La première action concrète menée par
l'O.N.U. en Haïti était pacifique. En décembre 1992,
l'envoyé spécial du Secrétaire Général de
l'O.N.U. a mené une série de négociations avec le
Président Aristide exilé à Washington, avec les
coordonnateurs et les membres de la Commission présidentielle, avec le
Général Raoul Cédras, avec le Premier Ministre du
gouvernement de facto M. Marc Bazin et avec les présidents des
deux chambres de l'Assemblée Nationale d'Haïti.
Suite à ces négociations, le Président
renversé a adressé une lettre au Secrétaire
Général de l'O.N.U. en date du 8 janvier 1993 dans laquelle il a
présenté certaines demandes. Il a souhaité notamment que
l'O.N.U. et l'O.E.A. créent une mission civile internationale
chargée de veiller au respect des droits de l'Homme et
l'élimination de toute forme de violence
en Haïti. Par la même lettre, le Président
Aristide a demandé à ces deux organisations l'instauration d'un
processus de dialogue entre les parties haïtiennes sous les auspices de
l'envoyé spécial, en vue de parvenir à des accords sur le
règlement de la crise politique, à la désignation par le
Président d'un Premier Ministre qui dirigerait un gouvernement de
concorde nationale ayant pour mandat d'assurer le rétablissement complet
de l'ordre démocratique en Haïti, à des accords pour la
réhabilitation des institutions haïtiennes, y compris la
réforme du système judiciaire, la professionnalisation des forces
armées et la séparation de la police et des forces armées,
une assistance technique internationale à la reconstruction nationale et
un système de garanties propre à assurer une solution
durable200.
Les revendications du Président Aristide ont donc
concerné des questions qui touchent directement aux prérogatives
de tout État souverain. Seulement, empêché d'exercer les
pouvoirs qui lui sont légalement reconnus, le Président
renversé a trouvé en l'O.N.U. un véritable refuge.
Après avoir acquis l'accord du Général
Raoul Cédras, l'envoyé spécial a discuté avec les
Secrétaires Généraux de l'O.N.U. et de l'O.E.A. des
modalités du fonctionnement de la mission civile.
Jusque là, l'O.N.U. a procédé par le
moyen de l'accord entre les parties concernées. Cet accord a
déterminé les fonctions de la mission civile dans tous ses
détails. Parmi ces tâches, la mission devait assurer le respect
des droits de l'Homme reconnus par la constitution haïtienne et par les
instruments internationaux auxquels Haïti est partie, notamment le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques et la Convention
américaine relative aux droits de l'Homme
Ce n'est qu'après la recommandation faite par le S.G.
à l'A.G. que cette dernière a adopté la résolution
47/20 B du 20 avril 1993. Dans cette résolution, adoptée sans
vote, l'A.G. de l'O.N.U.
200 Voir COICAUD (J-M), "La communauté
internationale et la reprise du processus démocratique", Le
trimestre du monde, Premier trimestre 1995, pp. 98-99, Voir
également Les Nations Unies et la situation en Haïti, op. cit.,
p. 3.
"Déplorant que malgré les efforts de la
communauté internationale, le gouvernement légitime du
Président Jean-Bertrand Aristide n'ait pas été
rétabli et que la violence continue de triompher des droits de l'Homme
et des libertés civiles et politiques en Haïti,
Rappelant que le but de la communauté
internationale demeure le prompt rétablissement de la démocratie
en Haïti et le retour du Président Aristide, le respect
intégral des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et
la promotion du développement social et économique en
Haïti,
(..) Accueillant avec satisfaction l'accord qui a permis le
déploiement de la Mission Civile Internationale en Haïti...
Convaincue que l'oeuvre accomplie par la Mission peut
contribuer au respect intégral des droits de l'Homme et créer un
climat propice à la restauration de l'autorité
constitutionnelle.
(..) - 1 - Approuve le rapport du Secrétaire
Général et les recommandations qui y figurent, tendant à
ce que l'Organisation des Nations Unies participe avec
l'Organisation des États Américains
à la Mission Civile Internationale en Haïti, qui aura pour
tâche initiale de vérifier le respect des obligations
internationales d'Haïti en matière des droits de l'Homme, en vue de
faire des recommandations à ce sujet, pour aider à l'instauration
d'un climat de liberté et de tolérance propice au
rétablissement de la démocratie en Haïti,
- 2 - Décide d'autoriser la participation
effective et immédiate de l'Organisation des Nations Unies à la
Mission Civile Internationale en Haïti et prie le Secrétaire
général de prendre les mesures nécessaires pour assurer et
renforcer la présence de la Mission en Haïti,
- 4 - Répète qu'il faut que le
Président Aristide regagne sans retard Haïti pour y prendre ses
fonctions constitutionnelles de Président, ce qui est le moyen de
réactiver sans plus de délai le processus démocratique
en
Haïte,201.
201 Les Nations Unies et la situation en
Haïti, op. cit., p. 51.
Le 3 juin 1993, la Mission Civile Internationale en
Haïti a présenté son premier rapport dans lequel elle a
constaté les atteintes continues au droit à
l'intégrité et à la sécurité des personnes.
Suite à ce rapport, le représentant permanent d'Haïti
auprès de l'O.N.U. a demandé au Conseil de Sécurité
d'universaliser les sanctions adoptées par l'O.E.A. à l'encontre
des autorités de fait en Haïti.
C'est dans ce contexte que le Conseil de
Sécurité de l'O.N.U., deux ans après le coup
d'État, a utilisé les prérogatives qui lui sont reconnues
par la Charte pour appliquer les accords relatifs au rétablissement de
la démocratie.