B. Les cas d'échec des Missions d'observation
électorale de l'O.N.U.
Il s'agit là d'un échec à établir la
démocratie par la voie des vérifications électorales.
Plusieurs États qui ont été
assistés par l'O.N.U. sont loin d'être qualifiés de
démocratiques. Les coups d'État survenus Niger le 27 janvier 1996
et au Sierra Leone le 16 janvier 1996, l'échec de l'O.N.U. à
Haïti et en Angola, en sont la preuve.
Nous examinerons exclusivement ces deux derniers cas vu
l'importance des opérations menées par l'O.N.U. dans ces
États.
a. L'observation des élections en Haïti
Si les actions de l'O.N.U.V.E.N., de l'O.N.U.MOZ. et de la
M.O.N.U.A.S. s'inséraient dans un cadre plus général que
celui de l'assistance électorale à savoir un cadre de maintien de
la paix, l'assistance apportée par l'O.N.U. au processus
électoral en Haïti n'avait pas, du moins à son début,
cette dimension de paix internationale.
En effet, l'O.N.U. a reçu une demande d'assistance
électorale de la part de la présidente du gouvernement provisoire
d'Haïti. Mme Ertha Pascal Trouillot a demandé une assistance pour
la vérification du processus électoral dans toutes ses
étapes ainsi qu'une assistance pour la sécurité qui
conditionne ce processus.
Ce n'est qu'après l'avis favorable du Conseil de
Sécurité que l'Assemblée Générale de
l'O.N.U. a pris sa résolution 45/2 adoptée par consensus le 10
octobre 1990 intitulée "assistance électorale à
Haïti". Un extrait de cette résolution nous éclairera
sur l'attitude prudente de l'Assemblée Générale :
"Prenant note des lettres, ... adressées au Secrétaire
Général par la présidente du gouvernement provisoire de la
république d'Haïti, dans lesquelles cette dernière a
demandé l'assistance de l'Organisation des Nations Unies pour assurer le
bon déroulement, dans des conditions pacifiques du prochain processus
électoral,
Réaffirmant le droit souverain du peuple
haïtien de choisir son propre destin et de participer librement à
la détermination de celui-ci sans ingérence extérieure,
Consciente des efforts déployés par le peuple haïtien pour
consolider ses institutions démocratiques face aux risques de
déstabilisation.
- 1 - Prie le Secrétaire Général,
agissant en coopération avec les organisations régionales et les
États Membres, de fournir au gouvernement haïtien l'appui le plus
large possible"108.
Ainsi, dans cette résolution, l'organe plénier de
l'O.N.U. a pris le soin de rappeler : d'abord, que cette action ne fait que
répondre à la demande d'un État Membre, ensuite, que
cette action ne constitue nullement une
108 Résolutions et décisions
adoptées par l'Assemblée Générale au cours de
quarante cinquième session, volume I, 18 septembre - 21 décembre
1990, documents officiels, p. 12.
ingérence extérieure dans les choix du peuple
haïtien; enfin, qu'il s'agit d'un appui partagé entre l'O.N.U. et
les organisations régionales.
Se basant sur cette approbation, le Secrétaire
Général de l'O.N.U. a créé le Groupe d'observation
des Nations Unies pour la vérification des élections en
Haïti (O.N.U.V.E.H.) en octobre 1990.
Suivant les recommandations de l'Assemblée
Générale, L'O.N.U.V.E.H. devait comporter un groupe de 50
observateurs chargés d'encadrer les élections depuis
l'inscription des électeurs jusqu'à la fin de la période
électorale. Ce nombre pouvant être augmenté tout au long du
processus.
Trois divisions constituaient ce groupe. La première
est chargée de l'observation des élections et composée de
39 fonctionnaires internationaux rejoints lors des élections par 70
observateurs des institutions des Nations Unies, 35 observateurs
désignés par 13 gouvernements et 38 représentants
d'organisations non gouvernementales. La deuxième division est
chargée d'observer la sécurité alors que la
troisième s'intéresse à l'administrationlo9.
L'O.N.U.V.E.H. avait pour tâche l'observation des
élections non seulement législatives mais aussi
présidentielles et locales. Cette observation devait couvrir le
processus électoral dans sa globalité.
L'O.N.U.V.E.H. a jugé que les inscriptions des
électeurs ainsi que la campagne électorale se sont
déroulées dans des conditions acceptables bien que quelques actes
de violence aient eues lieu.
Lors du premier tour des élections, du 16
décembre 1990, les observateurs de l'O.N.U. ont déclaré
qu'il n y avait pas eu de tentatives importantes pour fausser le processus
électoral par la violence ou par l'intimidation. Jean Bertrand Aristide
a alors recueilli 67 % des voix dès ce premier tour.
Le 20 janvier, le deuxième tour des élections
législatives a été organisé sous la surveillance de
l'O.N.U.V.E.H. et de l'O.E.A. qui ont été
généralement satisfaites des conditions du scrutin malgré
la tentative du coup d'État menée le 6 janvier par Roger
Lafontant appelé "Chef des tontons macoutes".
109 Voir BEIGBEDER (Y), op. cit. p. 69.
L'appui apporté par l'O.N.U. pour garantir
l'impartialité des élections en Haïti a été
considéré par le Secrétaire Général de
l'O.N.U. comme un "exemple de ce que les Nations Unies peuvent faire, avec
l'appui approprié des organes délibérants, pour superviser
impartialement le déroulement d'élections nationales dans une
situation pouvant comporter des répercussions internationales"no
.
Yves Daudet a considéré que cette
déclaration "montre bien l'aspect global des actions des Nations
Unies et légitime leur intervention dans un domaine sensible et
délicat par les conséquences internationales susceptibles
d'être entraînées par une situation
interne"111.
Les développements ultérieurs de la situation en
Haïti ont démenti les prétentions de l'O.N.U. de parvenir
à établir un régime démocratique par l'assistance
électorale à un État qui n'a jamais connu de régime
démocratique.
Cet échec de l'O.N.U.V.E.H. revient selon certains
auteurs112 au fait que le Groupe consistait en une mission
temporaire sans force de maintien de la paix ni mandat lui permettant de
maintenir la démocratie.
Il a fallu donc donner aux haïtiens une autre chance pour
exprimer leur volonté politique.
A notre sens, les dernières élections
haïtiennes, qui, ont eu lieu le 17 décembre 1995, avec un taux de
participation de 28 % de l'ensemble des électeurs inscrits,
témoignent du rejet de cette autre chance et de cette démocratie
par un peuple toujours préoccupé par sa misère.
b. L'observation des élections en Angola
llo DE CUELLAR (J - P). Rapport du Secrétaire
Général sur l'activité de l'Organisation, 1991, P.
9.
111 Rapport introductif, in. Aspects du système des
Nations Unies dans le cadre de l'idée d'un nouvel ordre mondial,
colloque du 22 et 23 novembre 1991 à Aix en Provence; dir. DAUDET
(Y), Paris, Pedone, 1992, p. 23.
112 Voir par exemple BEIGBEDER (Y), op. cit.,
pp. 71 - 72.
Par leur signature de l'accord du cessez - le - feu le 31 mai
1991, le président de l'Angola José Eduardo Dos Santos et le chef
de l'Union Nationale pour l'indépendance totale de l'Angola (U.N.I.T.A.)
Jonas Savimbi ont prévu, outre le calendrier du cessez - le - feu,
l'organisation des élections présidentielles et
législatives entre septembre et novembre 1992.
Suite à cette décision, le gouvernement a
demandé une assistance électorale à l'Organisation des
Nations Unies.
Après avoir approuvé la création de la
composante électorale de l'U.N.A.V.E.M. 11113, qui a commencé
à fonctionner en avril 1992; le Conseil de Sécurité de
l'O.N.U. a élargi le mandat de cette mission pour y inclure
l'observation des élections et ce par sa résolution 747 du 24
mars 1992.L'O.N.U. a encadré les élections angolaises à
partir des opérations d'inscription sur les listes électorales. A
cette fin, elle a mobilisé 98 fonctionnaires internationaux alors que
pendant le déroulement du scrutin plus de 400 observateurs ont
été présents.
Après les élections législatives et le
premier tour des élections présidentielles qui ont eu lieu le 29
et 30 septembre 1992, ces observateurs ont indiqué que les conditions du
scrutin avaient été généralement paisibles. Des 75%
des voix exprimées 50,9% ont choisi le président Dos Santos
contre 39,3% des voix pour Savimbi et 33,4% pour son parti l'U.N.I.T.A. alors
que le M.P.L.A. a obtenu 55% des voix.
Cependant ces résultats ont été
qualifiés de frauduleux par l'U.N.I.T.A. ce qui a amené le
Conseil de Sécurité de l'O.N.U. à envoyer une commission
ad-hoc pour vérifier ces résultats.
Lors du deuxième tour des élections, le Conseil
national électoral a annoncé la victoire du M.P.L.A. par
l'obtention d'une majorité absolue. A la fin de ce processus, la
représentante spéciale du Secrétaire
Générale a déclaré que les élections ont
été généralement libres et équitables bien
que quelques irrégularités aient été
remarquées. Une déclaration qui a été
approuvée par le Conseil de Sécurité qui a rejeté
les allégations de fraude
de l'U.N.I.T.A. et a invité ce parti à se
conformer aux résultats des élections. Le Conseil de
Sécurité a, en plus, interdit la fourniture d'armes et de
produits pétroliers à l'U.N.I.T.A. après avoir
constaté, sur la base du chapitre VII de la Charte de l'O.N.U., que la
situation en Angola constitue une menace contre la paix et la
sécurité internationales114.
Malgré cette intervention de l'organe restreint de
l'O.N.U., l'action menée pour soutenir le processus électoral
était vouée à l'échec. L'U.N.I.T.A. n'a pas admis
sa défaite dans les élections. Jonas Savimbi a alors repris les
armes nonobstant les menaces du Conseil de Sécurité.
Cet échec du processus de démocratisation est-il
imputable "à l'O.N.U. pour ne pas avoir mené à bien la
démobilisation des forces rivales et leur intégration dans une
nouvelle armée angolaise "unique" avant les élections, et pour
n'avoir disposé que d'effectifs insuffisants pour contrôler
effectivement le processus électoral sur le vaste territoire
angolais"?115 A cette question, le Secrétaire
Général de l'O.N.U. a pu répondre que, l'Organisation des
Nations Unies ne peut en aucun cas agir par la force pour obliger les parties
à respecter un accord de paix signé entre elles. Le succès
d'une opération de maintien de la paix et l'aspect électoral
d'une telle opération dépendent de la bonne foi des parties et de
leur véritable volonté d'engager des élections
libres116.
L'assistance électorale effectuée par l'O.N.U.
en faveur de certains États n'a pas été toujours le moyen
efficace et approprié pour établir des régimes
démocratiques dans ces pays. L'assistance apportée à
Haïti et à l'Angola et l'expérience de l'O.N.U. dans ces
deux États nous enseigne que, bien que les élections libres et
honnêtes soient un moyen pour établir des régimes
démocratiques, ce moyen n'est pas toujours adéquat pour certains
États qui n'ont jamais réuni les conditions d'un régime
démocratique. Certains auteurs pensent que "... les semaines qui
précèdent une élection ne suffisent pas à
créer une véritable culture civique et les valeurs
démocratiques ne s'importent pas par voie d'assistance
internationale"117.
114 Résolution 864 B.
115 ,BEIGBEDER (Y), op. cit. p. 76.
116 Ibid. loc. cit.
117 DE RAULIN (A), art. cit., p. 592.
Malgré ces carences du système de l'O.N.U. en
matière d'observation des élections, l'Organisation mondiale
s'est attribuée un rôle plus complexe pour établir la
démocratie et ce par l'organisation et la conduite des
élections.
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