Paragraphe 2 : La détention
arbitraire :
Contrairement à la disparition forcée, dont le
but est de priver la victime de toute protection juridique, puisque tous les
actes la constituant se font en dehors du cadre légal et au
mépris du droit, la détention arbitraire est
généralement exercée dans un cadre légal avec
toutefois la violation de tout ou partie des dispositions de la loi.
Cette pratique a été caractérisée
en général par la violation des dispositions de la loi
régissant la garde à vue.
Durant la période précédent le
procès, les conditions dans lesquelles se déroulait ce qui
était supposé être une garde à vue, étaient
marquées généralement par des pratiques arbitraires
telles que L'obligation faite au détenu dès son admission
dans le lieu illégal de détention, de demeurer en permanence dans
une même position, les mains menottées et les yeux bandés,
sauf pendant des séances de torture, L'interdiction de communiquer entre
les détenus, La mauvaise qualité de
l'alimentation. L'absence de toute hygiène, et bien d'autres
pratiques.
Les investigations menées par l'Instance ont permis de
constater que, outre les centres utilisés aux fins de détention
en cas de disparition forcée, des centres légaux ou
illégaux ont été utilisés à des fins de
détention arbitraire.
Paragraphe 3 : Torture et mauvais
traitements :
L'analyse des dossiers soumis à l'Instance, ainsi que
les témoignages oraux lors des auditions publiques ou à huis
clos, ont révélé le recours systématique à
la torture, pratiquée sous des formes diverses pour arracher des aveux
aux détenus ou les punir. La torture prenait différentes formes
selon la nature de la souffrance qu'on voulait infliger, physique ou morale, ou
les deux à la fois.
Les formes de torture physique ont occasionné, dans
certains cas, des séquelles psychiques et des infirmités
permanentes, et débouché parfois sur des décès.
La torture morale et psychologique consistait quant à
elle en des menaces de mort ou de viol, l'injure et autres atteintes à
la dignité.
Le recours privilégié à la torture lors
de l'interrogatoire des détenus dans les affaires à
caractère politique avait pour but non seulement d'arracher des aveux,
mais aussi de les châtier et de les humilier physiquement et
moralement.
Les souffrances endurées par les femmes étaient
d'autant plus graves que les hommes puisqu'elles étaient exposées
à des formes spécifiques de torture.
Paragraphe 4 : Les atteintes au droit
à la vie du fait de l'usage excessif et disproportionné de la
force publique :
Les investigations menées par l'IER ont permis
d'établir dans la plupart des cas la responsabilité de
différents appareils de sécurité dans les violations
graves relevant de la compétence de l'IER.
L'analyse des dossiers ayant trait aux
événements survenus durant les années 1965, 1981, 1984 et
1990 soumis à l'Instance, ainsi que les investigations et les recherches
menées ont conduit aux conclusions suivantes :
Ces événements ont connu des violations graves
des droits de l'Homme dont notamment l'atteinte au droit à la vie.
Ces violations ont résulté du non-respect des
normes internationales, et notamment des principes de base sur le recours
à la force par les responsables de l'application de la loi.
Il a été établi que les services de
sécurité ont tiré dans de nombreux cas à balles
réelles et n'ont pas usé d'autres moyens permettant de
préserver des vies humaines tout en dispersant les manifestants.
L'Instance a pu constater qu'un nombre important d'enfants,
dont certains ayant moins de dix ans, figure parmi les personnes
décédées.
Dans certains cas, les services de sécurité ont
tiré des coups de feu à l'intérieur des maisons au travers
de fenêtres entr'ouvertes ou des portes, blessant des personnes, dont des
enfants, des vieillards et des femmes, et causant des morts.
Les dépouilles ont été entassées
et emmenées dans des camions, au mépris du respect dû aux
morts et les lieux de leur inhumation ont été maintenus
secrets.
Lors de ses investigations sur les lieux d'inhumation des
victimes des événements sociaux, l'Instance a constaté que
les mises en terre, se sont déroulées nuitamment et en l'absence
des familles. A Casablanca en 1981, le rituel religieux n'a pas
été observé et les victimes ont été
enterrées dans deux fosses communes.
Dans tous les cas ayant fait l'objet d'investigations, Les
opérations d'enterrement se ont déroulées à l'insu
du parquet général.
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