WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Evaluation de l'impact psychologique de la mise en place d'un système d'assurance qualité (ISO9001) sur les travailleurs d'une PME

( Télécharger le fichier original )
par Eric Trillet
Universtié Catholique de Louvain (UCL) - Licence en sciences du travail 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

3.4.2 Qualité, contrôle qualité et assurance qualité

La qualité est un terme présentant plusieurs significations. Aussi il est parfois mal employé et il est fréquent de confondre assurance qualité et contrôle qualité.

La qualité est « ce qui fait qu'une chose est plus ou moins recommandable ; degré plus ou moins élevé d'une échelle de valeurs pratiques ».60(*)

Il est important de différencier la Qualité et la qualité (travail et produit) car la version 2000 de la norme ISO 9001 porte sur toute l'entreprise et non plus juste sur le produit.61(*)

Le contrôle qualité (produit) a pour but « d'évaluer la conformité d'un produit ou d'un service par rapport à des exigences contenues le plus souvent dans des spécifications ».62(*)

La gestion de la Qualité (travail, assurance qualité) « a pour objectif de garantir la satisfaction des partenaires de la société (clients, actionnaires, le personnel, ...) pendant une période la plus longue possible».63(*)

C'est donc en parlant d'assurance (ou gestion) qualité que De Munck définit la qualité comme suit : la qualité consiste à améliorer, traquer les écarts à la norme. C'est la conformité totale aux exigences négociées avec le client. Elle consiste en la mise en place d'un système de visibilisation des performances de l'ensemble de l'entreprise, du patron à l'atelier. Le but est de repérer les défauts d'organisation imputables aux services plutôt qu'au personnel. Des groupes d'amélioration sont mis en place mais avec aussi les salariés concernés. Il s'agit d'un engagement dans un processus d'amélioration continu où les acteurs sont récompensés de façon symbolique (visibilité des résultats).64(*)

3.4.3 Le contrôle et la norme ISO 9001

Reprenons le contrôle sous l'angle de la norme ISO 9001. En effet, il convient à présent de se poser la question centrale de ce travail, à savoir « la norme ISO 9001 est-elle un contrôle (série de règles) ? ». En effet, cette norme peut être vue comme le contrôle des activités de l'entreprise ou comme l'initiation d'une « culture qualité ».

Une première chose est évidemment de voir la manière dont la norme est présentée dans l'entreprise aux travailleurs qui ne la connaissent pas. En fonction de cette présentation, soit comme une contrainte du marché, soit comme une nouvelle culture (culture de la qualité), elle sera vécue différemment et mobilisera différemment les travailleurs.

Quoi qu'il en soit cette norme est ambiguë car tout en imposant des contrôles stricts (produits, processus), elle s'avère en même temps être une source d'autonomie pour les travailleurs. Le contrôle de cette norme concerne non pas les travailleurs mais porte sur la maîtrise technologique. Les mots clés de ce système sont : participatif, responsabilisation et valorisation du collaborateur.65(*) Les acteurs ne le ressentent d'ailleurs pas forcément comme une régulation de contrôle dans la mesure où il s'agit de « dépasser les exigences ».66(*)

La mise en place du système de gestion qualité concerne l'ensemble du personnel, de la direction à la base de l'organisation. Sa conception ne s'accompagne pas d'un système de répression et de sanction.67(*)

On ne peut pas affirmer que la norme ISO provoque en tant que telle une perte d'autonomie. En fait cela dépend de la répartition des activités de gestion entre les cadres et les opérateurs. Or nous sommes ici dans un contexte de PME où le nombre de cadres est très réduit. L'ISO est précisément neutre à ce sujet, la seule obligation est la formalisation. Cela dépendra donc de l'entreprise dans laquelle la norme est implémentée. De plus, l'autonomie ne serait pas ambiguë car elle est différenciée dans le temps : écriture des procédures et application des procédures.68(*)

L'implication des opérateurs dans la qualité peut être considérée comme une augmentation de leur autonomie et un enrichissement de leurs tâches.

Toutefois il arrive que l'ISO ne contribue qu'à renforcer une situation de contrôle préexistante où les ouvriers ne sont que plus opprimés.69(*)

Quoi qu'il en soit, ce système procure un sentiment de surveillance au moins sous le regard exogène du certificateur.70(*) Ce nouveau mode de contrôle qui s'effectue en continu, porte non plus seulement sur les objectifs mais également sur le savoir être.

En fait, la prescription, la rationalisation, la standardisation des tâches est compensée par l'attention nouvelle portée aux travailleurs (groupes qualité, audits...). Le but n'est pas de faire une fonction qualité fermée sur elle-même. Il faut la réviser régulièrement.71(*)

Cela modifie les relations sociales en provoquant une remontée des individus (accès symbolique à des lieux, écriture habituelle réservée à des échelons supérieurs) et des paroles (attention particulière du management qui n'existait pas).72(*)

La norme ISO a une grande influence sur les relations. Elle modifie notamment le mode de résolution des conflits en passant d'une « équité dans la discipline » basée sur l'autorité arbitraire des cadres (ordre domestique ou marchand plutôt que réglementation organisationnelle) à « l'efficacité dans l'autonomie » où des programmes d'actions sont prévus dans le traitement des non conformités. La conception même de conflit est transformée, il devient un signal comme un autre de mauvais fonctionnement. Dans la logique industrielle les personnes et leurs relations sont des ressources. Tout conflit est appréhendé comme une défaillance du système de production. Il ne s'agit pas de punir un coupable mais d'identifier et corriger la défaillance du système de gestion des choses et personnes (système indéfiniment perfectible). L'assurance qualité, par la formalisation des manières de faire et dire les choses, transforme le mode de résolution. Tout tourne autour de la description précise des caractéristiques techniques des produits et des attentes relationnelles à rencontrer. Ça donne le sentiment de former une équipe autour d'un défi technique exigeant de laisser de côté l'aspect personnel, professionnel ou organisationnel. L'assurance qualité s'inscrit ainsi dans la nouvelle philosophie du management horizontal : décentralisation des pouvoirs, réduction de la ligne hiérarchique, responsabilisation.73(*)

Ce système imposant basé sur l'écrit est moins coercitif qu'il n'y paraît car contrairement à l'oral qui permet l'exercice d'actions discrétionnaires il permet de référer à un cadre. Ainsi si la volonté de certification vient de la direction à l'origine, la traçabilité est demandée également par les travailleurs.74(*)

Toutefois on ne peut ignorer les possibilités d'établissement de statistiques pouvant facilement déboucher sur des profils de performances individuels liés notamment à l'informatisation accompagnant souvent l'assurance qualité.

J.-M. Compère en dira : « Ne considérez pas le système qualité comme une loi ou un règlement. Les lois se limitent à interdire. Ce qui n'est pas interdit est autorisé... Ceci est tout à fait contraire à l'Esprit Qualité. Un système de Management de la qualité est un outil de gestion qui doit apporter une aide à la réalisation des tâches... Ce système doit vivre, évoluer, s'enrichir. »75(*)

« Il n'y a pas d'incompatibilité entre autonomie et initiatives encadrées ».76(*)

L'aspect scientifique (expertise, analytique) de cette démarche a son importance car elle tend à lui donner une grande légitimité (tout comme l'OST77(*)). De plus, le fait que ces règles ne soient pas imposées (par des cadres) en facilite l'acceptation par les travailleurs qui y voient mieux l'utilité (mémoire écrite, communication et efficacité).78(*) Tout ceci contribue à l'intériorisation des contraintes dans une idéologisation du concept qualité. Certains systèmes qualité vont bien plus loin encore en prônant l'excellence.

Cette écriture de procédures par les opérateurs a parfois un inconvénient surprenant. En effet, ceux-ci plus proches de la réalité du terrain, peuvent être tentés d'aller trop loin dans la description et éprouver du mal à appliquer ensuite leurs procédures. C'est pourquoi après certification on observe souvent un retour en arrière vers un système moins contraignant.79(*)

* 60 Le Petit Robert sur CD-ROM, version 2, janvier 2002.

* 61 BEGUIN H. (2005), Mémoire de fin d'études.

* 62 COMPERE J.-M. (2000), « La qualité pour la vie », pp. 20.

* 63 COMPERE J.-M. (2000), « La qualité pour la vie », pp. 20.

* 64 MAROY C. Rapport à la norme et transformation des modes d'organisation de la production et du travail dans l'entreprise », in DE MUNCK J. et VERHOEVEN M. (1997), « Les mutations du rapport à la norme », Chapitre III, pp. 115.

* 65 DELFOSSE C. (2003), Mémoire de fin d'études.

* 66 DELFOSSE C. (2003), Mémoire de fin d'études.

* 67 COMPERE J-.M. (2000), « La qualité pour la vie », pp. 53.

* 68 GOUDREAULT Y. (2001), Thèse de doctorat.

* 69 GOFFINET M. (2001), Mémoire de fin d'études.

* 70 COCHOY F., GAREL J.-P., DE TERSSAC G. (1998), « Comment l'écrit travaille l'organisation ? ».

* 71 COMPERE J.-M., (2000), « La qualité pour la vie ».

* 72 COCHOY F., GAREL J.-P., DE TERSSAC G. (1998), « Comment l'écrit travaille l'organisation ? ».

* 73 BELLEY J.-G., « Justice pédagogique et ordre savant : la résolution des conflits dans la nouvelle sous-traitance industrielle », in DE MUNCK J. et VERHOEVEN M. (1997), « Les mutations du rapport à la norme », pp 143-162, (extrapolation de l'exemple de la sous-traitance aux services internes).

* 74 COCHOY F., GAREL J.-P., DE TERSSAC G. (1998), « Comment l'écrit travaille l'organisation ? ».

* 75 COMPERE J.-M. (2000), « La qualité pour la vie » Op. Cit., pp. 51.

* 76 MAROY C., « Rapport à la norme et transformation des modes d'organisation de la production et du travail dans l'entreprise », in DE MUNCK J. et VERHOEVEN M. (1997), « Les mutations du rapport à la norme », pp. 114.

* 77 O.S.T. : Organisation Scientifique du Travail, taylorisme (voir 3.1.1 Approche rationnelle).

* 78 GOUDREAULT Y. (2001), Thèse de doctorat.

* 79 CLAEREBOUDT C., MOERENHOUDT V., SPROKKEL G., TRILLET E. (2005), « Le cas d'Eric, vertige de l'amer », Louvain-la-Neuve, Travail de groupe pour le cours d'Analyse psychosociologique des relations de travail.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery