IV. Travailler avec les séquelles d'un
traumatisme crânien102
On dénombre, chaque année, en France, 160 000
nouvelles victimes de traumatismes. Cela représente, avec 75% des causes
de mortalité chez les jeunes de moins de 30 ans, un réel
problème de
102 Le traumatisme crânien est une lésion diffuse du
cerveau, consécutive à un choc traumatique, nosologiquement
à différencier des atteintes des
cérébrolésés (anoxie cérébrale,
rupture d'anévrisme, tumeur cérébrale, méningite,
encéphalite...) mais qui peut cependant entraîner des
séquelles comparables.
santé publique.
C'est un traumatisme global qui touche la vie familiale et
professionnelle de la victime et son entourage. Imprévisibles, les
séquelles sont extrêmement variables dans leur gravité,
leur aspect, et leur date d'apparition. Cette variabilité peut modifier
aussi l'expression de la maladie d'un moment à l'autre de la
journée. La spécificité essentielle des séquelles
des traumatisés crâniens graves tient en l'association quasi
constante, à des degrés divers, de différents types de
déficit. En effet, elles peuvent faire l'objet de déficits
neurologiques103, neuro-sensoriels104 et endocriniens,
neuro-psychologiques105
Sans préjuger de l'évolution ultérieure,
il est courant qu'un traumatisé crânien modéré ne
reprenne pas le travail avant 6 mois, et un traumatisé crânien
grave avant 1 an. Selon les statistiques, seulement 20 à 50% des
traumatisés crâniens graves reprendraient leur ancienne
activité, mais l'avenir professionnel au même poste peut
être réduit. Les métiers à responsabilité et
prise de décision rapide peuvent poser problème. Il peut
être nécessaire de modifier le projet professionnel, de faire le
deuil de son ancien métier, d'une carrière ou d'une promotion
prévue. Les capacités de travail peuvent être
évaluées au cours de contrat de rééducation chez
l'employeur. Dans certains cas, il faudra envisager une réorientation
professionnelle et entreprendre un bilan de compétences. En ce qui
concerne les métiers à risques pour le sujet, de
sécurité pour le milieu de travail, de sûreté pour
les tiers et l'environnement, en dehors d'une réglementation officielle,
l'appréciation sera faite au cas par cas par le médecin du
travail. Il est donc souvent difficile d'établir un pronostic
professionnel compte tenu de la variabilité de la symptomatologie
clinique.
La préparation à la reprise constitue une phase
importante qui conditionne la réussite de la reprise du travail et
comprend plusieurs étapes :
· Contacts avec le centre de rééducation
du traumatisé
Ils peuvent se faire par échange de courrier sur les
différentes évaluations de l'évolution clinique et
psychologique du sujet traumatisé, ou par rencontre directe avec
l'équipe
soignante, de préférence en présence du
sujet, pour faire le point de son état et de son
103 Hémiparésie avec déficit
prédominant aux membres supérieurs ; Syndrome
cérébelleux ; Tremblements, mouvements anormaux ;
Épilepsie ; Aphasie, dysphasie, dyslexie, dysgraphie...
104 Cécité, diplopie, amputation du champ visuel,
hypoacousie, anosmie, obésité, diabète insipide...
105 Troubles du langage, troubles de la pensée ou encore
du comportement
potentiel d'acquisition.
· Liaisons avec l'entourage professionnel
Il s'agit de recueillir des données, pour évaluer
les possibilités d'aménagements du poste antérieur ou de
répertorier avec les responsables de l'entreprise les
possibilités d'emploi, dans le cas d'une réorientation. Ces
contacts permettent de préparer l'entourage professionnel de
proximité au retour et à l'accueil du salarié en
expliquant les aides techniques qui seraient nécessaires.
· L'analyse de l'environnement familial et social en
liaison avec les acteurs sociaux qui accompagnent le traumatisé
crânien permet de faire le point sur l'autonomie de vie, le mode
d'habitat, le mode et les capacités de déplacement, en
particulier entre résidence et lieu de travail.
Le handicap est bien souvent invisible pour les personnes non
averties. Certaines séquelles peuvent apparaître tardivement
après la reprise. Il faut être vigilant quant au
développement d'une sinistrose.
Les échecs sont liés à la
variabilité de la symptomatologie, à la situation
économique, et aux dysfonctionnements de la prise en charge. Ils sont
très mal vécus par les traumatisés crâniens. La
lenteur des procédures administratives a un effet positif sur le
mûrissement du projet professionnel et un effet négatif lors de la
phase de concrétisation.
L'évaluation de l'employabilité doit rester une
préoccupation précise et constante tout au long du processus de
rééducation et de réadaptation. La reprise de
l'activité antérieure doit être privilégiée
chaque fois que possible, il vaut mieux différer et aménager la
reprise de l'activité antérieure, que d'engager une
réorientation avec de lourdes phases d'apprentissage.
Chez les traumatisés crâniens légers,
prolonger l'arrêt de travail ne réduit pas le risque de syndrome
post-commotionnel, au contraire, il faut inciter à la reprise. Chez les
traumatisés crâniens graves, on peut être amené
à différer la reprise du travail pour mettre le patient dans les
meilleures conditions d'accueil possibles en l'incitant à reprendre
contact progressivement avec son milieu de travail.
|