La SNFAR du SENEGAL : Appui à la mise en oeuvre des Dispositifs de Formation des ruraux par la Demande( Télécharger le fichier original )par Abdourahmane FAYE Université des Sciences Sociales de Toulouse 1 - Master 2 Pro Ingénierie de la Formation et des Systèmes d'Emplois 2008 |
2 - Le concept de demande de formation : une réalité multiple et mouvante.2 - 1 : La demande au sens de l'AFNOR :Selon l'AFNOR « la demande de formation est l'expression d'un souhait ou de résultats attendus, exprimés par des personnes salariées ou non, des responsables hiérarchiques, des entreprises ou institutions ». Cette définition fait ressortir le caractère mouvant car la demande change de contenu, et peut-être même de nature, en passant d'un niveau à l'autre dans la hiérarchie de l'organisation (de l'ouvrier au directeur général, ou du paysan au dirigeant de la fédération nationale des organisations paysannes). La définition revêt aussi un caractère pluriel car la demande peut provenir soit d'un individu, soit d'une institution. Alors il existe plusieurs demandes et probablement plusieurs réponses. En conséquence, cela n'a pas de sens de parler de « réponse à la demande », il faudrait plutôt parler de « réponses aux demandes ». D'autre part l'expression d'un souhait dépend de la façon dont les acteurs ressentent les problèmes auxquels ils sont confrontés, donc de l'image qu'ils se font des réalités qu'ils vivent. Or cette image est bien souvent différente de la réalité. Mais elle finit par influencer et contaminer cette réalité pour devenir une représentation qui est propre à l'individu ou au groupe. C'est une forme de connaissance subjective, un système d'explication de la réalité qui est préscientifique. Par exemple : « à force de recevoir des offres de formation sur mon métier, je finis par me convaincre que la solution à mes faibles performances se trouve dans ces formations ». Ainsi le souhait exprimé par un acteur ou une catégorie homogène (producteurs, transformateurs, collecteurs) n'est pas représentatif d'une demande mais seulement de sa représentation du problème posé. Pour autant cela n'invalide pas en soi la « demande » exprimée par un acteur mais accroît le risque de traiter des problèmes qui n'en sont pas. Risque que l'on atténue en faisant interagir tous les acteurs dans le processus d'expression des attentes, auquel cas les problèmes sont analysés en terme de « besoin de formation ». 2 - 2 : La demande au sens économique :La « demande » renvoie à priori au domaine de l'économie, science qui étudie la façon dont les hommes s'y prennent pour produire les richesses dont ils usent, et les répartir entre eux. C'est majoritairement par le marché5(*) que s'effectuent cette répartition. Ceux qui produisent sont disposés à céder leurs biens et services (l'offre) à ceux qui veulent les acquérir, à des fins de consommation (la demande), moyennant un prix que les uns et les autres jugent acceptable. Les quantités de marchandises sont échangées au prix d'équilibre. Seule est considérée la demande de ceux qui ont les moyens d'acheter : la demande solvable. A la situation d'équilibre, il y a égalité entre l'offre et la demande en fonction du prix et échange de marchandises. Demande et offre interagissent continuellement sur le marché. En théorie, lorsque l'offre est supérieure à la demande, les vendeurs doivent baisser les prix pour stimuler les ventes ; réciproquement, lorsque la demande dépasse l'offre, les acheteurs surenchérissent pour éliminer leurs concurrents. L'approche économique met l'accent sur le lien fonctionnel offre-demande. L'un n'existe pas sans l'autre, l'un explique l'autre, et vice versa. La « demande détermine l'offre. Et réciproquement » a-t-on l'habitude de dire pour ne jamais définir l'un des termes sans l'autre. Ce n'est pas le cas pour l'AFNOR qui ne mentionne pas explicitement ce terme offre dans sa définition de la notion de « demande de formation ». A. MARAGNANI dans une contribution publiée le 12/06/04 sur « offre, demande et besoin de formation » pour clarifier ces concepts, s'en étonnait en ces termes : « aussi curieux qu'il puisse paraître, je n'ai trouvé aucune définition de `l'offre de formation', ni dans la terminologie AFNOR, ni dans les dictionnaires d'éducation et de formation, ni dans les principaux sites du net ! ». Toutefois, on peut se demander si l'analyse des besoins de formation peut se réduire à celle d'une analyse Offre/demande au sens économique. Dans l'échange économique d'un bien ou d'un service, la nature du bien ou du service est connue, la nature de l'offre et de la demande également ; du moins en théorie classique qui suppose que le marché est libre et transparent. En matière de formation, la question est infiniment plus complexe. D'une part, parce que l'on ne sait pas définir l'offre ! D'autre part, cette analyse ne peut pas non plus se calquer sur une analyse de la fixation des prix sur un marché économique car l'on ne sait pas plus définir avec exactitude la demande. En effet, comme on l'a vu dans le paragraphe précédent, il n'existe pas une demande mais des demandes pour des formations totalement différentes. La formation que peut souhaiter un agriculteur pour lui-même, ne correspond généralement pas à celle que souhaite l'industriel chargé de la transformation des produits pour le même agriculteur. C'est-à-dire que pour un même service, celui de la formation des agriculteurs, les demandes portent sur des objets différents. En conséquence, si l'on fait le parallèle avec le marché des produits et des services, les demandes ne seraient pas sur le même marché ! Enfin, rappelons qu'en économie classique, c'est le prix qui est la variable qui fait évoluer l'offre et la demande or, dans la grande majorité des cas, les formations sont soit gratuites, soit payées à un prix qui est très inférieur à leur coût. Pourtant les personnes qui expriment une demande de formation au sens de l'AFNOR, prétendent bien le faire bien en connaissance de cause. Or L'effet catalogue6(*) est bien connu pour démontrer qu'en formation aussi l'offre crée la demande. Et réciproquement, la généralisation des budgets « formation » dans les financements des projets de développement rural explique la prolifération des cabinets privés spécialisés dans le « renforcement des capacités des acteurs du monde rural ». Tout ce qui vient d'être dit prouve encore que lorsqu'a été lancée l'idée d'une « réponse à la demande » à travers la SNFAR, la réflexion n'était pas achevée sur la façon dont cela correspondrait ou non aux besoins de formation. L'extension de l'analyse au modèle de réflexion économique, qui est d'une toute autre nature, tend à faire rentrer le champ de l'éducation, notamment de la formation professionnelle, dans le cadre du marché. Si donc, on parle d'offre et de demande de formation, c'est vraisemblablement beaucoup plus dans l'objectif d'étendre la sphère marchande à ce type d'activité, que pour répondre aux besoins de formation ; ou du moins, de faire que les besoins de formation puissent être transformés en un produit marchand. * 5 A l'exception des économies centralement planifiées de Corée du Nord et Cuba * 6 Consiste à diffuser l'information sur une formation dans un grand public pour amener les personnes à exprimer un souhait d'y participer. |
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