1.2 Un nouvel idéal de consommation
Le marché européen de la viande est mature et le
prix de la viande n'est plus désormais déterminant. En effet, les
consommateurs s'intéressent de plus en plus à ce qu'ils mangent
et se soucient de la provenance de la viande qui est dans leurs assiettes.
Suite aux nombreux scandales ayant éclaboussés
le secteur de l'agriculture durant les années 90 (veaux aux hormones,
vaches carnivores...), de nouveaux facteurs tels que la
traçabilité, la sécurité sanitaire, les garanties
en matière de conditions de production (bien-être animal, respect
de l'environnement...), et l'identification de l'origine de l'animal jouent un
rôle croissant. La qualité tend à devenir un facteur
important en tant que « market driver ».
Ainsi les consommateurs sont à la recherche d'une viande
issue d'une « production propre ».
L'environnement est également un aspect important aux
yeux du consommateur. En effet, lorsque nous apprenons que selon Jean-Marc
Jancovici, expert climatique, « le kilogramme de viande de veau
équivaut a un trajet automobile de 220 kilomètres, l'agneau de
lait : 180 kilomètres ; le boeuf : 70 kilomètres et enfin le porc
: 30 kilomètres, les consommateurs s'inquiètent. De plus, Ces
chiffres ne prennent en compte que la production et le transport de la viande.
A titre de comparaison, la production d'un kilogramme de blé ou de
pommes de terre équivaut tout juste à un «créneau en
voiture ».
Certains experts prônent un « mangeons mieux,
protégeons la planète, réduisons notre consommation de
viande » ou d'autres plus radicaux comme les végétariens,
végétaliens et végans n'en consomment plus du tout.
Ainsi, le consommateur « moyen » se soucie de
l'environnement, du bien-être des animaux ainsi que ce qu'il consomme.
Nous n'appartenons plus à une société de production
quantitative, aujourd'hui nous nous tournons davantage vers le qualitatif.
Emissions de gaz à effet de serre (en kg
équivalent carbone) liés à la production d'un kg
de nourriture. Sont incluses les émissions liées à la
dépense énergétique (engrais, engins, etc.)
des cultures, aux émanations de N2O des engrais, à la
fermentation entérique des bovins. La viande s'entend avec os. Source
: Jancovici, 2000
1.3 Produire mieux et transporter mieux
Comme nous l'avons vu précédemment, les modes de
consommation ont évolué. Afin de s'adapter au mieux à
cette nouvelle tendance, il est nécessaire de produire mieux, puis de
transporter mieux.
Produire mieux :
Selon une étude épidémiologique
publiée par l'OMS en 1950, l'augmentation des maladies
cardio-vasculaires chez l'homme serait en grande partie due à un
élevage « trop » intensif.
Quarante ans plus tard, l'OMS expliquait que l'élevage
intensif était également à l'origine d'autres maladies
telles que les cancers et maladies auto-immunes. A ce moment là, la
nocivité
des produits phytosanitaires, pesticides et autres engrais
chimiques utilisés dans les cultures alimentant le bétail a
été démontré.
Parallèlement, la consommation d'antibiotiques,
vaccins, tranquillisants et antiparasitaires, avalés par les animaux ont
été démontré comme « nocifs et dangereux
» pour les consommateurs. En effet, au travers de la consommation de
viande, les consommateurs devenaient eux-mêmes consommateurs de
tranquillisants, antibiotiques, pesticides et de vaccins.
Ainsi, après le scandale soulevé au début
des années 80, le veau aux hormones est officiellement interdit dans la
C.E.E.
A partir de ce moment là, est apparu une
nécessité de produire mieux, tant pour la santé de l'Homme
que celle des animaux qui le nourrissent.
Le rôle de la Politique Agricole Commune :
La Politique Agricole Commune (PAC) présente dans le
traité de Rome, a été mise en place 1962 afin d'augmenter
la production alimentaire en Europe. Très rapidement, la PAC atteint son
objectif principal: assurer l'autosuffisance alimentaire de la
Communauté européenne.
Ainsi, la PAC a permis d'augmenter très
significativement le niveau de la production agricole en Europe grâce
à la mise en place d'outils garantissant le revenu des agriculteurs,
accompagnant l'exode rural et favorisant la modernisation des exploitations.
Cependant, de nombreux déséquilibres sont apparus.
En favorisant une production intensive, la PAC est responsable des effets
néfastes de la surproduction sur l'environnement.
Depuis le début des années 90 un processus de
réforme a été mis en place afin de répondre
davantage aux attentes de la société. Désormais, la PAC
n'a plus pour objectif d'encourager la production mais de garantir une
agriculture européenne compétitive, respectueuse de
l'environnement, capable de maintenir la vitalité du monde rural et de
répondre aux exigences des consommateurs en matière de
bien-être animal, de qualité et de sécurité des
denrées alimentaires.
La Politique Agricole Commune représente actuellement un
peu moins de la moitié du budget de l'Union européenne (42,7 % en
2007).
Objectifs de la « nouvelle » PAC :
Les objectifs de la "nouvelle" PAC visent désormais
à garantir « un approvisionnement stable en aliments sûrs,
sains et de qualité à un prix raisonnable sur le marché
communautaire ; un niveau de vie équitable à la population
agricole tout en permettant à l'industrie agricole de se moderniser et
d'évoluer ; la protection de l'environnement pour les
générations futures ; de meilleures conditions de santé et
de bien-être pour les animaux ».
Ainsi, L'Union européenne vise désormais à
promouvoir une agriculture de qualité et respectueuse de
l'environnement.
Ces nouveaux objectifs sont tout à fait honorables. Il
est d'une importance capitale de produire mieux. Mais à quoi sert-il de
prôner des élevages de qualité si le transport des animaux
est négligé ?
Transporter mieux
Comme nous l'avons expliqué une alimentation carnée
saine passe par un élevage, un transport et un abattage de
qualité.
Quelles sont les incidences du transport sur la qualité
de la viande ?
Nous entendons par transport : le rassemblement des animaux, le
chargement, le transport puis le déchargement.
La phase du transport est déterminante sur de nombreux
aspects comme par exemple : la vie ou la mort de l'animal, son état de
santé, son poids, sa capacité à être abattu, son
stress et donc a fortiori la qualité de la viande qu'il va donner.
Les facteurs influençant le bien-être des animaux
durant le transport et donc la qualité de la viande sont
principalement le stress qu'ils éprouvent (particulièrement dans
les phases de regroupement, chargement et déchargement), la
densité du chargement, la durée du transport,
et enfin les conditions climatiques (en cas de non-ventilation du
véhicule, les animaux peuvent subir de nombreux écart de
température mettant en péril leur bien-être).
La souffrance et le stress ont des conséquences
immédiates en termes de sanctions sur la carcasse. En effet, cela
affecte directement la qualité du produit fini. Par exemple, notons les
problèmes de viande « pisseuse » ou de viande à «
coupe sombre » consécutifs au stress trop important des animaux
lors des transports vers les lieux d'abattage.
De nombreux amateurs ou les professionnels de viande se
plaignent de " l'accumulation des perturbations subies par l'animal depuis le
départ de la ferme jusqu'au lieu d'abattage, qui est directement
responsable de la diminution des réserves de glycogène, et
partant, comme nous allons le voir, de l'altération de la qualité
de la viande.
Ces réserves sont épuisées par:
- les dépenses physiques supplémentaires
liées au regroupement des animaux, au chargement dans les camions, aux
diverses étapes des circuits de collecte, à l'attente en
bouverie.
- les perturbations émotionnelles (peur, douleur...)
qui s'accompagnent de la sécrétion d'hormones (adrénaline,
cortisone ...) et contribuent à mobiliser les réserves de
glycogène.
- la diète pendant le transport et l'attente en bouverie
obligent les muscles à faire appel aux réserves de
glycogène pour couvrir les dépenses
énergétiques.
En pratique la fréquence des carcasses à pH
élevé s'accroît lorsque:
- La sortie des animaux des cases est difficile.
- Les bovins provenant de différentes cases
d'engraissement ont été mélangés (c'est l'un des
facteurs de risque les plus importants).
- Les manipulations sont brutales et contribuent à agiter
les animaux.
- le chargement est long du fait du refus des animaux.
- Les animaux s'agitent et s'agressent dans le camion s'ils ne
sont pas séparés par lot.
- Le transport est long. (Dans les conditions actuelles, car,
il y un siècle, les boeufs normand, limousins ou nivernais parcouraient
entre 200 et 400 km jusqu'à leur lieu d'abattage, mais ils le faisaient
à pied et lentement, ce qui donnait fermeté et goût
à la viande).
- Les étapes intermédiaires (marchés,
centres de tri, etc.) ont accru la durée du circuit et l'agitation des
animaux.
- Les animaux s'agitent et s'agressent à l'abattoir :
attente dans le camion, dans des cases collectives ou dans des couloirs des
logettes,
- l'attente en bouverie est longue.
Ce phénomène du " pH élevé " est
le témoin d'une insuffisance d'acidité. L'acidité joue un
rôle primordial. Après l'abattage, les muscles " survivent"
quelques temps. Les réserves de sucre contenues dans le muscle
(glycogène) se transforment progressivement en acide lactique qui
acidifie le muscle et le protège contre les attaques microbiennes. La
rigidité cadavérique s'installe.
Le pH est l'unité de mesure de l'acidité. Plus
celle-ci est forte, plus le pH est faible. Normalement, après
l'abattage, le pH descend de 7 à 5,5 et ne remonte plus ensuite. Le pH
ultime (pH = 5,5) n'est atteint qu'au bout de 48 heures.
Dans le cas des carcasses à pH élevé,
l'acide lactique se forme en quantité insuffisante; en effet, les
réserves de glycogène ont été entamées alors
que l'animal était encore vivant. Le pH ultime reste alors
supérieur à 6.
Les viandes à pH élevé présentent
presque toujours les caractéristiques suivantes :
- Une couleur anormalement foncée qui leur vaut leur
dénomination usuelle de viandes sombres, viandes noires, viandes
à coupe sombre ;
- un caractère collant dû à leur fort pouvoir
de rétention d'eau qui les a rend plus difficiles à
travailler.
- Une mauvaise aptitude à la conservation. Cependant ces
viandes sont tout à fait propres â la consommation, mais dans un
délai plus court que le délai normal.
En conclusion, l'apparition de carcasses à pH
élevé ne dépend d'une cause unique, mais de
l'accumulation, avant l'abattage, de multiples facteurs aggravants. Tout est
joué avant l'abattage. Rien ne permet de corriger le pH après la
mort de l'animal. La fréquence des carcasses à pH
élevé dépend de nombreux autres facteurs encore mal
connus: le type génétique, le type de production, voire la saison
de collecte ou les conditions météorologiques "12.
Tous ses facteurs nous ont amené à penser qu'il
est très important d'assurer un transport de grande qualité pour
les animaux. Il parait donc nécessaire d'améliorer la fonction
transport en l'optimisant.
Notons que les transports modernes sont aujourd'hui plus
rapides, mieux équipés et davantage organisés.
Malheureusement, cela n'est pas suffisant et malgré la volonté
d'assurer un transport de qualité, n'oublions pas que le transport a un
coût réel.
Le coût de la viande est influencé par de
nombreux facteurs et en partie par le transport. Produire une viande de
qualité coûte cher. Cependant les bénéfices de cette
qualité tant pour les hommes que pour les animaux, ne devraient pas
constituer de barrières. La réalité économique ne
doit pas surplomber une réalité sanitaire urgente.
Le transport des animaux n'est pas l'élément
clé de la relance du secteur de la viande. Cependant, elle en fait
partie tout comme une amélioration des conditions d'élevage, une
Politique Agricole Commune davantage tournée vers l'environnement et le
bien-être des animaux, un abattage respectueux, le transport est un des
maillons de la chaîne à optimiser. Encore une fois,
l'intérêt des consommateurs est l'intérêt de tout un
secteur. Il faut produire mieux, transporter mieux, abattre mieux afin de
consommer mieux.
12 Extraits du livre de Christian Dudouet : "La production
des bovins allaitants", aux éditions France Agricole
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