Théorie de la Reconstruction Rationnelle. Programmes de Recherche et Continuité en sciences( Télécharger le fichier original )par Julien NTENDO BIASALAMBELE SJ Faculté de Philosophie St Pierre Canisius, KInshasa - Licence en philosophie 2007 |
I.3.4. Procédure d'appel et pluralisme théoriqueLe théoricien peut interjeter appel contre le verdict de l'expérimentateur. Dans ce cas, la cour d'appel examine non pas l'énoncé de base, mais la théorie interprétative qui en établit la valeur de vérité. En pareille circonstance, il est d'abord question de reconstruire et d'améliorer l'articulation logico-déductive de la théorie. La question est alors de savoir dans quelle circonstance on doit alors tenir à une théorie en face de faits connus. D'après Lakatos, l'affirmation de la contradiction d'une théorie avec les faits est un langage propre à un modèle déductif monothéorique. Au contraire, sachant que la distinction entre « faits » et « théorie » est de l'ordre d'une décision méthodologique, le problème de la procédure d'appel fait intervenir un modèle déductif pluraliste. Ce modèle pluraliste a ceci de particulier que « La contradiction ne se situe pas entre des théories et de faits, mais entre deux théories de haut niveau : une théorie interprétative qui fournit les faits et une théorie explicative qui les explique ; et la première peut se placer à un niveau tout aussi élevé que la seconde100(*) ». Le modèle monothéorique présuppose une contradiction entre une théorie logiquement de niveau supérieur et une hypothèse falsificatrice de niveau inférieur. Ce modèle reconnaît le primat de la théorie explicative qui doit être jugée et réfutée par les faits. Dans le modèle pluraliste par contre, il n'est nullement question de valider la réfutation d'une théorie. Le problème consiste « à corriger une incompatibilité entre la « théorie explicative » mise à l'épreuve et les « théories interprétatives » explicites ou cachées ; (...) le problème est de savoir quelle théorie considérer comme l'interprétative qui fournit les faits « durs » et laquelle est l'explicative qui doit être jugée par les faits101(*) ». C'est dire que du point de vue déductif, le modèle pluraliste de mise à l'épreuve met ensemble plusieurs théories. Ainsi il peut décider d'accorder la primauté à la théorie interprétative pour juger les faits et, en cas de contradiction, réfuter les faits comme des monstruosités. C'est là remettre en question le pouvoir de l'expérimentation, c'est-à-dire celui d'un fait singulier, à renverser une théorie universelle. Le chercheur devra au contraire revisiter sa théorie interprétative. Dès lors, la version sophistiquée déplace le problème du rejet des théories, qui devient le problème de la résolution des incompatibilités entre des théories étroitement liées. Le falsificationnisme sophistiqué constitue en réalité une avancée très significative par rapport à la version dogmatique. Il s'impose alors de s'interroger sur sa portée épistémologique ainsi que sur les objections auxquelles il bute afin de souligner en quoi cette version contribue à l'avancement de notre débat, celui de la rationalité scientifique. * 100 Idem, pp. 57-58. * 101 Ibidem. |
|