La SNFAR du SENEGAL : Appui à la mise en oeuvre des Dispositifs de Formation des ruraux par la Demande( Télécharger le fichier original )par Abdourahmane FAYE Université des Sciences Sociales de Toulouse 1 - Master 2 Pro Ingénierie de la Formation et des Systèmes d'Emplois 2008 |
La gestion des dispositifs de formation agricole et rurale par la demande de formation :Problèmes rencontrés1 - Cadre général d'intervention :Au Sénégal la démarche de construction des dispositifs de formation agricole et rurale par la demande, intervient dans 2 conditions peu favorables : i. Une pauvreté (et ses conséquences multiples) et une crise agricole qui sont de nature à atténuer les énergies et les initiatives de participation des acteurs locaux. ii. Une complexité du concept de « demande de formation » qui engendre des ambiguïtés dans les approches et la mise en oeuvre. 1 - 1 : Le concept d'ingénierie et son application à la demande de formation au Sénégal :L'ingénierie de formation est définie comme « l'ensemble coordonné des activités de conception d'un système de formation (dispositif de formation, centre de formation, plan de formation, centre de ressources éducatives, etc.) en vue d'optimiser l'investissement qu'il constitue et d'assurer les conditions de sa viabilité ». (G. Le BOTERF, 2002). Cette définition introduit la notion essentielle de rationalisation des processus de formation qui structurent également la démarche d'approche par la demande de formation au Sénégal. En France G. Le BOTERF rappelle que c'est après la crise économique des années 1970 que le concept d'ingénierie de la formation commence à être adopté. Au Sénégal cette logique de rationalisation constitue la toile de fond de la SNFAR, qui est intervenue en 1999 dans un contexte de crise et de post ajustement du secteur agricole. Il existe donc un lien fort entre la crise économique et l'ingénierie qui doit sous tendre les démarches de mise en oeuvre de la SNFAR. Elle requiert d'une part une analyse systématique de la demande et une construction sociale des besoins, une explicitation plus élaborée des objectifs et des moyens de les réaliser, d'autre part, une détermination précise des coûts et avantages des dispositifs de formation. 1 - 2 : Quelques constats sur les dispositifs de formation agricole et rurale.On entend par `dispositif de formation' un « ensemble structuré et cohérent de pratiques, de méthodes, d'institutions, de moyens, de règlements, visant à atteindre un objectif déterminé, pour un public donné en fonction d'une situation initiale et d'un environnement donné7(*) ». De ce point de vue on s'intéressera principalement à 4 catégories de dispositifs dans le cadre de cette étude en raison de leur fort engagement dans la formation agricole et rurale : i. les structures publiques, privées et associatives de formation rurale ; ii. les comités et réseaux régionaux d'acteurs de la FAR ; iii. le Bureau de la Formation Professionnelle Agricole (BFPA) ; iv. le Bureau d'Appui à la Coopération Suisse (BA). Cela peut paraître « bizarre » de citer une agence de coopération comme dispositif de formation, mais le rôle historiquement joué dans la mise en oeuvre de la FAR, ainsi que ses approches et démarches originales de coopération, font du Bureau d'Appui un acteur important de ce secteur. Bien entendu l'idée n'est pas de se défausser sur elle ou de lui imputer une quelconque responsabilité dans les faibles performances de la mise en oeuvre de la SNFAR. Cette responsabilité incombe centralement à l'Etat et ses partenaires nationaux. Une vue panoramique des structures d'offre de formations rurales laisse entrevoir un ensemble riche et diversifié d'institutions capables virtuellement de satisfaire la « demande de formation des professionnelle des ruraux dans tous les domaines 8(*) ». (cf. schéma 1 en annexe) Mais les faits observables démontrent le contraire ; les diagnostics conduits aussi. Constat 1 : Les exercices d'auto-évaluation assistée effectués en 1997, dans les centres de formation agricole du secondaire bénéficiant de l'appui de la coopération suisse, avaient conclu à un décalage entre l'offre de formation proposée et la demande exprimée par les acteurs ruraux. Ce décalage se traduisait essentiellement par des programmes de formation désuets ; des approches et méthodes de formation dominées par « le comment » (l'instrumentation) au détriment du « pourquoi » (enjeux) ; mais surtout des flux d'effectifs très bas (10 à 20 sortants par an) face à une masse d'exploitants sans formation et à l'afflux de jeunes ruraux sans qualification vers les villes. Ce constat avait justifié la décision de remise en cause, et précipité le processus qui a abouti au document consensuel de 1999. Il vaut encore dans la plupart des centres publics de formation agricole, malgré la logique de rationalisation qui caractérise la SNFAR, car beaucoup d'entre eux se sont auto exclus9(*) du processus. Constat 2 : Dans le cadre de l'appui du Bureau d'Appui à CARITAS sur sa demande pour la mise en oeuvre de la SNFAR, le diagnostic des 14 Centres de Formation Agricole mis en place par l'ONG avait permis de mettre en évidence le manque d'ouverture de ces structures sur leur environnement. Et face à la chute vertigineuse des effectifs de jeunes fréquentant ces centres, les responsables ont manifesté une capacité de réaction quasiment nulle. Car étant tous peu informés des opportunités de ressources et de relations permises par les changements politiques en cours (désengagement, libéralisation, concession de service public, etc.) dans le secteur. Constat 3 : Après leur construction en 2002, et le recrutement de personnel, aucun des 9 CPFP livrés au Ministère de l'Agriculture n'avait encore démarré ses activités de formation de producteurs en 2004. Le personnel affecté n'ayant pas le profil du métier, ne réussissait pas à mobiliser les acteurs locaux autour d'un projet de formation territorialisée qui réponde à leurs demandes. De même les organisations de producteurs, désormais intransigeantes au principe de leur participation, ne se reconnaissaient pas dans le Comité Départemental de Concertation (CDC), l'instance de pilotage du Centre Polyvalent, présidée par le Préfet. « Nous avons préféré abandonner le CDC aux fonctionnaires locaux et tourner le dos au Centre pour ne pas y perdre notre temps, car jamais il ne servira nos intérêts tant que nous y seront représentés de cette façon ». Ainsi s'exprimait le président de la Fédération des Producteurs de Coton de la Région de Kolda devant la nouvelle équipe du BFPA en mission dans la zone pour relancer les activités du Centre Polyvalent. Il ajoutait que « la faute n'incombe pas aux membres du CDC, mais bien à la structure dirigeante10(*) du Programme qui a conçu la composition et mis le comité entre les mains des représentants de l'Etat » Constat 3 : Dès sa création en 2003, le BFPA a entrepris une série d'études pour réunir des éléments d'informations sur le secteur afin de mieux cibler son intervention et construire un argumentaire pour la FAR auprès des décideurs politiques. Un diagnostic régional conduit par une mission conjointe CESAG/CNERARC à Ziguinchor en 2004 a dégagé les conclusions suivantes : Ø Relativement à la demande EXTRAIT DU DIAGNOSTIC RÉALISÉ DANS LA BASSE CASAMANCE (2004) Sur la formation des producteurs en activité La demande exprimée dans les entretiens de compréhension peut se résumer de la sorte : Les agriculteurs souhaitent comprendre ce qui se passe du point de vue : - économique : formation des prix, évolution des marchés et filières - social : relations de pouvoir au niveau des organisations collectives - techniques culturales : états du milieu, contrôle des prédateurs L'accès à la formation est une nécessité pour ne pas subir les changements en cours. - Faire circuler l'information en temps réel - Avoir les supports théoriques pour interpréter les données - Elargir les référentiels (techniques, économiques, culturels). Ils souhaitent développer leurs capacités d'expérimentation pour innover. - Expérimentation technique/économique - Expérimentation sociale/organisationnelle. - Les voyages-visites et les échanges entre agriculteurs sont pour eux des démarches efficaces de formation. Ils souhaitent se faire connaître et reconnaître. - Comment être un interlocuteur dans les lieux de pouvoir ? - Comment disposer de contenus (connaissances des réalités et argumentaire sur l'économie agricole) pour négocier, pour monter des projets ? La pluri activité est omniprésente, mais rarement prise en compte par les appuis. L'agriculture ne représente, pour un très grand nombre, qu'une base arrière de repli à partir de laquelle on se projette, quand se présente une opportunité de travail ; En même temps, les ruraux que nous avons rencontré (forgerons, menuisiers, maçons, conducteurs d'engins, pêcheurs) se déclarent tous comme d'abord agriculteurs. Les formations habituellement dispensées, à caractère essentiellement technique (de production), ne se préoccupent qu'exceptionnellement de cette pluriactivité en tant que système dans lequel évoluent la plupart des ruraux. *Source : Christian Fusiller : Propositions pour la mise en oeuvre de la SNFAR. Avril 2006 Ø Relativement à l'offre : Parmi les nombreux constats émis, on retient ceux-ci : Une persistance des pratiques habituelles d'encadrement, lourdes de conséquences pour les dynamiques de développement : les agriculteurs et les apprenants sont mis en situation de cibles et de réceptacles de messages stéréotypés ou de recettes («il est plus facile d'appliquer des fiches techniques standard que de chercher à comprendre pourquoi les agriculteurs font ce qu'ils font, et de dialoguer pour rechercher avec eux des solutions aux problèmes qu'ils ont. Des représentations trop restrictives du rôle des formations, conçues et dispensées comme une succession de questions / réponses à des problèmes ponctuels, isolés des contextes économiques, sociaux et historiques. Déficit d'analyse des réalités agraires, Camouflé par des jugements hâtifs et négatifs sur l'agriculture et les agriculteurs, y compris de la part de cadres et responsables de leurs Organisations Professionnelles, et caractérisé par une approche trop disciplinaire. L'ambiguïté des méthodes dites « participatives », Les populations sont « consultées » pour établir des programmes de planification stratégique, mais dans la pratique cela consiste uniquement à lister un inventaire de doléances (ou les besoins) puis à établir et faire valider une classification des priorités en fonction de l'offre institutionnelle préexistante. Par ailleurs, les interlocuteurs sont souvent les mêmes et leur diversité socio-économique est restreinte L'offre de formation sur la gestion durable des systèmes financiers ruraux est rare, Alors même que l'accès au crédit ressort des entretiens comme LE facteur limitant. *Source : Xavier MALON. Mémoire Professionnel IFSE Octobre 2007. L'encart relatif à la demande ne présente pas seulement un diagnostic sur la demande de formation des producteurs, mais un diagnostic de leur situation, et de leur positionnement vis à vis des dispositifs de formation. La « demande de formation » est exprimée dans les trois premiers paragraphes. Pour le reste, ils affirment un certain nombre de principes qu'ils souhaiteraient voir mettre en oeuvre soit par rapport à leur position sociale, soit par rapport à des dispositifs de formation à rénover pas seulement dans leurs contenus, mais aussi dans leurs objectifs, leurs méthodes. Ce qui implique qu'il faudrait faire une distinction entre « demande de formation » et « demande sur des dispositifs de formation », le second élément étant bien plus large que le premier. Or, la « demande de formation » est bien souvent uniquement abordée sous l'angle des contenus renvoyant à un écart de compétences. En tout état de cause, ces constats démontrent que les dispositifs de formation ne répondent ni aux besoins, ni aux souhaits des producteurs ruraux. Et malgré les discours et les conditionnalités favorables à la prise en compte de la demande, les anciennes pratiques persistent et vident les processus de leur substance. S'agit-il réellement d'une méconnaissance de la part des acteurs des dispositifs où d'autres facteurs entrent-ils en jeu ? La réponse est recherchée dans les résultats des actions préconisées pour rectifier les logiques de fonctionnement des dispositifs. * 7 A. MARAGNANI « Offre, demande et besoin de formation ». 12/06/2004 * 8 Orientation 2 de la SNFAR * 9 Le rôle actif (critique et contestataire) joué par les autres acteurs (OP, CL, Projets, etc.) a dû déstabiliser les fonctionnaires des écoles qui étaient habitués à se servir d'eux comme des objets de recueil de besoins de formation. * 10 La Coordination du P/CPFP qui a piloté le démarrage du programme jusqu'à son remplacement par le BFPA en 2004. |
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