B/ La
portée du principe
Etudier la portée de l'irrévocabilité des
ordres de paiement revient, à notre sens, à parler de
l'étendue de cette irrévocabilité. Sur ce point, il y a
lieu de retenir qu'en matière de virement l'ordre devient
irrévocable à partir de la date de son inscription au
débit du compte du donneur d'ordre. Il n'en est pas ainsi en
matière de chèque car la remise du titre entraîne le
transfert de la propriété de la provision. En conséquence
le tireur ou le titulaire de la carte ne peut, en principe, revenir sur le
mandat de payer par lui donné à son banquier. Cela signifie tout
simplement qu'il est envisageable que l'ordre de paiement soit
révocable. A titre d'illustration nous nous référons
à l'article 142 du règlement qui dispose que
« l'ordre ou l'engagement de paiement donné au moyen d'une
carte ou d'un autre instrument et procédé électronique de
paiement est irrévocable » avant de préciser que
l'opposition au paiement est recevable dès lors qu'elle est
justifiée par la perte, le vol ou l'utilisation frauduleuse de la carte
ou du porte monnaie.
Par ailleurs si cette logique est envisageable en
matière de chèque, il n'en est pas ainsi en ce qui concerne le
virement. Car ce procédé ne repose pas sur un support
matériel qui peut éventuellement être perdu. Est-ce alors
à dire que l'opposition n'est pas envisageable en matière de
virement ?
A cette question la réponse négative s'impose en
ce sens que l'ordre de virement peut être donné par une personne
autre que le véritable titulaire du compte à débiter. Que
faire alors en pareille situation ?
Sur ce point il faut distinguer selon que l'ordre est
exécuté ou non avant que le client de la banque ne se rende
compte de cette fraude. Si la tentative de fraude est découverte avant
que l'ordre de virement ne soit exécuté, l'opposition au paiement
serait recevable. En revanche, au cas contraire, il sera tenu compte de la
faute du banquier ou de son client d'autant plus que le banquier doit
vérifier la régularité de l'ordre de virement notamment en
ce qui concerne la réalité des signatures. A défaut de
cette vérification, il engage sa responsabilité. Il peut
cependant arriver des situations d'urgence dans lesquelles le banquier serait
dispensé de cette obligation de vérification.
De cette section consacrée à l'étude de
l'irrévocabilité des ordres de paiement, il faut retenir,
grosso modo, que ce principe s'inscrit au demeurant dans une logique
de protection des bénéficiaires desdits paiements. Il s'accommode
mal cependant avec la volonté des autorités de protéger
davantage la clientèle bancaire et de les inciter à
l'utilisation des instruments scripturaux de paiement. Cela se comprend
aisément car la sécurité d'un instrument de paiement doit
aussi se manifester dans la facilité de rectification des erreurs, et
donc la possibilité de révocation de l'ordre de paiement.
Admettons certes que le législateur a consacré, dans certaines
conditions, cette possibilité, mais cela pose également un autre
problème : celui du sort du bénéficiaire qui, en cas
de défaut de paiement, se voit s'ouvrir des voies de recours assez
complexes.
|