent sa politique interne tout comme sa communication externe
vers une efficience toujours mieux maîtrisée, on le pense encore
comme une organisation fruit de valeurs
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
atemporelles qui obèreraient la naissance d'une
entité moderne sur la scène publique.
Entre la gestion du quotidien et l'impératif des
missions républicaines, on voit alors émerger des paradigmes
d'investigation dont les lignes de fuite oscillent entre la permanence et la
modernité. Le conflit au sein de l'établissement secondaire n'est
pas fonctionnel, il est bel est bien celui de la cité, politique. C'est
en cela qu'il intéresse les sciences de gestion. Il pose, nous
semble-t-il, une question de nature épistémologique quand
à l'existence même de l'organisation publique. Certes le cadre
éthique est pérenne, il demeure ; républicain. Cependant
une problématique différentielle est particulièrement
prégnante : cette institution est-elle toujours une donnée
immuable qui façonne l'architecture politique d'une
société ? Pourrait-elle, par apprentissage organisationnel se
transformer et transformer l'espace qu'elle investit ? Peut-il
véritablement apprendre et donc se re-construire, se re-définir,
s'appréhender comme une organisation aux principes éthiques qui
définissent un espace de décision et d'influence
autre?
Cette première approche de la littérature nous
interroge par ailleurs sur une organisation en devenir dont on questionne la
« performance » sans jamais questionner l'existence même. Tout
est analyse de fonction, de lieu, de place. Mais qu'en est-il de ce qui sera
son fondement dans un contexte sociétal tendu ? En quoi les apports des
sciences des organisations analysés sous l'angle du concept de
gouvernance re-définssent-ils sa place dans l'espace public ? Il y a
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
dans ses pistes de lecture, et c'est probablement un biais
culturel européen, confusion entre l'objet -- qui se transforme -- et
les représentations sacralisées que les parties prenantes s'en
font.
Au-delà de la représentation que les acteurs
politiques se font de l'EPLE, l'objet lui-même révèle une
capacité à mettre en oeuvre des processus de changement et
d'innovation. Ce dernier, tout en se transformant, change son propre
environnement, voire même le recrée. Il peut alors projeter
l'image naissante d'un modèle d'organisation autre : un espace
symbolique, un kaléidoscope de territoires où se met en oeuvre un
protocole éthique qui fusionne l'institution, l'Ecole, et le
modèle en devenir, l'Organisation. Un objet public à
naître.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
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