SECTION I. LA SITUATION DES CREANCIERS
Lorsqu'une procédure collective internationale est
ouverte, les créanciers se trouvent dans une situation délicate.
L'implication de plusieurs systèmes juridiques étatiques
complique non seulement la production et la vérification des
créances, mais aussi le paiement proprement dit des créanciers.
C'est pourquoi, il leur est conféré dans une telle situation des
droits (§ 1), mais ils sont soumis à des obligations (§2) pour
que tous aient une chance d'être ne serait-ce que modiquement
désintéressés.
§ I. Les droits des créanciers
Les mesures édictées par l'AUPC dans le sens de
la situation des créanciers dans les procédures collectives
internationales sont toutes des mesures pour notre part, propres à
renforcer l'égalité entre les créanciers. Pour ce faire,
les créanciers ont le droit de produire dans toutes les
procédures (A), mais pour un dividende unique (B).
A. Le droit à la production et à
l'information
Il nous sera très difficile d'aborder de manière
exhaustive la question du créancier dans les procédures
collectives mais toutefois, il sied ici de préciser qu'après
l'ouverture des procédures collectives internationales, il est
procédé par la juridiction compétente à la
suspension provisoire des poursuites individuelles, pour permettre à
tous les créanciers sans discrimination, de produire pour que
leurs créances soient prises en compte et pour qu'ils
soient admis dans la masse. Cet appel de l'AUPC constitue l'émanation du
principe d'égalité.
L'article 253 de l'AUPC dispose que tout créancier peut
produire sa créance à la procédure collective principale
et à toute procédure collective secondaire. Il s'agit là,
pour tous les créanciers, de la procédure collective, de pouvoir
déclarer ses créances à toutes les procédures
collectives. Cette possibilité leur permet, y compris ceux qui se voient
réserver des droits dans un Etat-partie, de produire au passif des
procédures tant principales que secondaires. La production est une
déclaration faite au syndic par les créanciers d'un
débiteur en état de redressement judiciaire ou de liquidation des
biens indiquant le montant de leurs créances, accompagnée de la
preuve des prétentions c'est-à-dire des pièces prouvant
l'existence de la créance et son quantum. Les créanciers
remettent au syndic, directement ou par pli recommandé, une
déclaration indiquant le montant de la créance due au jour de la
décision d'ouverture, le montant des sommes à échoir et
les dates de leurs échéances. Elle précise la nature de la
sûreté dont la créance est éventuellement
assortie1.
En plus du droit pour les créanciers de produire, il
y'a à l'information. Le syndic ou les syndics doivent informer tous les
créanciers du déroulement des procédures collectives. Mais
toutes ces mesures ne suppriment pas le parcours d'obstacles et les nombreuses
incertitudes qui attendent le créancier situé dans un autre
Etat-partie que celui de l'ouverture de la procédure collective.
B. LA production pour un dividende unique
Les productions ne peuvent toutefois aboutir qu'à un
dividende unique. Ainsi l'article 255, dans un remarquable souci
d'égalité entre les créanciers, édicte qu'un
créancier qui a obtenu, dans une procédure collective, un
dividende sur sa créance ne participe aux répartitions ouvertes
dans une autre procédure que lorsque les créanciers de même
rang ont obtenu, dans cette procédure, un
1 SAWADOGO F. M., op. cit., p. 209.
dividende équivalent. Mais la disposition de l'article
253 alinéa 2 fait remarquer qu'apparemment, il y a un accroissement des
droits des créanciers. En effet ledit article dispose que : « Les
syndics de la procédure collective principale et d'une procédure
collective secondaire sont également habilités à produire
dans une autre procédure les créances déjà
produites1 dans celle pour laquelle ils ont été
désignés sous réserve du droit des créanciers de
s'y opposer ou de retirer leur production ». Cet accroissement apparent
des droits des créanciers est revu par l'article 255. Remarquons que les
prescriptions de l'article 255 ne seront pas aisées à appliquer
puisqu'elles sont conditionnées par une vigilance poussée des
différents organes des procédures et à la bonne foi des
créanciers. Elles attestent cependant de la vive volonté du
législateur OHADA à concourir à l'égalité
entre les créanciers.
§ II. Les obligations des créanciers
Les obligations des créanciers sont, elles aussi,
destinées à préserver l'égalité dans le
traitement des difficultés du débiteur internationalement
insolvable pour parvenir au désintéressement des
créanciers.
A. Le respect de la discipline collective
Tout d'abord il leur est fait obligation de se conformer
à une discipline collective. Cette discipline collective consiste
à respecter l'arrêt du cours des intérêts et des
inscriptions2, la suspension des poursuites
individuelles3et l'absence de déchéance du
terme4. Dans cette optique, l'article 250 dispose : «Le
créancier qui, après l'ouverture d'une procédure
collective ouverte par la juridiction compétente d'un Etat partie
obtient, par tout moyen, règlement total ou partiel de sa créance
sur les biens du débiteur situé sur le territoire d'un autre
1 Apparemment accroissement des droits des
créanciers avec cette possibilité de productions multiples.
2 V. articles 73 et 77 de l'acte uniforme.
3 V. article 75 de l'acte uniforme.
4 V. article 76 de l'acte uniforme.
Etat-partie, doit restituer au syndic ce qu'il a obtenu, sans
préjudice des clauses de réserve de propriété et
des actions en revendication.
Celui qui, sur le territoire d'un Etat-partie, exécute
un engagement au profit du débiteur soumis à une procédure
collective ouverte dans un autre Etat-partie alors qu'il aurait dû le
faire au profit du syndic de cette procédure, est libéré
s'il a exécuté cet engagement avant les mesures de
publicité prévues à l'art. 248 du présent AUPC,
sauf s'il est prouvé qu'il a eu autrement connaissance de la
procédure collective ». Cet article traite des opérations
réalisées après que la décision est ouverte. Le
créancier qui a obtenu règlement total ou partiel doit restituer
au syndic ce qu'il a obtenu. Cependant, si le débiteur a
exécuté son engagement de bonne foi, il en est
libéré : il devra le faire avant la mesure de publicité et
ne doit pas avoir eu connaissance de la procédure collective.
L'égalité des créanciers ici également est
remarquable puisque nous constatons que l'alinéa 1er n'exige
pas que la publicité ait été faite pour rendre le paiement
inopposable. Le créancier qui a obtenu paiement est obligé de
restituer pour permettre au syndic de pouvoir respecter l'équité
dans le paiement de tous les créanciers.
B. Les obligations procédurales
Dans l'exercice même de leurs droits, ceux
énoncés ci-dessus, les créanciers, s'ils veulent les faire
valoir utilement, doivent respecter certaines règles :
- le créancier doit joindre à sa
déclaration pour fin de production des documents justificatifs (les
documents permettant de : prouver l'existence et le montant de la
créance si elle ne résulte pas d'un titre ; évaluer la
créance si elle n'est pas liquide ; mentionner la juridiction saisie si
la créance fait l'objet d'un litige).
- il doit respecter un certain délai puisque la production
se déroule dans un laps de temps limité1.
1 V. à ce propos SAWADOGO F. M., op. cit., p.
210.
La forclusion frappe tous les créanciers
antérieurs qui n'ont pas produit dans les délais en fournissant
les pièces justificatives qui doivent accompagner la
déclaration.
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