CHAPITRE IV
LA COLLABORATION INTERACTIVE DES ACTEURS
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D'après un sondage réalisé par l'AGEFIPH
auprès de plus de 500 directeurs des ressources humaines et dirigeants,
ces derniers estiment que l'intégration des personnes handicapées
pourrait être un paramètre de notation sociale et qu'elle
relève en priorité des DRH (73 %).
Si les ressources humaines semblent être un partenaire
incontournable, l'approche du maintien dans l'emploi repose cependant sur des
interactions entre de multiples acteurs de l'entreprise, que ce soit dans la
construction d'un accord, d'une politique, de la mise en oeuvre d'actions : les
salariés concernés, le service médical, l'encadrement,
l'équipe, les instances représentatives du personnel sont autant
d'acteurs directement impliqués dans l'analyse de la situation de
maintien et des données, la recherche et la stabilisation des solutions.
Le cercle des acteurs s'élargira pour la mise en oeuvre d'actions
relevant de fonctions spécifiques (méthodes,
sécurité et prévention...) et le développement de
la démarche jusqu'à l'élaboration de la politique de
maintien dans l'emploi.
L'efficacité de ces diverses contributions se jouera dans
la définition des informations partagées et la recherche de
complémentarité.
Classiquement, les écarts d'appréciation des
protagonistes portent sur le caractère confidentiel de certaines
données et ces écarts peuvent constituer un frein à
l'action. Or c'est justement la logique d'action qui devrait guider ces
ajustements incontournables.
Quelles sont les informations utiles aux différentes
étapes d'une démarche ? Par exemple, dans le cadre d'une
consultation du CHSCT sur les mesures destinées à faciliter la
mise, la remise ou le maintien au travail des accidentés du travail, des
invalides de guerre, des invalides civils et des travailleurs
handicapés99.
Au-delà de l'utilité directe dans la
démarche de maintien, ces échanges entre les différents
acteurs de l'entreprise contribuent à conforter le climat social par les
signes donnés de prise en compte du personnel en difficulté. Ils
permettront aussi d'infléchir certaines résistances : le travail
sur les conditions de maintien de l'ensemble du personnel, quel que soit son
statut, est souvent un préalable à l'acceptabilité sociale
de l'insertion de travailleurs handicapés.
99 Code du travail, Article L.323-9 et R.323-117 et
R.323-118
CHAPITRE V
EXEMPLES DE SITUATIONS HANDICAPANTES ET REACTIONS A
ADOPTER
Nombreuses sont les situations handicapantes, et
au-delà de leur matérialisation, il convient de prendre aussi en
compte leurs conséquences, c'est à dire les traitements auxquels
la personne handicapée est soumise. Qu'il s'agisse de travailler avec un
traitement psychotrope (I), avec le virus du VIH (II), avec des troubles de
l'éveil et du sommeil (III) ou encore de travailler avec les
séquelles d'un traumatisme crânien (IV), les effets sur le travail
au sein de l'entreprise existent même si ceux-ci sont à
appréhender de manière différente. Dans ce chapitre, nous
allons aider les employeurs à comprendre les problèmes de
santé d'une petite partie de leurs salariés aussi infime
soit-elle, pour qu'ils puissent réagir en fonction et prendre les
mesures adéquates et favorables au bien-être du salarié
concerné à son poste de travail.
I. Travailler avec un traitement
psychotrope1°°
Les salariés dont l'état de santé
nécessite la prise occasionnelle ou régulière de
médicaments psychotropes ne sont pas rares. Pour preuve, en France, nous
sommes les plus gros consommateurs de ces substances.
Le traitement occasionnel fera face à une souffrance
temporaire (crise d'angoisse, état dépressif réactionnel,
état de stress post traumatique...)
1°° Définition de Delay
(1957) : «On appelle psychotrope, une substance chimique d'origine
naturelle ou artificielle, qui a un tropisme psychologique, c'est à dire
qui est susceptible de modifier l'activité mentale, sans préjuger
du type de cette modification. »
Définition Anglo-américaine : «
substance qui modifie les sensations, l'humeur, la conscience et d'autres
fonctions psychologiques et comportementales »
Classification des substances psychotropes :
Psycholeptiques ou sédatifs (Hypnotiques, Anxiolytiques, Neuroleptiques,
thymorégulateurs ) ; Psychoanaleptiques ou stimulants (
Antidépresseurs, Stimulants de la vigilance ) ; Psychodysleptiques ou
perturbateurs ( Hallucinogènes )
Le traitement régulier concernera des pathologies
chroniques (troubles thymiques bipolaires, états psychotiques)
Il faudra tenir compte de cette pathologie dans les troubles
cognitifs rencontrés (baisse de la vigilance, lenteur idéatoire
ou psychomotrice, troubles amnésiques...) et ne pas tout attribuer aux
effets secondaires d'une molécule.
La prise en charge des conséquences du traitement va
s'opérer de façon multidisciplinaire : il est important de le
signaler en amont de la fin d'un arrêt de travail.
Il est nécessaire de contacter le médecin
prescripteur et de lui signifier les exigences de poste, afin d'adapter la
posologie aux exigences minimales d'une activité professionnelle.
Comme devant toute situation de handicap, il faut chercher la
compatibilité entre les exigences de poste et l'état
résiduel du salarié (problème pathologique et lourdeur du
traitement). L'analyse du médecin du travail porte sur les exigences de
poste en matière de risques et de pénibilité. Ce qui
implique sa connaissance parfaite du poste.
Un poste de sécurité sous neuroleptique peut
poser problème : il faut tenir compte de la pathologie sous-jacente. En
effet, si un neuroleptique sédatif peut être prescrit à
doses filées par certains médecins comme tranquillisants, il n'en
va pas de même s'il s'agit d'antipsychotiques majeurs (haldol, risperdal,
zyprexa...), où la pathologie peut créer des situations de
handicap : schizophrénie, psychose hallucinatoire chronique,
paranoïa etc....
Les traitements anxiolytiques sont assez rapidement bien
tolérés, et posent peu de problèmes. La période de
début de traitement si le salarié ne s'arrête pas de
travailler peut être difficile à passer.
Un traitement thymorégulateur bien équilibré
sera parfaitement compatible avec tout type d'activité.
Le salarié peut éprouver des difficultés
à suivre les exigences de rendement. Les personnes schizophrènes
résiduelles gardent une certaine lenteur idéatoire et
psychomotrice, le changement et la polyvalence de postes peuvent pour elles,
générer des situations anxiogènes.
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II. Travailler avec le VIH
Séropositif signifie que le test biologique sanguin de
détection des anticorps aux rétrovirus VIII1 ou VIII2 est
positif. L'infection chronique par l'un de ces rétrovirus peut modifier
sévèrement le système de défense immunitaire et
entraîner le Syndrome immunodéficitaire acquis ou SIDA. C'est une
immunodépression grave qui expose à des infections dites
opportunistes et à certaines
1° T i :e:
tumeurs1 . ,..,a classification en « stade sida
» a uniquement un but épidémiologique. Elle ne permet
pas de présager de l'évolution ultérieure de
l'état de santé individuel.
De nombreuses idées reçues subsistent et on peut
dresser une liste des métiers « faussement interdits » en
terme d'orientation pour personnes séropositives : Cadres en charge de
responsabilités, en raison d'absences possibles ; Métiers de la
restauration et métiers de bouche en raison de la fatigue, du contact
avec le public et du fantasme du « risque de transmission par le biais des
aliments » ; Le secteur de l'éducation et de l'enfance en raison du
fantasme du « risque de transmission auprès des enfants » ; Le
secteur médical, pour les mêmes raisons invoquées ; Le
secteur du bâtiment et des travaux publics et plus largement les
métiers physiques à cause de la fatigue ; Les métiers avec
contraintes relationnelles et de communication car les personnes
séropositives seraient « dépressives ». Il est
essentiel de dire qu'il n'y a aucune contre indication pour l'exercice de ces
métiers. Il est nécessaire de se dégager de ces
représentations et de gérer l'aptitude au cas par cas, en
fonction des contraintes du poste et de la réalité des risques
professionnels. Si l'exercice de la profession comporte des obligations ou des
recommandations vaccinales, il convient d'évaluer, pour chaque vaccin,
le rapport bénéfice/risque en fonction de l'état de
santé et de la situation professionnelle, si nécessaire en
liaison avec des services spécialisés.
Dans le cadre de déplacements professionnels
internationaux, certains pays demandent, parfois pour des missions longues
durées, mais c'est très rare pour les déplacements de
courte durée, un test de dépistage VIII.
Pour lutter contre les comportements discriminants et de
rejet, le médecin du travail peut assurer un rôle d'information si
besoin et avec l'accord de la personne concernée auprès du
collectif de travail pour faciliter son acceptation. Dans son rôle de
conseil sur les mesures facilitant l'employabilité et pour l'adaptation
des postes de travail, il prendra en compte la fatigabilité, les
contraintes et les effets secondaires liés à la
thérapeutique et aux affections opportunistes. Toutes les mesures
habituelles d'incitation et d'aménagement sont à utiliser en
fonction des besoins d'adaptation en particulier celles qui permettent
l'aménagement organisationnel du temps de travail.
1°1 Sarcome de Kaposi
En général, un poste adapté l'est pour
longtemps car la personne est stable sous traitement (même si des
périodes d'hospitalisation liées à des affections
opportunistes surviennent). Le médecin du travail instaure un suivi
médical particulier, en liaison avec l'équipe
médico-sociale en charge du salarié, avec promotion de la visite
spontanée et création d'un climat de confiance en insistant sur
la confidentialité et son indépendance.
« Le handicap SIDA » n'a rien de commun avec les autres
handicaps : il est plus discriminant et porteur de représentations
spécifiques auxquelles n'échappent pas les professionnels de
l'insertion et du maintien.
Plusieurs enquêtes, menées par AIDES ont
pointé sur cette discrimination :
Dans l'enquête « VIII et emploi : le point de vue
de l'entreprise » 100% des employeurs interrogés disent ne pas
donner suite à un entretien d'embauche durant lequel une personne
mentionnerait sa séropositivité au VIII.
Dans le baromètre 2000 AIDES/IPSOS, 63% des
répondants sont sans emploi et 68% d'entre eux souhaitent reprendre une
activité professionnelle, 28% ont été licenciés ou
ont démissionné à la suite d'un refus d'adaptation du
poste ou de pression exercée sur eux.
Un sondage réalisé le 14 mai 2001 par AIDES
auprès d'un échantillon de 1000 personnes classe le VIII /SIDA
comme la maladie la plus discriminante (56%) contre 16% pour le cancer et 32%
pour les maladies mentales.
Lors du retour à l'emploi et/ou lors de l'insertion
professionnelle, l'incertitude face à l'avenir reste présente
:
combien de temps le traitement va-t-il fonctionner ? les effets
secondaires seront-ils compatibles avec la vie professionnelle ?
L'inquiétude face à la perte des ressources
habituelles (AAII, pension d'invalidité) et la peur de ne pas pouvoir
assumer les contraintes de la vie professionnelle ébranlent la confiance
des candidats à la réinsertion.
La maladie, souvent, ne permet pas une adhésion au
dispositif classique de réinsertion. Nous recommandons, pour
éliminer ces freins, des actions « passerelle » de retour
à l'emploi et le maintien de l'AAII dans les mêmes conditions que
le RMI lors de la reprise d'activité.
Le médecin du travail n'échappe pas aux
représentations discriminantes qui accompagnent le SIDA. Il doit en
prendre conscience, les dépasser et surtout veiller à ce qu'elles
ne l'entraînent pas vers des prises de décision excluantes
fondées sur de fausses analyses des risques.
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