La SNFAR du SENEGAL : Appui à la mise en oeuvre des Dispositifs de Formation des ruraux par la Demande( Télécharger le fichier original )par Abdourahmane FAYE Université des Sciences Sociales de Toulouse 1 - Master 2 Pro Ingénierie de la Formation et des Systèmes d'Emplois 2008 |
CHAPITRE 4Les contextes et leurs effets sur l'expression de la Demande de FormationL'hypothèse de départ postule à la fois une méconnaissance des démarches de construction des dispositifs de formation par la demande, et un contexte global relativement hostile à la mise en oeuvre de l'approche par la demande. A l'issue du processus de 1999, la coopération suisse a appuyé la mise en oeuvre du consensus, à travers le pays, en soutenant des initiatives et démarches localisées de réponse à la demande. Depuis 2004, le BFPA conduit des interventions en régions visant à amener les différents acteurs à construire « socialement et collectivement » des dispositifs de formation adaptés à leurs réalités. Ces 2 expériences ont mis en exergue le rôle déterminant des éléments d'environnement dans la capacité des acteurs et des institutions de FAR à changer de logique et d'approche en matière de formation. Ce chapitre est consacré à l'identification de ces variables d'environnement, et l'illustration de leurs effets par des données d'observations. 1 - Un secteur agricole et rural en crise profonde et persistante : les vertus de la formation mises en doute1 - 1 - Analyse : Le rôle du secteur consiste globalement à contribuer au rétablissement des équilibres socio-économiques qui concourent au bien-être des populations et à la stabilité politique du pays. Depuis 1980 l'agriculture sénégalaise est en situation de défaillance dans l'ensemble de ses 4 fonctions historiques que sont : · Nourrir les populations. · Procurer des emplois et des revenus aux ruraux. · Fournir des devises par les exportations. · Préserver les ressources naturelles. Cette situation s'explique par les effets combinés de conditions agro-pédo-climatiques fortement et continuellement dégradées, et des politiques agricoles inefficaces, comme démontré au chapitre 2 sur le contexte de la Formation Agricole et Rurale en page 13. Elle se traduit par une pauvreté persistante dans le monde rural entraînant un départ massif de jeunes vers les villes, et par une dégradation des terroirs ruraux ainsi qu'une fragilisation des structures de production rurale. 1 - 2 - Interprétation : Cet appauvrissement maintient les populations14(*) dans des logiques de survie où la formation n'est pas considérée comme déterminante, ou en tout cas prioritaire, pour s'en sortir. Les organisations de producteurs non plus ne sont pas encouragées à investir (dans) le champ de la formation de leurs membres, car ceux-ci leur expriment d'autres types de préoccupations, à leurs yeux plus urgentes, comme les financements, les emplois non agricoles, les vivres, les infrastructures et équipements sociaux de base, etc. L'Etat quant à lui, s'investit dans des solutions d'urgence (distribution d'intrants, commercialisation de la production, programmes spéciaux15(*), Plan REVA16(*), vivres de soudure, etc.) pour endiguer l'afflux de jeunes ruraux vers la capitale déjà surpeuplée, avec le 1/3 de la population sur 0,3% du territoire. Ces politiques de court terme accaparent le temps et les ressources (matérielles, budgétaires, humaines) du ministère de l'Agriculture, tutelle du BFPA, qui en est maître d'oeuvre, au détriment des réformes institutionnelles structurantes qui y ont cours. 1 - 3 - Conclusion : Les conséquences sur les démarches d'analyse de la demande promues par le BFPA sont néfastes. Les représentations que les acteurs ont de la formation au regard de leurs problèmes sont fausses parce que les processus de diagnostics sont défectueux ou pas suffisamment approfondis. Les enjeux de la formation par la demande sont noyés dans des besoins globaux vitaux. Les budgets formation sont dépensés dans des exercices de style (c'est-à-dire des démarches de pure forme visant juste des effets d'annonce), sans contrepartie véritable des bénéficiaires indiquant leur intérêt. Les organisations de formation fonctionnant sans contrôle effectif des usagers, se détachent de leurs réalités et s'installent dans la routine de l'offre. Le BFPA engagé dans des processus et démarches de changements sur le long terme, tel que cela ressort dans l'esprit du document de 1999, n'est pas écouté par sa tutelle à la recherche permanente de solutions immédiates à des difficultés quotidiennes. 1 - 4 - Illustrations : · Lors d'un entretien avec un groupement villageois pour préparer une session de formation, la présidente du groupement s'adressant au consultant qui accompagnait les formateurs a dit : « nous avons reçu beaucoup voire assez de formations et nous savons maintenant tout faire. Mais si vous ne nous donnez pas l'argent pour travailler comment allons-nous appliquer nos savoirs ». Telle est sa représentation de la notion de besoin de besoin de formation et elle recoupe celle du président du Cadre Local de Concertation des Organisations de Producteurs, qui est l'instance fédérative de toutes les organisations paysannes de la Communauté Rurale (qui est un regroupement de plusieurs villages). · Au niveau de la Région le Président du Cadre Régional de Concertation des Ruraux (CRCR) de Kaolack a repris cette idée à son compte en ces termes : « la formation n'est vraiment pas une préoccupation pour nous, mais si le BFPA qui en est spécialiste trouve qu'il nous la faut, nous sommes preneurs. Nous avons besoin d'argent pour financer nos concertations et surtout organiser les états généraux de l'agriculture dans cette Région dont l'avenir nous inquiète beaucoup ». Il est clair que cette perception du rôle de la formation est loin de démontrer qu'il n'y a pas un écart important entre les compétences maîtrisées et les compétences nécessaires. Au contraire ! · Les interventions du BFPA en régions visant à amorcer une dynamique d'expression de demandes d'appuis par les acteurs locaux, ne sont pas toujours suivies des effets escomptés. Le BFPA ne reçoit pas de sollicitations dans ce sens, et les processus enclenchés se relâchent entre 2 tours de terrains. · Au niveau national le changement intervenu à la tête du BFPA a été justifié, selon le nouveau titulaire du poste, par le fait que le ministère « ne sentait pas le BFPA dans ses préoccupations, et ne savait pas ce qu'il faisait ». Le fait était que les activités du ministre et de son cabinet étaient concentrées exclusivement sur la réalisation des programmes spéciaux du chef de l'état qui changeaient chaque année et n'étaient pas suffisamment préparés, concertés et planifiés. Tandis que le BFPA travaillait sur des processus participatifs recherchant la compréhension et l'adhésion des acteurs concernés notamment les populations bénéficiaires. Et c'est pour des démarches de cette nature que la SNFAR a été adoptée, le BFPA créé et des ressources (les seules d'ailleurs) mises à disposition par des bailleurs de fonds pour les financer. Comment utiliser les moyens alloués pour promouvoir la demande des producteurs ruraux dans des démarches qui répondent à la « demande du chef de l'état » ? Tel était le dilemme du BFPA ! Plus fondamentalement, comme cela a été déjà démontré, la vision du développement agricole des autorités issues de l'alternance politique du 19 mars 2000, était différente voire contradictoire de celle qui a donné naissance à la SNFAR dont résulte le BFPA et ses stratégies d'interventions. C'est cette divergence profonde qui s'est exprimée dans cette impression d'absence du BFPA dans les activités du ministère. Pourtant par ses nouvelles approches et méthodes de relations, le Bureau avait réussi à reconstruire une image très positive du rôle de l'état dans le développement du secteur, aux yeux des acteurs du monde rural et des partenaires financiers. * 14 52,2% des familles sénégalaises se considèrent comme pauvres selon une enquête récente de l'agence nationale de la statistique et de la démographie auprès des chefs de ménages publiée en Août 2007. * 15 Chaque année est dédiée à la culture d'une espèce par le chef de l'état qui fixe (au pif) un objectif de production à atteindre. Et on a eu l'année maïs, l'année manioc, l'année Bissap, l'année jatropha. * 16 Retour Vers l'Agriculture. Au départ Retour des Emigrés Vers l'Agriculture. Aujourd'hui agence nationale du Plan REVA non encore fonctionnelle. L'agence est rattachée au ministère de l'agriculture |
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