2 - 4 : La mise en oeuvre des formations dans les
Centres Polyvalents :
Contrairement à l'idée répandue selon
laquelle ces centres ne sont pas adaptés pour la formation des
producteurs, des expériences concluantes ont été
menées par le BFPA dans certains centres. Outre le fait que six des neuf
centres livrés ont connu un démarrage effectif avec une centaine
de formations conduites, les démarches pour les mettre en oeuvre l'ont
été selon des processus systématiques de diagnostics
partagés et de construction sociale des besoins.
A Kolda où l'appui du BFPA à
démarré la première action lancée s'est
déroulée comme suit (cf. récit page suivante).
Formation du groupement des femmes du village de
Goundaga dans le département de Kolda.
Acte 0 : le
déclencheur : le Chef du Centre d'Expansion Rurale
Polyvalent de Kounkandé participe à la journée de
lancement des activités du Centre Polyvalent de Formation de Producteurs
de Kolda organisée par le staff, présidée par le
préfet, président du Comité Départemental de
Concertation, et animée par le BFPA. Pendant cette journée le
Responsable de la Formation des Producteurs du BFPA a expliqué au public
venu nombreux du département la genèse et l'évolution du
Programme des Centres Polyvalents, sa philosophie d'intervention et ses
modalités d'actions centrées sur le principe de la
réponse à la demande concertée.
Acte 1 : le chef du Centre
d'Expansion Rurale de Kounkandé (1er pôle du triangle)
saisi par les femmes du village de Goundaga qu'il encadre, pour un
problème de mortalité de plants de piments, a
téléphoné à l'Administrateur
Délégué du Centre Polyvalent de Kolda
(2ème pôle) pour lui faire part de la
préoccupation des femmes du groupement (3ème
pôle du triangle) et solliciter une « formation sur les
pesticides » pour le groupement.
Acte 2 : l'Administrateur du
Centre Polyvalent, accompagné d'un agent du Service Départemental
du Développement Rural ès qualité de prestataire, se rend
directement au village pour prendre langue avec les femmes au sujet du
problème. Il ressort des discussions menées sur les parcelles que
le problème est lié à une pratique de maraîchage en
vigueur dans le village qui favorise la dissémination de la maladie. Et
que donc la solution n'était pas dans le traitement des plants et
parcelles qu'elles sous-entendaient, mais dans le changement des façons
culturales qui elles, étaient une résultante directe du mode de
leur organisation. Un accord a été donc trouvé
« sur le champ » pour une formation portant non pas sur les
pesticides, mais sur l'impact des pratiques sur l'état des cultures et
sur les rendements.
Acte 3 : Puis
l'Administrateur Délégué rencontre à nouveau le
chef du Centre d'Expansion Rurale pour lui exposer sa lecture de la
situation-problème et recentrer la demande sur « la
gestion des parcelles et des facteurs de rendements des plants de
piments ».
Acte 4 :
Enfin l'Administrateur Délégué, le chef du Centre
d'Expansion Rurale et le prestataire retournent au village pour formaliser le
thème de formation. Le Centre Polyvalent finance la restauration, les
femmes préparent les repas, le Centre d'Expansion Rurale héberge
les formateurs. La session de formation a duré 4 jours et s'est
déroulée au village.
*Source : Document de base du P/CPFP. BFPA,
2005
Le processus a permis de passer d'un souhait (issu d'un
diagnostic interne) de se former sur les pesticides à une formation sur
« les pratiques culturales et les rendements »,
résultant d'un diagnostic externe. Ce processus aura permis aux femmes
de se construire une nouvelle demande de formation, sociale celle-là.
Le processus a aussi abouti à une décision prise
par le groupement de rencontrer leur Conseil Rural et le Conseil
Régional pour demander un aménagement de la vallée qui
ceinture le village, afin de maîtriser l'eau et réaliser les
potentiels de rendements démontrés au cours de la formation.
L'argumentaire est surtout construit autour de la situation des jeunes du
village réduits au désoeuvrement et contraint à l'aventure
de la migration. Alors que les perspectives économiques
énoncées de l'activité maraîchère au village,
pronostiquent des niveaux d'emplois et de revenus insoupçonnés,
à condition simplement de maîtriser la ressource eau. Les
démarches immédiatement entreprises par les femmes du village les
ont amenées à utiliser fréquemment les services du Centre
Polyvalent pour mener leurs activités de relations (réunions,
conseils, accueil, courriers, etc.) et de découvrir sa dimension de
centre de ressources pour les acteurs locaux. En recherchant d'autres soutiens
à son projet, le groupement a été amené à
satisfaire une conditionnalité en adhérant à la
fédération nationale des groupements de promotion féminine
du Sénégal qui a fait d'elle son antenne locale.
Cet exemple conforte également la thèse de la
méconnaissance de la démarche de rénovation des
dispositifs par la demande. Car dés que les acteurs la découvrent
ils y collent et la préfèrent aux anciennes méthodes.
C'est une démarche participative d'identification des problèmes
rencontrés, de diagnostic externe avec la présence d'un
technicien, puis de diagnostic interne par dialogue entre producteurs avec le
technicien. Ce récit démontre que :
· les producteurs, même confrontés à
un problème bien identifié, peuvent certes le transcrire en
« demande de formation », mais que cette demande ne
correspond pas à la réalité du problème
posé. On peut être confronté à un problème,
l'identifier, et être incapable de le transcrire en
« écart de compétence », ou se tromper dans
l'écart.
· l'analyse de l'écart exige tout à la fois
la présence d'un technicien qui analyse plus à fond le
problème, mais qu'il exige certainement aussi, le débat et la
contradiction avec les producteurs.
· Il y a une différence entre un processus de
construction par la demande qui est plus apparent dans le cas de Caritas et un
processus de construction sociale du besoin de formation dont il est plus
question dans ce cas spécifique de Goundaga.
Mais dans les 2 cas (Kaolack et Kolda) le retrait de
l'expertise externe entraîne l'arrêt des initiatives de
rénovation et le retour aux anciennes pratiques. Qu'est qui est à
l'origine de cette fragilité ? S'agit-il de la complexité de
la démarche ? S'agit-il d'un retrait prématuré de
l'appui technique ? S'agit-il de l'arrêt des financements externes
qui est généralement concomitant (ou explique même) au
départ de l'expertise extérieure ?
Ce questionnement introduit la double problématique du
financement des processus de rénovation et de l'expertise
extérieure qui sera développée dans cette troisième
partie.
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