Théorie de la Reconstruction Rationnelle. Programmes de Recherche et Continuité en sciences( Télécharger le fichier original )par Julien NTENDO BIASALAMBELE SJ Faculté de Philosophie St Pierre Canisius, KInshasa - Licence en philosophie 2007 |
III.2. Les théories de la rationalité au tribunal de l'histoire.La méthodologie des programmes de recherche offre un cadre plus large d'évaluation des diverses théories de la rationalité en fonction de la nouvelle démarcation lakatosienne entre histoire interne et histoire externe. Un programme de recherche qui se dit capable de rendre compte du progrès scientifique devra compléter son histoire normativo-interne, prioritaire, par une histoire empirique externe, car un critère ne peut à lui seul rendre compte de l'histoire rationnelle des sciences. Cette séquence reconstruit essentiellement l'histoire interne ou noyaux durs de quatre théories de la rationalité et démontre l'urgence de compléter cette lecture par des hypothèses socio-psychologiques devant servir de glacis protecteur. Il s'agit de faire une reconstruction rationnelle du falsificationnisme, de l'inductivisme, du conventionnalisme et de la méthodologie de programme de recherche. Chacune de ces théories de la rationalité dispose de ses règles d'acceptation et de rejet des théories. Ces règles sont un code d'honnêteté intellectuelle et servent de noyau dur du programme. III.2.1. Le programme inductivisteChez l'inductiviste, le noyau dur ou le critère d'acceptation des théories est constitué des théories devant décrire des faits durs et de celles capables de généralisations inductives infaillibles à partir de ces faits durs. Dès lors une théorie est acceptée si elle est prouvée, ou si elle est dérivée, par déduction ou par induction, d'autres propositions déjà prouvées224(*). Notre auteur ajoute : « La critique inductive est avant tout sceptique : elle consiste à plus montrer qu'une proposition est non prouvée, c'est-à-dire qu'elle est pseudo-scientifique, qu'à démontrer sa fausseté »225(*). Seules les propositions portant sur des faits durs et sur des généralisations empiriques sont de vraies découvertes scientifiques et constituent le noyau dur ou l'histoire interne de l'inductiviste. Chez ce dernier, les révolutions visent à démasquer les erreurs ou les moments d'irrationalité qui, d'ailleurs, sont considérés comme relevant de l'histoire externe des sciences. Ces moments d'irrationalité tombent alors dans la pseudo-science, ou dans l'histoire des croyances, des facteurs de la psychologie sociale. Dans le système inductif, le progrès des sciences commence avec une certaine révolution226(*). Cependant, l'histoire interne ou le noyau dur inductiviste présente quelques difficultés. L'inductivisme est d'abord incapable de fournir une explication rationnelle interne des motifs ayant conduit à la sélection initiale de certains faits plutôt que d'autres. Cette sélection est de l'ordre d'un problème non rationnel, c'est-à-dire externe ou empirique. Ensuite, en tant que théorie interne de rationalité, il est compatible avec plusieurs théories complémentaires, externes ou empiriques. Il est notamment compatible avec la conception marxiste qui affirme que le choix des problèmes tient aux besoins sociaux227(*). Il est également compatible avec la théorie externe qui voit le choix de problème déterminé d'abord par des cadres innés ou par des cadres théoriques métaphysiques choisis arbitrairement ou selon la tradition. D'après Lakatos, l'inductivisme radical accepte seulement une sélection faite au hasard par un esprit vide. Une telle conception relève d'un internalisme radical selon lequel : « Une fois établie l'existence d'influences externes sur l'acceptation d'une théorie (ou d'une proposition factuelle), il faut retirer cette acceptation : la preuve de l'existence d'une influence externe équivaut à une invalidation »228(*). Lakatos conclut que l'internalisme radical reste une utopie car les influences externes existent toujours. L'internalisme radical est donc autodestructeur comme théorie de la rationalité. * 224 Idem, p. 187. Chaque méthodologie comporte ses propres problèmes logiques et épistémologiques. Lakatos rapporte que le problème de l'inductiviste consiste à prouver la certitude de la base empirique ainsi que la validité des généralisations inductives. * 225 Idem, p. 188. * 226 Ibidem. A titre illustratif, Lakatos cite quelques paradigmes du modèle inductif : la généralisation de Kepler à partir des observations de Tycho Brahe, la découverte de la gravité newtonienne partant de la généralisation des phénomènes de Kepler et du mouvement planétaire, etc. * 227 Cfr. Idem, p. 189. Lakatos ne conçoit pas cependant les facteurs externes en termes de besoins sociaux. Pour lui, ces facteurs sont déterminés par les facteurs internes. Ce sont au contraire des influences externes extra-scientifiques. * 228 Idem, pp. 189-190. |
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