3.5 Axe de travail
Ce chapitre fait le point sur les hypothèses et la
question de recherche.
3.5.1 Les questions
de recherche
La plupart des acteurs seront d'accord pour dire que la mise
en place d'un système d'assurance qualité est bien trop lourde
pour avoir comme but principal le contrôle des travailleurs. Ce
système porte sur la maîtrise des processus de production et le
contrôle en continu des produits. En définissant et formalisant
les contrôles et les rôles (responsabilités) il provoque une
bureaucratisation de l'organisation. Dans un premier temps lors de sa mise en
place, il constitue un état des lieux, un instantané de
l'organisation. Dans un second temps il doit permettre d'apporter des
corrections et des améliorations en réformant en permanence son
jeu de règles (procéduralisation).
Ce système d'assurance qualité doit être
replacé dans son contexte. Qu'il soit issu d'une démarche
volontaire ou non de la part de la direction, il s'agit d'un outil de gestion
(management) très performant. La performance de ce système
instrumental est due à l'horizontalisation de son contrôle au plus
près des opérations de terrain impactant ainsi l'ensemble du
personnel, sa légitimité issue d'une idéologisation de la
qualité et d'une démarche scientifique analytique.
Le malaise potentiel (souffrance pour reprendre le terme de
Dejours) peut être dû d'une part à l'accentuation insidieuse
du contrôle des opérateurs et d'autre part à une
ambiguïté perceptible de ses finalités.
Les rationalités substantielle (contrôle) et
procédurale (réflexive) de la norme constituant des
idéaux-types, on peut admettre que ce caractère sera parfaitement
contingent et dépendra du travail de traduction de la norme dans
l'entreprise.
Commentaire sur les deux hypothèses de base :
Première hypothèse : Le système de
gestion de la qualité répondant à la norme ISO 9001 impose
une formalisation du travail ayant un impact psychologique comparable au
taylorisme sur les travailleurs.
Cette question a déjà été
étudiée par différents chercheurs. Nous nous appuierons
sur leurs résultats et dans la pratique il s'agira principalement
d'analyser si :
o le caractère prescriptif de la norme ISO 9001 est de
nature à provoquer un cloisonnement du travail (appauvrissement des
tâches),
o la mise en place du contrôle en continu des processus
induit une augmentation du contrôle du travail individuel,
o ce système engendre une séparation entre la
conception et l'exécution des procédures.
Seconde hypothèse : Le système peut
être ressenti par les opérateurs comme un outil
d'évaluation de leurs performances individuelles. En effet, le
système de gestion de la qualité répondant à la
norme ISO 9001 impose la traçabilité des produits (cette
traçabilité repose sur des enregistrements réalisés
par des mesurages à chaque étape de la production).
Ce thème de la performance est toujours
d'actualité et porte sur une des caractéristiques du taylorisme
qui est le contrôle étroit de la productivité. Dans la
pratique il s'agira d'évaluer l'instrumentalité de la norme ISO
9001 au niveau de la gestion du personnel :
o La certification est-elle une volonté de la direction
et par conséquent pensé comme un outil de management ?
o Les données issues de l'assurance qualité
peuvent-elle être récupérées dans le cadre d'une
évaluation des performances individuelles ?
Au-delà de cette question
« locale » de la gestion de la qualité dans
l'entreprise, la question peut être déplacée au rapport
à la norme et à l'autorité au sens général.
L'ambiguïté de la norme ISO 9001 peut en effet s'analyser comme le
résultat de la mutation du rapport à la norme sociale et à
la coexistence (empilement) des modèles de contrôle.
Ainsi nous pouvons poser deux questions
supplémentaires :
o D'une part, la norme ISO 9001 offre-t-elle la
réflexivité (apprentissage collectif) prônée par les
qualiticiens et en phase avec le modèle de rationalité
contemporain ?
o D'autre part, les opérateurs ont-ils conscience des
ambiguïtés sous-jacentes de cette double
rationalité ?
|