CHAPITRE II : LES EFFETS DU REGIME D'INTEGRATION
FISCALE
L'intégration fiscale est un régime d'imposition
qui déroge aux règles communément admises dans
l'imposition des revenus des sociétés. Le principe en droit
fiscal est celui de l'indépendance des sociétés et, de la
non prise en compte du groupe en tant que sujet de droit fiscal. Toute
société, même faisant partie d'un groupe, est donc
imposable individuellement sur le résultat qu'elle réalise au
cours d'une année fiscale. En revanche, l'intégration fiscale
présente l'avantage d'être un système d'imposition globale
du groupe qui permet
ü de soumettre à l'IS un résultat d'ensemble
obtenu en faisant la somme
algébrique des résultats des
sociétés d'un mé-me groupe ;
ü de neutraliser les opérations internes au
groupe.
Le premier aspect est important au regard de l'imputation des
déficits. Dès lors que l'on peut faire masse des
résultats, les bénéfices et les pertes des
différentes sociétés du groupe peuvent être
immédiatement compensés, on évite ainsi que certains
résultats ne soient imposés alors qu'il existe par ailleurs des
déficits qui, dans le meilleur de cas, ne pourraient être
imputés qu'ultérieurement.
Le second aspect concerne les conséquences des
relations intra-groupe, au regard de la détermination des
résultats aussi bien que des distributions de dividendes. Pour le calcul
des résultats, ces opérations font l'objet d'ajustements
destinés à en neutraliser les effets. Les ajustements consistent
à corriger le résultat d'ensemble du groupe en
réintégrant, pour les opérations considérées
les montants déduits au niveau des sociétés et, en
déduisant les montants inclus dans leurs résultats.
Les effets du régime d'intégration fiscale
prévu par le texte communautaire se rapprochent bien des principes
évoqués ci-dessus. Nous étudierons tour à tour les
effets de l'intégration fiscale sur l'imposition des résultats du
groupe (SECTION 1), sur l'imposition des distributions (SECTION 2) et, les
obligations légales attachées à la mise en oeuvre de ce
régime (SECTION 3).
SECTION 1.: LES EFFETS DE L'INTEGRATION FISCALE SUR
L'IMPOSITION DES RESULTATS DU GROUPE
-
Il convient d'examiner les méthodes de
détermination du résultat intégré (Paragraphe 1)
avant de nous pencher sur ses modalités d'imposition (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La détermination du résultat
intégré
Suivant l'article 18 alinéa 2 du texte communautaire,
chaque filiale détermine normalement son résultat fiscal selon
les règles de droit commun et souscrit sa déclaration annuelle
de résultat (A), le résultat d'ensemble du groupe est
déterminé en
groupe (B), ce résultat d'ensemble subit toutefois un
certain nombre de correctifs, destinés à éviter les
doubles impositions ou les doubles déductions au niveau du groupe, ainsi
qu'à neutraliser les opérations internes au groupe (C).
A.: Les résultats des sociétés du
groupe
Chaque société du groupe, y compris la
société leader, détermine son propre résultat
fiscal selon les règles de droit commun et souscrit sa
déclaration annuelle de résultat. Les dividendes versés
à d'autres sociétés du groupe ne sont pas
déductibles. Par contre, ceux versés aux autres associés
en raison des actions ou parts représentatives des apports en
numéraire peuvent être déduits. Les déficits
enregistrés par une société du groupe avant son
entrée dans le groupe, ne sont imputables que sur son propre
bénéfice. De même les moins-values constatées avant
cette date ne peuvent être imputées que sur ses propres
plus-values.
Par contre, les déficits ou moins-values subis au cours
de la période quinquennale ne sont pas imputables sur les
bénéfices ou plus values réalisés
ultérieurement, ces déficits ou moins-values ayant
déjà été transférés à la
société leader lors du calcul du résultat d'ensemble.
Exemple : Le groupe formé par la
société CAPUT S.A. et, deux filiales, les sociétés
BALA S.A. et KULU SARL dont la société CAPUT S.A. détient
plus de 95 % des droits de vote et des droits aux dividendes a opté pour
le régime d'intégration fiscale.
Les soldes des comptes de résultats de ces trois
sociétés au 30/06/2000 ont permis de dégager les grandeurs
caractéristiques ci-après :
BALA S.A
|
|
|
Produits
|
300
|
000
|
Charges
|
200
|
500
|
Résultat comptable
|
99
|
500
|
Corrections fiscales
|
|
|
Réintégrations :
|
+ 200 000 (dividendes versés à CAPUT)
|
Déductions
|
- 100
|
000
|
Résultat fiscal
|
199
|
500
|
Imputation déficit reporté :
|
- 75
|
000
|
Résultat net fiscal
|
124
|
500
|
KULU SARL
|
|
|
Produits
|
400
|
000
|
Charges
|
500
|
000
|
Résultat comptable
|
- 100
|
000
|
Corrections fiscales
|
|
|
Réintégrations :
|
+ 100 000 (dividendes versés à CAPUT)
|
Déductions
|
- 200
|
000
|
Résultat net fiscallani :
|
- 200
|
000
|
CAPUT S.A.
Produits : 1 000 000
Charges : 700 000
Résultat comptable 300 000
Corrections fiscales
Réintégrations + 150 000 (charges
désinvesties)
Déductions - 160 000
Imputation ARD 100 000
gallkat net fiscal
|
190 000
|
B.: Le résultat d'ensemble du groupe
La société mère détermine le
résultat d'ensemble du groupe en faisant ressortir la somme
algébrique des résultats fiscaux de chacune des
sociétés du groupe, y compris la société leader,
sans les multiplier par le taux de participation. Cette opération
constitue la raison d'être même de la fiscalité des groupes.
La faculté est donnée aux entreprises de compenser sans limite
les bénéfices réalisés par les
sociétés bénéficiaires et, les pertes
enregistrées par d'autres sociétés.
Exemple : Les résultats fiscaux des trois
sociétés du groupe CAPUT s'établissent ainsi pour
l'exercice 2000 :
|
Société CAPUT S.A.
|
:
|
bénéfice
|
190
|
000
|
|
Société BALA S.A.
|
:
|
bénéfice
|
124
|
500
|
|
Société KULU SARL
|
:
|
déficit
|
- 200
|
000
|
Somme algébrique des résultats fiscaux des
sociétés groupe CAPUT
(190 000 + 124 500 - 200 000) = 114
C.: Les retraitements fiscaux du résultat
d'ensemble
Les retraitements fiscaux du résultat d'ensemble du
groupe consistent à procéder à des corrections positives
et négatives. Aussi, certaines opérations font l'objet de
réintégrations (1), tandis que d'autres sont déduites
(2).
1. : Les réintégrations
Les réintégrations à opérer par la
société leader sur le résultat d'ensemble concernent les
jetons de présence et tantièmes distribués par les
sociétés du groupe (a), les provisions pour
dépréciation des créances détenues sur d'autres
sociétés du groupe (b) et, l'acquisition des participations au
sein du groupe (c).
a) : Jetons de présence et tantièmes
distribués par les sociétés du groupe
Le montant des jetons de présence et tantièmes
versés par les sociétés filiales du groupe doit être
rapporté au résultat d'ensemble. Suivant la doctrine
administrative française, cette réintégration s'applique
également à la fraction des jetons de présence et
tantièmes non déductibles en vertu des dispositions
CGI(1).
(I) Mémento Pratique FRANCIS LEFREBVRE-
FISCAL, édition 2000 n° 3596
b)
: Provisions pour dépréciation des
créances intra-groupe
Le résultat d'ensemble est majoré des
provisions pratiquées par chaque société à raison
des créances qu'elle détient sur d'autres sociétés
du groupe ou des risques qu'elle encourt de leur fait. Cette
réintégration porte sur les dotations constituées par la
société après son entrée dans le groupe et
déduites de son résultat imposable.
A l'inverse, les reprises ultérieures de ces dotations
sont déductibles du résultat d'ensemble, à condition que
les sociétés créancières et débitrices
soient toujours membres du groupe au moment des reprises - ou qu'elles soient
membres d'un groupe créé ou élargi à la suite de
l'absorption, de la scission ou de la prise de contrôle à 95%
c) : Acquisition des participations au sein du groupe
Suivant les dispositions de l'article 18 alinéa 3,
lorsqu'une société intégrée achète les
titres d'une société qui devient membre du groupe, aux personnes
qui la contrôlent directement ou indirectement, les charges
financières déduites par les sociétés membres du
groupe sont rapportées au résultat d'ensemble pour une fraction
égale au rapport du prix de ces titres à la somme du montant
moyen des dettes de chaque exercice, des entreprises membres du groupe :
Prix d'acquisition des titres
montant moyen des dettes du groupe au cours de l'exercice
Le prix d'acquisition à retenir est réduit du
montant des fonds apportés à la société
cessionnaire lors d'une augmentation du capital réalisée
simultanément à l'acquisition des titres.
La réintégration s'applique pendant l'exercice
d'acquisition des titres et les exercices suivants.
Toutefois, ces dispositions ne s'appliquent pas :
ü si la cession est opérée entre
sociétés membres du groupe ;
ü au titre des exercices au cours desquels la
société rachetée n'est plus membre du groupe ;
ü aux cessions de titres acquis immédiatement
auparavant par le cédant auprès des tiers et en vue de leur
revente.
(1) Mémento FRANCIS LEFEBVRE op. cit.
n° 3583
2.: Les déductions
Le champ des déductions à effectuer s'applique
à la quote-part des frais et charges sur les dividendes perçus
par une société du groupe en provenance d'autres
sociétés du groupe (a), aux abandons de créances et
subventions indirectes entre sociétés du groupe (b) et, aux
résultats des cessions entre sociétés du groupe (c).
a) : Quote-part de frais et charges sur dividendes
perçus par une société du groupe
Par principe, en application du régime fiscal des
sociétés mères et filiales, l'article 12 du CGI
atténue l'IS frappant les dividendes provenant des filiales sous
certaines conditions('). Lorsque ces conditions sont remplies, les produits
nets des titres, c'est à dire Tes dividendes après refüe
·-à- là source de ta TPRCle,
-surit- retranchés du bénéfice net
total de la société mère, sous déduction d'une
quote-part de 10 % des dits produits pour frais et charges. Cette quote-part
représente les frais de gestion nécessités par la gestion
de la participation.
Le régime d'intégration fiscale permet de
déduire, au niveau du résultat d'ensemble, la fraction de frais
et charges déclarés par les sociétés
intégrées en raison de leur participation dans d'autres
sociétés du groupe.
b) : Abandons de créances et subventions
intra-groupe
Les abandons de créance ou les subventions directes ou
indirectes, consentis entre des sociétés du même groupe
sont à retrancher du résultat d'ensemble. Dans le régime
français d'intégration fiscale, cette correction extra comptable
se traduit :
ü par la réintégration des sommes comprises
dans les charges déductibles de la société qui a consenti
l'abandon ou la subvention ;
ü par la déduction des sommes incluses dans les
profits de la société qui a bénéficié des
avances.
On entend notamment par subvention indirecte :
ü les réductions ou dispenses
d'intérêts pour les prêts consentis, ainsi que des
majorations d'intérêts pour les prêts et les avances
reçus ;
ü les livraisons de biens ou prestations de services
sans contrepartie ou pour un prix inférieur à leur prix de
revient ou à leur valeur réelle s'il s'agit
d'éléments de l'actif immobilisé, ainsi que les achats
à prix majorés etc.
(1) Cf. article 12 du
CGI -»1«iittte
c) : Résultats des cessions intra-groupe
Les plus-values de cession d'immobilisations ou de titres
entre société du groupe sont exclus du résultat net. La
plus-value de cession est déduite du résultat d'ensemble, s'il
s'agit d'une moins-value, elle est réintégrée dans le
résultat d'ensemble de l'exercice de cession.
En France, la neutralisation concerne toutes les cessions (y
compris les échanges, partages et apports), portant sur les
immobilisations ou les titres de portefeuille exclus du régime des
plus-values à long terme.
En sont exclus les apports réalisés dans le
régime fiscal des fusions et les cessions de
biens « somptuaires », tels que les voitures de
tourisme, visés à l'article 394 du CGI(1).
Exemple : Au cours de l'exercice 2000, les
écritures ci-après ont été comptabilisées
dans les comptes des sociétés du groupe CAPUT :
BALA S.A.
|
Provision pour créance douteuse sur KULU SARL
|
:
|
140
|
000
|
|
Jetons de présence versés à CAPUT S.A.
|
:
|
30
|
000
|
|
subvention reçue de CAPUT S.A.
|
:
|
100
|
000
|
|
Plus-value de cession d'immobilisations corporelles
|
|
|
|
|
à KULU SARL
|
:
|
27
|
000
|
KULU SARL
|
|
|
|
|
Abandon de créance sur BALA S.A.
|
:
|
300
|
000
|
|
Prestations de services à BALA S.A.
|
:
|
54
|
000
|
|
Il est précisé que le prix normal pratiqué
pour des prestations
|
|
|
|
|
de services similaires est de
|
:
|
104
|
000
|
|
Montant de la subvention indirecte
|
:
|
50
|
000
|
|
Provision pour créance douteuse sur CAPUT S.A.
|
:
|
113
|
000
|
CAPUT S.A.
|
|
|
|
|
Subvention accordée à BALA S.A.
|
|
200
|
000
|
|
Jetons de présence reçus de KULU SARL
|
:
|
150
|
000
|
|
Quote-part de frais et charges sur dividendes perçus des
filiales
|
:
|
32
|
000
|
|
Moins-values de cessions d'immobilisations corporelles à
BALA S.A.:
|
7
|
000
|
|
(1) Mémento Pratique FRANCIS LEFREBVRE
FISCAL, édition 2000 n° 3589
On sait par ailleurs que :
|
Le résultat du groupe avant retraitements fiscaux
s'établit à
|
:
|
114 500
|
|
Le montant des charges financières liées à
l'acquisition de
|
|
|
|
BALA S.A. par CAPUT S.A. est de
|
:
|
49 000
|
|
Réintégrations BALA
S.A.
ü Jetons de présence versés à CAPUT
S.A.
|
:
|
30 000
|
ü Provision pour créance douteuse sur KULU SARL
|
:
|
340 000
|
ü Jetons de présence reçus de KULU SARL
|
:
|
150 000
|
KULU SARL
|
|
|
ü Provision pour créance douteuse sur CAPUT S.A.
|
:
|
113 000
|
CAPUT S.A.
|
|
|
ü Jetons de présence reçus de KULU SARL
|
:
|
150 000
|
ü Moins-values de cessions d'immobilisations corporelles
à
|
|
|
BALA S.A.
|
|
7 000
|
ü Charges financières liées à l'achat
de BALA S.A.
|
|
49 000
|
Montant total des sommes à
réintégrer
|
|
639 000
|
Déductions
|
|
|
BALA S.A.
|
|
|
ü Plus-value de cession d'immobilisations corporelles
à
|
|
|
KULU SARL
|
:
|
27 000
|
KULU SARL
|
|
|
ü Abandon de créance sur BALA S.A.
|
:
|
300 000
|
ü Subvention indirecte à BALA S.A.
|
:
|
50 000
|
CAPUT S.A.
|
|
|
ü Subvention accordée à BALA S.A.
|
:
|
230 000
|
ü Quote-part de frais et charges sur dividendes
perçus des filiales
|
:
|
32 000
|
Montant total des sommes à
déduire
|
:
|
609 000
|
|
Résultat fiscal du groupe CAPUT
( Résultat d'ensemble du groupe +
réintégrations - déductions )
= 114 500 + 639 000 - 609 000 = 144 500
1
|