CONCLUSION
Prétendre pouvoir conclure sur un tel sujet
d'actualité serait bien ambitieux. Toutefois, la réforme du 11
février 2005 a montré combien le problème de l'insertion
et du maintien des personnes handicapées en milieu ordinaire de travail
est complexe, en rappelant certains principes comme le principe de
non-discrimination.
Au delà de l'univers personnel de la personne atteinte
de déficiences, les difficultés se propagent dans l'environnement
professionnel grâce auquel quand elle y est intégrée ,elle
peut prétendre, à une vie sociale épanouie et «
normale ».
Si l'emploi n'est pas nécessairement la réponse
la plus adaptée pour toutes les situations de handicap - certaines
personnes en raison du caractère très incapacitant de leur
invalidité ne peuvent pas exercer une activité professionnelle,
ni évoluer en dehors du milieu protégé de travail -,
l'insertion dans et par l'emploi en milieu ordinaire est
considérée comme un optimum de premier rang pour les adultes
handicapés en capacité de travailler. C'est par conséquent
l'un des objectifs prioritaires régulièrement affichés par
les politiques de prise en charge du handicap et par la loi du 11
février 2005.
Nous conclurons sur quelques questions posées
ouvertement à diverses institutions à savoir, une grande agence
de notation sociale106, le centre de ressources et d'expertise sur
la responsabilité sociale des entreprises107,
l'ADAPT108, l'AGEFIPH109
106 Questions posées à Nicole NOTAT,
présidente de VIGEO
107 Questions posées à Blaise DESBORDES,
responsable des études chez Novethic
108 Emmanuel CONSTANS, Président de l'ADAPT
109 Rémi JOUAN, Président de l'AGEFIPH
Question à VIGE
On parle d'un second souffle du développement durable.
Pensez-vous que les acteurs du handicap puissent utiliser ce levier pour faire
réagir les entreprises ?
« Absolument. Le mouvement est réel. Les acteurs
sociaux et les organisations de la société civile portent
l'expression des intérêts et des attentes des parties prenantes
des entreprises. Au-delà des enjeux de réputation, l'inclusion
des personnes handicapées est un engagement en faveur de
l'égalité porteur de cohésion interne,
d'acceptabilité sociale et d'efficacité. »
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Question à NOVETHIC
Quelle place occupe aujourd'hui le handicap dans les politiques
de développement durable des entreprises ?
« L'approche sociale domine encore, alors que l'analyse
en termes de développement durable devrait permettre un
élargissement du regard des entreprises sur le handicap : via le social
traditionnel certes (emploi, formation, temps de travail...), mais aussi via le
recours aux fournisseurs (CAT, clause d'embauche), l'offre aux clients
(produits et services adaptés), le lien aux territoires,... Les grands
référentiels du développement durable ne mettent pas assez
le critère handicap en exergue, il est généralement inclus
dans les actions de non-discrimination et donc mélangées aux
questions de parité homme femme, de minorité etc. Une exception
cependant : la loi française Nouvelle Régulation Economique (NRE)
de 2001 qui oblige les entreprises cotées en Bourse à communiquer
dans leur rapport annuel sur « l'emploi et l'insertion des personnes
handicapées. »
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Questions à l'ADAPT
L'approche légale (quota et contribution) vous
paraît-elle une bonne façon d'inciter les entreprises à
embaucher des personnes handicapées ?
« L'approche légale choisie dans notre pays en 1987
présente à nos yeux le défaut majeur de n'avoir pas
placé les entreprises et les partenaires sociaux face à leurs
vraies responsabilités sur le sujet. D'abord, le dispositif institue la
possibilité de contribuer financièrement au lieu d'embaucher. Le
message envoyé par la loi est donc loin d'être clair au final !
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Ensuite, la loi fixe un quota dont le mode de calcul n'est
vraiment pas incitatif : des postes de travail qui peuvent être tenus par
des personnes handicapées sont exclus en très grand nombre et la
gravité du handicap de la personne intervient généralement
pour faire varier l'objectif d'embauche à atteindre.
Ces deux derniers points devraient être modifiés
avec la nouvelle loi, mais il n'est pas dit pour autant que nos entreprises
parviennent à faire beaucoup mieux avec ce seul aménagement.
En fait, pour nous, le changement viendra principalement de
l'évolution des mentalités dans l'entreprise et plus globalement
du changement d'attitude de nos concitoyens les uns vis-à-vis des
autres. Il n'y a pas deux catégories de personnes dans notre
société : celles qui vivraient dans un monde à part du
fait d'un accident ou d'une maladie et les autres. La majorité des
personnes handicapées souhaitent manifester leur capacité de
travail comme chacun d'entre nous. C'est encore trop souvent une chance
donnée par un chef d'entreprise concerné... alors que leur
présence devrait être banale. »
L'ADAPT milite pour la citoyenneté des personnes
handicapées, que pensez-vous de l'émergence du
développement durable et de son impact sur l'entreprise citoyenne ?
« L'émergence d'une réflexion de
l'entreprise en termes de développement durable nous intéresse
pour des raisons évidentes : il vaut mieux prévenir la survenance
du handicap que devoir « gérer » sa réparation ou
encore prévenir la désinsertion dans l'entreprise et viser la
conversion plutôt que de financer de difficiles retours à
l'emploi.
Mais nous sommes surtout attentifs aux réflexions qui
placent le recrutement et l'embauche dans un contexte plus global et à
long terme. Trop souvent encore les méthodes de recrutement
employées par les entreprises pénalisent « la
minorité handicapée ». En effet, les caractéristiques
particulières, les singularités demandant des aménagements
ou la préparation de l'environnement de travail sont fréquemment
synonymes de fins de non-recevoir dans un contexte de recrutement
immédiat. Dès lors que des équipes élaborent des
stratégies de management et se posent par exemple la question de
constituer et de fidéliser des équipes motivées pour leur
travail et d'en déterminer les modalités, de rendre
l'environnement de travail plus ergonomique, de repérer les sources
d'innovation dans l'entreprise, nous savons que nous sommes sur la bonne voie
et que nous avons des choses à dire. »
Questions à L'AGEFIPH
L'approche légale (quota et contribution) vous
paraît-elle une bonne façon d'inciter les entreprises à
embaucher des personnes handicapées ?
« La France comme d'autres pays européens (Italie,
Espagne, Autriche, Allemagne) a opté pour le principe du quota. Ailleurs
(Grande-Bretagne, Irlande, pays scandinaves...), le principe de non-
discrimination prévaut. Une étude, conduite par
l'université de Namur et publié en 2004 sous le titre «
Responsabiliser les employeurs » conclut que les politiques de la France
et de l'Allemagne obtiennent les meilleurs résultats en termes de couple
« efficacité / performance » devant tous les autres pays de
l'Union. La France obtient en outre les meilleurs résultats s'agissant
du taux d'activité des personnes les plus lourdement handicapées
(37 % contre 24 % en moyenne en Europe). »
Pensez-vous que la question de l'emploi des personnes
handicapées s'inscrive dans une démarche de responsabilité
sociale de l'entreprise (RSE) ?
Elle y a tout à fait sa place. La RSE s'exerce en
matière de politique d'emploi, de formation professionnelle, de
développement des compétences, d'égalité des
chances... Le handicap est un sujet transversal, en écho avec l'ensemble
de ces questions. Mieux encore, le taux de personnes handicapées
exerçant un emploi constitue un indicateur avancé des
problèmes liés au vieillissement de la population active et
à son maintien dans l'emploi puisque, par nature, elles y sont
malheureusement confrontées plus tôt. Intégrer des
personnes handicapées dans les effectifs peut permettre aux entreprises
d'anticiper les difficultés liées à la gestion des
inaptitudes et au reclassement en s'y préparant mieux. A la veille de
sérieux problèmes de pénurie de main d'oeuvre, cette
approche éthique et citoyenne est de nature à attirer des
candidats, notamment dans les secteurs qui ne jouissent pas d'une image
très favorable. Mais inscrire l'emploi des personnes handicapées
sous l'aide de la RSE suppose de prendre des engagements et de les respecter.
Cela ne doit pas être un simple affichage dans les rapports annuels de
développement durable pour répondre à la contrainte
imposée par la loi NRE !
Veillons à ce que les déclarations soient suivies
de faits concrets. »
En quoi cela peut-il avoir un impact réel sur le
recrutement ou le maintien dans l'emploi des salariés handicapés
?
« Développer une politique pérenne en faveur
de l'emploi des personnes handicapées, c'est engager une
démarche globale, intervenant le plus possible en amont (dès la
phase de conception des postes) pour limiter les risques d'atteinte à
la santé. Cela participe à la réflexion sur la gestion des
âges en
anticipant sur d'éventuelles limitations d'aptitude et
les qualifications requises, en lien avec plusieurs parties prenantes :
médecin du travail, ergonome, RH, producteur, CHSCT... Cette
démarche permettra à terme de supprimer les postes les plus
pénibles et les nouvelles installations ne généreront plus
d'atteintes à la santé comme auparavant.
C'est aussi s'engager avec les partenaires sociaux (accord
d'entreprise) ou par le biais d'une convention avec l'AGEFIPH sur
différents objectifs.
Par sa politique de recrutement socialement responsable,
l'entreprise va favoriser l'intégration professionnelle de tous ceux et
celles dont le handicap, l'origine ethnique, l'absence de formation ou la
situation sociale risquent de provoquer la marginalisation. Un message fort,
vecteur d'image et de réputation, adressé tant à ses
propres salariés en termes de solidarité qu'à ses clients,
fournisseurs, actionnaires et envers le grand public. »
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