Paragraphe 2 : La réconciliation
Il faut signaler qu'un processus graduel de
réconciliation a été initié au Maroc dès le
début des années 1990. Ce processus qui a notamment inclus des
réformes constitutionnelles, a été couronné par le
vote positif par l'opposition de la révision constitutionnelle de 1996,
la formation du gouvernement d'alternance et l'adoption d'un certain nombre de
lois ayant trait aux droits de l'homme et à l'état de droit.
Cette dynamique s'est traduite par des réformes législatives
importantes, à commencer par les dispositions organisant les
libertés publiques, les élections, d'autres abrogeant des textes
datant du Protectorat et la réforme du Code de statut personnel.
De même, le pays a renforcé les garanties
institutionnelles de protection des droits de l'homme, à commencer par
l'institution du Conseil Consultatif des Droits de l'Homme (CCDH) puis sa
réforme notamment par l'harmonisation de ses statuts avec les principes
de Paris, la création des tribunaux administratifs, de l'Institut Royal
de la Culture Amazighe (IRCAM), de Diwan al Madhalim (Ombudsman) et de la Haute
Autorité de la Communication Audiovisuelle (HACA).
Ces mutations ont constitué les prémisses du
processus de réconciliation des Marocains avec leur histoire.
Dans ce contexte, et conformément à la
volonté de réconciliation des Marocains avec leur passé
dans le cadre du règlement pacifique, juste et équitable des
violations ainsi que l'a affirmé l'important Discours Royal à
l'occasion de l'installation de l'IER, l'expérience marocaine a choisi
le recours à la justice restaurative à la place de la justice
accusatoire , et la vérité historique au lieu de la
vérité judiciaire, car la justice restaurative n'a pas pour lieu
l'espace restreint du prétoire, mais l'espace public dont l'horizon
s'étend pour contenir tous les domaines de l'action sociale, culturelle
et politique.
Considérant que la réconciliation est un
processus continu, l'Instance en a fait un objectif horizontal présent
dans tous ses programmes et activités. Ainsi, a-t-elle tenu, dès
le début de ses travaux, à créer les conditions d'un
débat pluraliste libre et responsable autour des fondements de la
réconciliation, en organisant un grand nombre de colloques. Pour ce
faire, l'IER a adopté l'action de proximité et de communication
dans ses dimensions informationnelle et sociale, associant divers intervenants
dans le but de parvenir à une lecture commune offrant des clés
permettant, d'une part, de comprendre les atteintes, dysfonctionnements et
violations du passé et d'autre part, de construire une mémoire
collective, mémoire qui a été souvent occultée
durant les périodes de répression que la société a
connues.
Conformément à ces orientations, l'Instance a eu
pour souci principal de faire bénéficier les victimes des graves
violations des droits de l'Homme des possibilités de réadaptation
et de réinsertion pour retrouver leur dignité et ce, en liant les
programmes conçus à cet effet à la réparation
communautaire afin de permettre à la société de s'engager
résolument, au plan local et national, dans l'action de consolidation
démocratique en cours.
l'Instance a retenu le principe d'établir publiquement
la vérité sur les violations graves des droits de l'homme, dans
un cadre de débat libre, serein et ouvert à toute la
société, en tant que choix stratégique pour
déterminer la responsabilité de l'Etat au lieu de la
responsabilité des individus.
L'une des manifestations les plus importantes de la
réconciliation est la volonté de mettre en place les garanties de
non répétition et de prévention. Pour cela, l'Instance
considère que la poursuite des réformes entreprises dès
les années 90 constitue une garantie de respect des droits de l'Homme et
de consolidation du processus d'édification de l'Etat de droit.
Mécanisme de révélation et aveu publics
.les auditions publics organisées par l'IER ont eu pour but de
rétablir les victimes dans leur dignité et de les
réhabiliter, de faire partager leurs souffrances, de soulager les
séquelles psychologiques qu'elles ont endurées et de
préserver la mémoire collective. Ces auditions publiques dont
certaines ont été transmises en direct par les média
audiovisuels publics ont joué un rôle pédagogique important
en direction des responsables, de l'opinion publique, de la
société et des nouvelles générations, et
constitué un moment de grande intensité sur la voie de
l'équité et de la réconciliation.
En plus des auditions publics l'IER a veillé Dès
le début de ses travaux, l'Instance a veillé à
créer les conditions propices à une discussion libre et à
un débat sérieux autour des fondements de la
réconciliation, et ce, à travers l'organisation de colloques,
rencontres et visites de terrain couvrant la majeure partie des régions
du pays.
l'IER estime enfin que La réconciliation avec
l'histoire nécessite également la levée des obstacles qui
empêchent la recherche sur cette histoire, la systématisation des
expériences accumulées au fil des générations,
ainsi que la consécration de la communication entre elles pour la
sauvegarde de la mémoire. Cela exige la révision globale de la
situation des archives publiques et la mise en place des conditions d'une
réforme profonde.
Ainsi les séances d'auditions publics, le dialogue
national sur les fondements de la réforme et de la réconciliation
et la préservation positive de la mémoire et le traitement de la
question des archives sont les préalables fondamentaux à la
réconciliation telle que conçue par l'IER.
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