Le Règlement des conflits entre actionnaires dans les sociétés anonymes de l'espace OHADA : analyse et perspectives( Télécharger le fichier original )par Julien Hounkpe Université d'Abomey Calavi (Bénin) - DESS Droit des Affaires et Fiscalité 2006 |
B- Les sanctionsDeux catégories de sanctions doivent être abordées. D'une part, celles qui sanctionnent une clause contraire à la loi et, d'autre part, celles qui sanctionnent le non respect d'une clause restrictive de cessibilité. * Les conventions entre actionnaires qui sont contraires à la loi sont nulles. La loi ne visant que les « conventions entre actionnaires », s'applique t-elle également aux dispositions statutaires ? Qu'en est-il en outre des conventions conclues avec des tiers ? Il n'est pas douteux que les statuts soient aussi visés par la loi. Pour ce qui est des conventions avec les tiers, la sanction en cas de non respect d'une limitation dans le temps et d'un intérêt légitime sera aussi la nullité mais, ici en vertu du droit commun (art. 900-1 C.civ.). Relevons qu'il n'y a point de nullité dans le cas des clauses d'agrément ou de préemption portant un délai d'incessibilité de plus de trois mois puisqu'en l'occurrence, le délai sera simplement ramené à trois mois. * La loi étant muette, le recours au droit commun s'impose dans le cas du non respect d'une clause restrictive de cessibilité. Conformément au droit commun, la violation fautive du pacte peut entraîner la condamnation du responsable à des dommages et intérêts et la résolution judiciaire du pacte85(*). L'on distingue à cet égard le cas des clauses statutaires de celles figurant dans des conventions extrastatutaires. L'inobservation des clauses statutaires (d'inaliénabilité, d'agrément ou de préemption) rend la cession intervenue en contravention avec celles-ci inopposable à la société et, partant, totalement inefficace (art. 227-15 C. com.). Ainsi la société pourra-elle refuser de transcrire la cession au registre des actionnaires et pour des actions aux porteurs, s'opposer au vote, à l'assemblée générale, du porteur des titres acquis en violation de ces clauses. Le tiers cessionnaire ne pourra donc se voir reconnaître la qualité d'actionnaire et, sauf recours fructueux devant les cours et tribunaux contre la société, il ne pourra que se pourvoir en dommages et intérêts contre le cédant. La cession pourra cependant sortir ses effets entre parties liées entre elles, le cas échéant, par une convention de croupier. Doctrine et jurisprudence admettent l'annulation de la cession lorsque le tiers cessionnaire avait connaissance, au moment de la cession, de la clause de préemption, d'inaliénabilité ou d'agrément que le cédant violait de la sorte par application de la théorie de la tierce complicité86(*). En effet, la présence des clauses restrictives de cessibilité des titres dans les statuts est constitutive d'une présomption, réfragable, de connaissance de celles-ci pas un tiers acquéreur. Il sera toutefois possible au tiers, selon les cas, d'apporter la preuve contraire comme c'est toujours le cas lorsqu'un justiciable veut prouver ce qui va à l'encontre du cours ou de l'état normal des choses. La société est tiers aux conventions extrastatutaires et ne dispose d'aucun droit pour refuser les effets d'une cession conclue en fraude de la convention d'actionnaires. Il s'agit de l'application de la théorie des effets internes du contrat. En vertu de la même théorie, les bénéficiaires de clauses restrictives ne pourront prétendre à l'annulation d'une cession opérée en fraude de leurs droits dans la mesure où il ne pourrait être reprochée au tiers cessionnaire de ne pas avoir respecté une clause contenue dans une convention à laquelle il n'est pas partie. Dans ce cas, les bénéficiaires lésés n'auront d'autre choix que de poursuivre la réparation de leur préjudice, contre le cédant, par voie de dommages et intérêts. Comme pour les clauses statutaires, l'annulation de la cession demeure possible, dans la seule hypothèse où le tiers acquéreur est de mauvaise foi et s'est rendu complice de la violation de ses obligations par le cédant. Ici il appartiendra au bénéficiaire de la clause d'apporter la preuve de la connaissance, par le tiers, de la clause à la violation de laquelle il a contribué. Dans un souci très net de prévention, la pratique supplée dès lors à la fragilité de ces clauses en les assortissant de clauses pénales fixant le montant de la sanction. Parfois, on recourt encore au remède plus radical du blocage des titres dans les mains d'un tiers, voire à la mise en gage des titres, de telle sorte que l'acquéreur se voit opposer un droit réel. Il n'existe point de typologie unique des clauses relatives aux cessions de titres. * 85 Voy. par ex. Versailles, 29 juin 2000, Bull. Joly, 2000, 1149, note Le Cannu. * 86 Cass. Civ. 26 octobre 1982, Bull. civ. III, p.154. |
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