Section II : Réparation des
préjudices et la réconciliation :
Paragraphe I : la réparation des
préjudices
Dans son approche globale, l'Instance a lié la
réparation aux autres missions dont elle a été investie,
à savoir la divulgation de la vérité, l'instauration de
l'équité et la consolidation des fondements de la
réconciliation. En conséquence, l'IER a veillé à
conférer à la réparation des portées symboliques et
matérielles diverses qui concernent des individus, des
communautés ou des régions. L'Instance en a également fait
un des principaux éléments de la reconnaissance par l'Etat.
Il s'agit également d'un élément
essentiel des réformes visant à mettre en place des garanties de
non répétition.
L'Instance a accordé un grand intérêt aux
expériences des Commissions de vérité instituées
antérieurement à sa création ou en exercice durant son
mandat. L'Instance a entrepris, à cet égard, des études et
mené des consultations approfondies à propos de ces
expériences en matière de réparation, en collaboration
avec les experts du Centre International de Justice Transitionnelle, l'IER a pu
en conséquence intégrer dans son approche les avancées
réalisées par certaines Commissions de la vérité et
relever les lacunes d'autres expériences.
elle a procédé également en Se fondant
sur l'une des dispositions de ses statuts qui lui a assigné la mission
de procéder à une évaluation globale du processus de
règlement des violations graves des droits de l'Homme, dont notamment
l'expérience de la précédente instance d'arbitrage en la
matière.
L'approche adoptée par l'IER en matière de
réparation, y compris l'indemnisation, s'est basée sur les
éléments suivants :
Les principes de justice et
d'équité ;
Les dispositions du Droit international des droits de
l'Homme, les engagements internationaux du Maroc, les enseignements
tirés des expériences de justice transitionnelle dans le
monde ;
La reconnaissance des violations, l'établissement de
la vérité et la garantie de non
répétition ;
La prise de dispositions pour la réparation des
préjudices aux niveaux individuel et communautaire ;
L'adoption de l'approche genre en prenant en
considération la situation des femmes ;
L'implication de la société civile ;
La définition des engagements de tous les
partenaires en matière de réparation des préjudices aux
niveaux individuel et collectif ;
La restauration de la confiance ;
La réhabilitation des victimes et leur
rétablissement dans leur dignité, ainsi que l'enracinement de la
citoyenneté.
Après avoir déterminé les personnes
remplissant les conditions pour bénéficier de l'indemnisation,
l'IER a procédé à l'examen des dossiers dans la
perspective d'une indemnisation financière et d'autres formes de
réparation.
En fait l'approche adoptée par l'IER en matière
de réparation distingue entre deux types de réparation ; la
réparation à l'échelle individuelle et la
réparation communautaire.
En ce qui concerne la réparation à
l'échelle individuelle l'IER a pris les décisions
suivantes :
9280 victimes bénéficieront d'une indemnisation
dont 1895 victimes ont fait l'objet en outre d'une recommandation
supplémentaire portant sur d'autres modalités de
réparation (réintégration dans la fonction publique,
régularisation de situations administratives ou professionnelles,
réinsertion sociale et restitution des biens)
En outre, 1499 victimes ayant déjà
bénéficié entre 1999 et 2003 d'indemnisation de la part de
l'instance indépendante d'arbitrage, ont fait l'objet de la part de
l'IER de recommandations particulières concernant d'autres formes de
réparation.
L'IER aura ainsi positivement répondu aux demandes de
réparation de 9779 victimes.
En fait six critères ont été retenus par
l'IER pour fonder ses décisions :
· La privation de liberté ;
· La spécialité de la disparition
forcée (violation complexe portant atteinte à tous les droits
humains dont notamment le droit à la vie);
· Les conditions de détention ou de
séquestration ;
· La torture et tous les autres traitements inhumains
dégradants ou cruels ;
· Les séquelles physiques et psychiques ;
· La perte des opportunités et le manque à
gagner.
Dans toutes ses décisions l'IER a tenu
particulièrement comte de l'approche genre, en prenant en
considération les souffrances particulières des femmes victimes
des violations des droits humains.
En plus des formes de réparation à
l'échelle individuelle cités, la réhabilitation
médicale et psychique a pris une grande importance .en fait l'IER durant
son mandat a mis en place une unité médicale d'accueil et de
soutien pour les catégories de victimes nécessitant une
intervention urgente .elle a en outre procédé à une
analyse des dossiers de près de 9000 demandeurs ayant état dans
leurs dossiers de maladies suite à une violation.
L'IER a préconisé dans ses
recommandations :
· L'extension de la couverture médicale
obligatoire à toutes les victimes identifiées par l'IER et leurs
ayant droit ;
· La prise en charge immédiate et
personnalisée de près de 50 victimes souffrant de
séquelles graves et chroniques ;
· La création d'un dispositif permanent
d'orientation et d'assistance médicale des victimes de la violence et de
la maltraitance.
Partant du constat que certaines régions et
communautés ont souffert collectivement, de manière directe ou
indirecte, des séquelles des crises de violence politique et des
violations qui s'en sont suivies, l'IER a accordé une place
particulière à la réparation communautaire.
L'IER a ainsi :
· Organisé ou participé à des
séminaires dans diverses villes et régions (Figuig, Al Hoceima,
Errachidia, Khénifra, et d'autres villes) ;
· Tenu un forum national sur la réparation, en
présence de plus de 200 associations, une cinquantaine d'experts
nationaux et internationaux ;
· Procédé à de nombreuses
réunions de concertation tant avec des acteurs de la
société civile que les pouvoirs publics.
L'IER préconise dans ce domaine l'adoption et le
soutien de nombreux programmes de développement socio-économique
et culturel en faveur de plusieurs régions et groupes de victimes
(notamment les femmes) dans plusieurs villes dont notamment Casablanca et des
régions dont le Rif, la région de Figuig, Tazmamart, Agdez
-Zagora et le moyen Atlas.
Dans ses recommandations l'IER a recommandé
particulièrement la reconversion d'anciens centres illégaux de
détention, des mesures en ce sens ont d'ores et déjà en
cours d'exécution, ainsi par exemple la caserne située
près de Tazmamart a été évacuée par
l'armée.
Enfin pour conclure en ce qui concerne l'apport de
l'IER en matière de réparation voici un bilan global de l'action
de l'IER en matière de réparation à l'échelle
individuelle :
a- Nombre de dossiers soumis à l'Instance :
16 861
b- Classification des dossiers qui ont fait l'objet de
décisions positives :
Décisions prises
|
Nombre de dossiers
|
Pourcentage
|
Indemnisation financière
|
6385
|
37, 9
|
Indemnisation financière et réparation
d'autres préjudices
|
1895
|
11,2
|
Recommandation uniquement
|
1499
|
8,9
|
Total
|
9779
|
58
|
c- Classification des dossiers restants
Décisions prises
|
Nombre de dossiers
|
Pourcentage
|
Non compétence et saisie de la partie
compétente
|
66
|
0,4
|
Classement
|
18
|
0,1
|
Rejet
|
854
|
5,1
|
Décision d'omission
|
150
|
0,9
|
Irrecevabilité
|
927
|
5,5
|
Non compétence
|
4877
|
28,9
|
Dossiers incomplets
|
190
|
1,1
|
Total
|
6892
|
42
|
Bilan global de l'action de l'Instance en
matière de réparation à l'échelle
individuelle
|