PARAGRAPHE DEUXIÈME
L'OBSERVATION ET LA VÉRIFICATION DES
ÉLECTIONS : UN CONTRÔLE DE LA DÉMOCRATISATION
L'action engagée par l'O.N.U. en vue d'aider les
États à établir un régime démocratique ne se
limite pas à leur accorder une assistance technique en matière
électorale. En fait, l'Organisation Mondiale a pu répondre aux
appels des États pour vérifier et observer l'ensemble de leurs
processus électoraux.
Certes, l'engagement de l'O.N.U. à contribuer au
processus de démocratisation de ces pays n'avait pas la même
portée dans tous les cas. Ainsi, pour certains États tels que
Haïti ou El Salvador, la vérification a touché des
élections à la fois présidentielles, législatives
et locales, dans d'autres cas l'observation électorale n'a
concerné que les élections présidentielles et
législatives cela a été le cas, par exemple, du Nicaragua,
du Mozambique et de l'Angola.
L'étude de l'action de l'O.N.U. en matière
d'observation des élections nous a permis de constater le nombre
élevé des États qui en ont
bénéficié.
Faute de pouvoir étudier tous les cas d'observation
électorale menée par l'O.N.U. ces dernières années,
nous allons nous contenter de l'étude de quelques cas dans lesquels
l'Organisation a relativement réussi sa fonction de
démocratisation à travers les élections (A)
sans, pour autant, perdre de vue les cas où l'effort de
l'O.N.U. pour établir un régime démocratique par
l'observation électorale, a été voué à
l'échec (B).
A. Cas réussis des missions d'observation
électorale
Présentés comme des succès de l'O.N.U., ces
cas concernent successivement le Nicaragua, le Mozambique et l'Afrique du
Sud.
a. L'observation des élections au Nicaragua
C'est dans le cadre du processus de paix en Amérique
Centrale que l'O.N.U. a assuré l'observation des élections au
Nicaragua. En effet, les accords de Guatemala ou encore d'Esquipulos II,
signés le 7 août 1987 par les présidents du Nicaragua, du
Guatemala, du Honduras, d'El Salvador et du Costa Rica, ont prévu de
promouvoir les élections libres et honnêtes dans les pays
signataires.
L'observation des élections au Nicaragua ne s'est pas
réalisée sans provoquer une controverse au sein de l'Organisation
des Nations Unies puisque c'était pour la première fois que
l'O.N.U. fut appelée à observer le processus électoral
dans un État Membre. Jusqu'alors l'Organisation n'avait observé
les plébiscites ou les élections que dans le cadre d'un processus
d'autodétermination.
C'est le service juridique de l'O.N.U. qui s'est, pudiquement,
prononcé sur la question en 1982. Cela se comprend si on
considère que "l'intervention des Nations Unies est dangereuse et
créerait un précédent, justifiant d'autres
demandes"96. Donc, selon le service juridique "les Nations
Unies ne peuvent être impliquées comme observateur pour une
élection ou un plébiscite dans un État souverain et
indépendant que si l'un des organes délibérants principaux
autorise une telle intervention et le Secrétaire Général
doit refuser une demande d'un État tant qu'il n'a pas obtenu
l'autorisation préalable de l'Assemblée Générale ou
du Conseil de Sécurité"97.
Le cas du Nicaragua semble répondre à ces
conditions. Ainsi le 3 mars 1989, le gouvernement du Nicaragua a demandé
au Secrétaire Général de l'O.N.U., la constitution d'un
groupe d'observateurs pour les élections qu'il envisageait
d'entreprendre. Sa demande a été satisfaite et le
Secrétaire Général a créé la Mission
d'observation des Nations Unies chargée de la vérification du
processus électoral au Nicaragua (O.N.U.V.E.N.) qui a commencé
à fonctionner le 25 août 1989 après avoir été
appuyée par
96 TAVERNIER (P) "L'année des Nations Unies 23
décembre 1988 - 22 décembre 1989", Questions juridiques, 1989, p.
600.
97 TAVERNIER (P), "L'année des Nations Unies 23
décembre 1988 - 22 décembre 1989", Questions juridiques, A.F
.D.I., 1989, p. 600.
l'Assemblée Générale dans sa
résolution 44/10 du 23 octobre et endossée par le Conseil de
Sécurité dans sa résolution 637 du 27 juillet 1989.
L'O.N.U.V.E.N. avait pour mission d'observer le processus
électoral dans son intégralité, une observation qui devait
avoir lieu entre août 1989 et février 1990 et qui devait se
dérouler suivant trois phases. La première concerne
l'établissement des listes électorales, la deuxième phase
est relative à la campagne électorale. Le vote et le
dépouillement des résultats faisaient alors l'objet de la
troisième phase de cette Mission.
La Mission avait plusieurs tâches dans le cadre de sa
vérification des élections. L'une de ses fonctions consistait
à vérifier que les partis politiques, en conflit depuis plusieurs
années, ont été représentés au conseil
électoral suprême d'une façon équitable. Le
rôle de l'O.N.U.V.E.N. s'est avéré encore plus important
lors de la campagne électorale marquée par un conflit politique
accentué. C'est pourquoi l'O.N.U. s'est ingéniée à
garantir à ces partis un accès égal aux médias, une
mobilisation libre et sans contrainte ainsi qu'une liberté d'expression
et d'organisation. De plus, le mandat de la Mission consistait à donner
suites aux plaintes et aux irrégularités ou fraudes
observées pendant les élections.
Cet effort entrepris par l'Organisation pour assurer un climat
de compétition démocratique dans le pays a suscité une
mobilisation d'un effectif assez important qui a été
renforcé par la présence de 190 observateurs appartenant à
divers services de l'O.N.U.98.
De même, jour des élections; le 25 février
1990, l'O.N.U. a désigné dans le cadre de l'O.N.U.V.E.N. 207
observateurs assistés par une équipe de 34 personnes
réparties entre le siège de Managa et les bureaux
régionaux. Ces observateurs ont été présents dans
2155 bureaux de vote situés dans 141 des 143 circonscriptions.
L'O.N.U.V.E.N. a poursuivi son contrôle des
élections pendant la phase de dépouillement suite à
laquelle la Mission a déclaré la victoire de l'opposition et
sa candidate Mme Violetta BARRIOS DE CHAMORRO
98 On peut remarquer, en plus, la présence des
fonctionnaires d'Etats Membres détachés par leur gouvernement.
avec 54,7% des voix contre 40,8% des votes pour le parti du
gouvernement et son candidat M. Daniel ORTEGA, le taux de participation
étant de 86%.
Les résultats des élections nicaraguayennes ont
été considérés par l'O.N.U.V.E.N. comme
authentiques grâce à l'impartialité et la
régularité du processus électoral dans son ensemble bien
que ce soit "là, la première opération de
contrôle électoral interne, autorisée par les Nations Unies
et menée par l'Organisation sur le territoire d'un État
Membre"99 .
Après ces élections, l'Assemblée
Générale de l'O.N.U. a pris acte "des rapports du
Secrétaire Général sur la vérification du processus
électoral effectuée, à chacune de ses étapes, par
un groupe d'observateurs des Nations Unies à la demande du gouvernement
Nicaraguayen, et en particulier du fait que, selon ces rapports, l'ensemble du
processus électoral s'est déroulé dans les règles,
librement et dans 1' équiteloo.
Ainsi, la Mission d'observation des Nations Unies
chargée de la vérification du processus électoral au
Nicaragua a été considérée comme un succès.
En fait, de part son caractère innovateur, la Mission est parvenue
à assurer des élections jugées libres et équitables
dans un pays qui a, pendant longtemps, souffert d'une crise politique et socio
- économique qui entravait tout processus démocratique.
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