Evaluation de l'impact psychologique de la mise en place d'un système d'assurance qualité (ISO9001) sur les travailleurs d'une PME( Télécharger le fichier original )par Eric Trillet Universtié Catholique de Louvain (UCL) - Licence en sciences du travail 2007 |
3.3.3 La mutation de la forme de contrôleLe management a fortement évolué ces dernières décennies. La tendance à l'autonomisation, la responsabilisation est déroutante car elle provoque une perte de points de repères. D'autant plus que l'ancien mode de contrôle coexiste avec le nouveau. Les règles n'encadrent plus strictement les individus qui sont souvent dépourvus face à la réflexivité que permet voire impose in fine cette nouvelle conception. Il ne s'agit plus seulement de vérifier la réalisation d'objectifs préalablement fixés, le savoir faire et le savoir être font également l'objet du contrôle que l'on qualifiera de gestion (managériale ou de pilotage). Ce mode de gestion ne s'effectue plus à l'issue des objectifs mais en continu de manière à permettre un réajustement rapide en fonction des besoins du client.48(*) De plus, ces règles se voient également changeantes, évolutives en fonction des nécessités de l'expérience. Il y a un passage de la responsabilité à la responsabilisation. Or la responsabilisation a une portée différente de la responsabilité. Elle est purement individuelle portant sur des valeurs psychologiques. Il s'agit d'ordres de grandeurs différents avec en arrière plan un « horizon cognitif ». Elle a un caractère motivationnel. Autant assumer des responsabilités est reconnu comme positif. Autant dans le domaine de la responsabilisation, la satisfaction ou déception reposent sur des attitudes intériorisées face à un processus jamais achevé. Ceci procure une incertitude voire une inquiétude face à l'ambiguïté des attentes. Ceci n'empêche cependant pas lorsque l'individu ne répond plus aux attentes, de repasser de la responsabilisation (autonomie, intériorisation de règles implicites interprétables) à un système coercitif de responsabilités (règles explicitées interprétées). Ces deux systèmes ne s'excluent pas mais se superposent. On peut parler d'une forme d'autonomisation contrôlée dans cette nouvelle forme transversale de responsabilisation individuelle (autour de la satisfaction du client). Ceci contribue également à déléguer au plus près du terrain la responsabilité économique. Il s'agit en effet de traduire les contraintes plutôt que d'instiguer des règles.49(*) La crise de productivité du taylorisme a provoqué la recherche de nouveaux modèles de gestion, le raccourcissement des lignes hiérarchiques, l'autonomisation... Ensuite, ce modèle de gestion a évolué parallèlement à la norme sociale. L'évolution de la nouvelle coordination, socialisation de type postindustrielle se traduit donc par le passage : o d'une norme imposée => à une norme négociée o de règles => à des standards o de la répétition => à l'innovation o de la hiérarchie (récompense - sanction) => au contrôle horizontal (inclusion-exclusion d'équipe) o de la surveillance => à l'autonomie. Comme le montre l'assurance qualité, la nouvelle stratégie du management est pédagogique. Elle s'appuie sur la conviction d'un potentiel de développement des habilités. La possibilité d'apprendre à apprendre en adoptant des méthodes de réflexivité systémique par rapport à des objectifs, identification des savoirs experts, surmonter les tensions et augmenter les performances (apprendre de façon autonome en équipe à augmenter la productivité par l'amélioration du système). Ce n'est plus l'apprentissage de l'obéissance, de la culture organisationnelle, mais la prise en charge responsable d'une fonction spécifique dans un plan d'ensemble. La gestion des conflits se banalise (méthodique, quotidienne), ce n'est plus une logique de crise.50(*) Il ne faut pas négliger non plus l'aspect technologique dont l'évolution permet de pousser le contrôle plus en avant. L'informatisation est une conséquence fréquente de la mise en place d'un système d'assurance qualité. En effet, la masse de documents est plus facile à gérer sous format informatique (définition des rôles des intervenants via un système sécurisé, volume de papier réduit). Il permet également une vue instantanée et l'élaboration de rapports et de statistiques sur la situation à un instant donné. L'utilisation de logiciels spécifiques à l'assurance qualité (gestion documentaire) est un point positif dans la démarche de certification. Sans que cela ne soit systématique, l'assurance qualité conduit naturellement à s'intéresser à une gestion globale intégrée de l'entreprise (ERP « Enterprise Ressources Planning » ou GPI « Progiciel de Gestion Intégrée », type SAP). * 48 DIGNEFFE F., NACHI M., PREILLEUX T. (2002), « Des contrôles sans fin(s) ». * 49 DIGNEFFE F., NACHI M., PREILLEUX T. (2002), « Des contrôles sans fin(s) ». * 50 BELLEY J.-G., « Justice pédagogique et ordre savant : la résolution des conflits dans la nouvelle sous-traitance industrielle », in DE MUNCK J. et VERHOEVEN M. (1997), « Les mutations du rapport à la norme », pp 143-162. |
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