II -- Les acteurs de la gouvernance de l'EPLE : quelle
architecture fonctionnelle pour un réseau public en mutation ?
Notre analyse de la gouvernance nous conduit à
positionner et interroger la place des acteurs de l'EPLE en termes de relations
de pouvoirs et mais aussi de centres de décisions. Ce sont les
deux pôles qui apparaissent à l'analyse de la
littérature.
Pour ce faire, trois apports conceptuels
complémentaires vont guider notre questionnement ; ils constitueront
notre base méthodologique et conceptuelle, associée à une
analyse de la place des parties prenantes.
Les travaux de Crozier (1977) sur la place et le rôle
des acteurs dans l'organisation nous serviront de fil directeur pour
positionner l'EPLE dans son environnement : la notion de marge de
liberté associée à celle de pouvoir sera constitutive de
cette analyse.
Erhard Friedberg (1993) a questionné le concept de
pouvoir au sein des organisations. Sa lecture du pouvoir comme moteur
d'énergie, de mise en mouvement constituera une grille d'analyse pour
l'objet EPLE mais, plus particulièrement, pour les différentes
parties prenantes.
Nous l'associerons à l'apport de Jean-Daniel Reynaud
(2003) concernant cette même problématique du pouvoir au sein de
l'organisation à travers le prisme de la régulation.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Enfin, les travaux de Pupion, Leroux et Latouille (2006) sur
le rôle et la place des parties prenantes dans l'éducation
nationale formeront un repère (au niveau du territoire
académique) pour étudier l'espace d'influence de chacune
d'entre-elle. Cette analyse nous conduira à recentrer notre analyser de
la gouvernance à la lumière du jeu de ces différents
acteurs.
1. Un jeu de miroirs : acteurs institutionnels et
acteurs fonctionnels, quel(s)partenariat(s) ?
Éclairant le rôle et la place des acteurs dans
l'organisation et les jeux de pouvoir qui en résultent, Crozier et
Friedberg introduisent un paradigme particulièrement intéressant
pour notre analyse de l'EPLE et de ses acteurs. Tout acteur, dans un
système de pouvoir, donc de contrainte et d'incertitude(s), garde une
part de liberté dont il peut se servir. Ce pouvoir est créateur
de mouvement et donc d'énergie. C'est cette notion de liberté au
sens où les auteurs l'entendent et, plus précisément, de
« marge de liberté » qui nous permet de structurer notre
analyse de l'EPLE.
L'EPLE est, de part les textes qui le régissent, une
structure autonome (sur le plan financier et moral). Il est souvent
décrit comme paralysé sur la scène territoriale (locale)
car ne possédant pas les moyens propres d'agir (recrutement des
personnels - mis à part les contrats spécifiques dans le domaine
administratif et vie scolaire -- rémunération --
définition de ses propres axes pédagogiques).
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Hors cette vision s'est complètement modifiée,
du moins dans sa dynamique, depuis les phases de contractualisation (2005 -
2007) et la mise en place des dialogues de gestion, en particulier au niveau
des moyens horaires.
La définition d'un projet d'établissement
propre, au delà de la vitrine pédagogique et éducative, la
mise en place de crédits globalisés pour une certains nombre
d'actions éducatives et pédagogiques, la constitution d'un
Conseil Pédagogique au près du Chef d'établissement ...
tout cela fait apparaître dans l'environnement de l'EPLE des acteurs,
indépendants, comme lui. Ces derniers ont des motivations à court
ou long terme bien définies, elles mêmes en réseau avec
d'autres instances de la vie associative, politique ou institutionnelle.
C'est la notion de mouvement et de
dynamique qui se révèle être pertinente pour analyser
les jeux entre ces différentes instances. Ainsi que la notion de
niveau/seuil de décision et son impact sur le réseau.
Nous quittons un jeu ou chaque sphère
décisionnelle est représentée par un acteur
spécifique :
· Le Rectorat comme relais d'un pôle
décisionnel national ;
· L'académie (département, au sens de
district) comme un relais de ses actions avec une approche plus centrée
sur les établissements ;
· L'EPLE comme une structure d'application autour du Chef
d'Etablissement
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Nous retrouvons un mode complexe ou chaque sphère de
décision est à la fois unique et partenariale, isolée et
solidaire, adjuvant et opposant19. La réalité des
pôles d'innovation technologique semble être une image pertinente
pour définir cette architecture nouvelle :
· Le Rectorat comme un pôle de régulation et
de contrôle ;
· L'académie comme un pôle de diffusion
(rôle du système d'information primordial) ;
· Unité du lieu EPLE mais creuset de relations
croisées entre les différentes parties prenantes, espace de
conflit, de contraintes et donc de pouvoir et d'action (au sens de
créateur d'une dynamique d'organisation) ;
Institutionnel et fonctionnel ?
Il nous faut dégager une typologie des acteurs de
l'EPLE (qui dépasse l'opposition interne/externe) afin de clarifier leur
rôle managérial.
Nous allons nous appuyer sur les travaux de Pupion, Leroux et
Latouille (2006, 2007) qui développent une analyse sur la place des
parties prenantes dans l'éducation nationale mais aussi sur leurs
travaux en matière de conseil au sein des EPLE (en matière de
pilotage).
Ils mettent l'accent sur l'aspect participatif, en
réseau, de la construction du Projet d'établissement et
précisent que certaines parties prenantes ont un rôle de
consultant, de conseil technique (comme
19 Nous reprendrons l'analyse du discours/narration.
Dans le récit l'adjuvant (aspect positif) contribue à alimenter
l'axe principal, l'opposant, en contrariant le chemin initial permet la
progression globale de la narration.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
l'autorité académique) mais aussi de rôle
symbolique. La notion de
« pair » est cruciale pour interpréter le
rôle des acteurs dans l'environnement EPLE. C'est cette dernière
que nous souhaitons mobiliser afin de développer dans notre analyse :
Les parties prenantes ayant un rôle symbolique (à
l'image des
« pairs ») qui s'incarne essentiellement dans la
structure hiérarchique : l'académiem (rôle
central du Directeur des Services Départementaux et de ses services
techniques). On notera qu'il n'y a pas de rôle symbolique s'il n'est
doublé d'un rôle de conseil, d'appui technique. Le « terrain
», l'image prégnante du « quotidien », reste
première dans la gestion de l'EPLE. L'appui doit être double :
conseil et appui hiérarchique.
Les parties prenantes qui se situent hors de ce premier «
cercle » relationnel sont des adjuvants ayant un double statut :
· Référent territorial et ou
politique : la collectivité de rattachement (ou plutôt chacune de
ses direction, fonctionnant comme un acteur autonome) ;
· Référent social et ou politique :
les parents, les associations, les groupes constitués quels qu'ils
soient, à condition qu'ils aient une existence fonctionnelle dans
l'environnement de l'EPLE.
20 Toujours au sens de district départemental
(espace de pilotage du Directeur des Services Départementaux).
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Il nous faut affiner cette distinction qui tient
essentiellement à la place des parties prenantes au sein de
l'environnement mais n'est pas corrélée aux attentes des EPLE :
nouer des relations pour quelle valeur ajoutée ?
Une série d'acteurs semble se positionner à un
niveau que nous qualifierons d'institutionnel Nous reprenons ce terme tel que
définit dans notre première partie. Ces structures sont uniques
dans le type de relation qu'elles entretiennent avec l'EPLE : soutien, conseil,
apport de financement, de réseaux, apport juridique, technique, apport
de savoir- faire. On est dans le cas de la Collectivité de rattachement
qui nous semble être l'exemple le plus parlant de cette « forme
» d'institution.
Un deuxième groupe d'acteurs se positionnent sur un axe
fonctionnel. Groupe se constituant en réseaux (d'influence), ils
positionnent l'EPLE comme un espace de réalisation de leurs
priorités, de leurs attentes : les associations de parents
d'élève placées dans une situation de demandeur, (cas de
l'aménagement des modalités de la carte scolaire par exemple) son
emblématiques de ce type d'acteur.
Quelles conclusions peut-on en tirer sur le plan
managérial ?
Bouvier (2006) analyse l'EPLE comme un système
complexe dès le moment où il passe « de la gestion au
management ». C'est à ce moment là que chacune de ces
parties prenantes participe à cette création de valeur
éducative qui caractérise cette organisation. Le groupe devient
acteur au contact des membres du réseau.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Cependant il nous semble qu'une hiérarchie
autre, s'est constituée (ce qui marquerait de nouveau une
spécificité du territoire d'action des établissements
secondaire). Les acteurs de l'EPLE et son premier manager en particulier, le
Chef d'établissement, se positionnent en fonction de leur place
symbolique sur l'échiquier territorial : fonctionnel ou
institutionnel.
Il nous faut alors revisiter ce positionnement en fonction du
pouvoir que chacune d'entre elle met en oeuvre. Cela nous conduira à
caractériser le nouvel espace de décision ainsi construit : a
t-il un centre ? Quel est son mode de fonctionnement ?
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