Deuxième paragraphe : La formalité de
légalisation de la signature
L'écrit exigé pour la constatation de la cession
des parts sociales doit, selon les termes de l'article 110 du C.S.C., comporter
une signature légalisée des parties. Sous l'empire du Code de
commerce, cette exigence de légalisation de la signature n'était
pas prévue. Le législateur exigeait seulement de constater la
cession des parts sociales par un acte authentique ou par un acte sous seing
privé72. C'est cette même solution que
retient le législateur français73.
La nouvelle exigence de légalisation des signatures
suscite les remarques suivantes :
D'une part, la rédaction de l'article 110 du C.S.C. est
imprécise. En effet, la légalisation de signature qu'impose cet
article couvre les deux formes principales que peut prendre un écrit
à savoir l'acte sous seing privé et l'acte authentique. Or, si la
légalisation de
72 Art. 172. du C.C. : « Les cessions de
parts sociales doivent être constatées par un acte authentique ou
par un acte sous seing privé...»
73 Art. L. 221-14 du C.C. français :
« La cession des parts sociales doit être constatée par
écrit...»
signature rime avec les actes sous seing privé, elle ne
peut être considérée pour les actes authentiques qu'une
exigence absurde.
Les rédacteurs du C.S.C. auraient dû
prévoir que les cessions de parts sociales doivent être
constatées, soit par un acte authentique, soit par un acte sous seing
privé comportant une signature légalisée des parties.
Reste encore à signaler qu'un acte sous seing privé qui a fait
l'objet d'une légalisation de signature produit les mêmes effets
qu'un acte authentique74.
D'autre part, l'exigence de la légalisation des
signatures semble peu opportune. L'analyse des finalités pour lesquelles
elle a été édictée permet de relativiser sa
nécessité.
Certes, le législateur cherche, par le biais de cette
nouvelle exigence, à garantir, d'un côté,
l'authenticité des signatures des parties, et d'un autre, l'exactitude
de la date de l'acte. En effet, la formalité de légalisation a
pour objet d'authentifier les signatures par un officier public qui atteste par
la même que l'acte a été signé le jour de la
légalisation75. Néanmoins, ces deux
finalités poursuivies par le législateur sont juridiquement
difficiles à justifier.
La première finalité qui consiste à
garantir l'authenticité des signatures concerne essentiellement les
parties. Elle permet de les priver de la possibilité de contester
l'existence de l'acte. Or, même si
74 Art. 449 et 450 du C.O.C.
75 Art. 4 de la loi n° 94-103 du 1er
août 1994, portant organisation de la légalisation de
signature et de la certification de conformité des copies à
l'original telle que modifiée par la loi n° 9 9-19 du
1er mars 1999.
les parties ont la possibilité de désavouer
leurs signatures et que leurs héritiers ou les autres ayants cause
peuvent déclarer ne point les connaitre, l'authenticité de l'acte
peut toujours être retrouvée à travers la procédure
de vérification d'écriture76 d'autant
plus que la Cour de cassation décide que les juges du fond se doivent
d'ordonner la vérification d'écriture dès que l'une des
parties a désavoué sa signature et ce même si l'autre
partie ne l'a pas demandée77. Le seul
mérite de la légalisation des signatures est d'éviter une
telle procédure pour prouver l'authenticité de l'acte.
La deuxième finalité qui consiste à
garantir l'exactitude de la date de l'acte concerne essentiellement les tiers
étant donné que la date de l'acte ne pose pas de problèmes
entre les parties que ce soit pour l'acte
authentique78 ou pour l'acte sous seing
privé79. Elle permet de protéger les
tiers auxquels seule la date de la légalisation de signature leur est
opposable.
Chercher à garantir l'exactitude de la date de l'acte
de cession des parts sociales répond donc à des fins
d'opposabilité. Or, sachant que l'opposabilité de la cession
à l'égard de la société et des tiers répond
à des conditions spéciales qu'on analysera plus tard un tel souci
est superflu. Il importe cependant de signaler que la recherche
76 Art. 459 du C.O.C.
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V. CHARFI, Mohamed. Introduction à
l'étude du droit. 3ème éd. Tunis :
Cérès éditions, 1997, p.259.
78 Art. 445 du C.O.C.
79 Art. 450 du C.O.C.
de garantir l'exactitude de la date de l'acte de cession a
tout de même un mérite. Elle permet au moins de restreindre la
pratique de la cession de parts en blanc qui est une cession de droits sociaux
signée par le cédant, dont le prix est généralement
quittancé dans l'acte, établi sous seing privé, mais qui
ne comporte pas le nom de l'acheteur ni la date : le porteur de l'acte peut
à tout moment compléter le blanc, en mentionnant le nom du
cessionnaire et en apposant une date, puis il enregistre cet acte et le
signifie à la société80. Cette
pratique qui n'est pas toujours condamnable comporte des risques
considérables. En effet, la pratique nous enseigne que la non-apposition
de la date pourrait aboutir à des conséquences néfastes
tant pour les parties que pour les tiers.
80 CHAUVEAU, René. Les cessions de
parts en blanc. Gaz. Pal. 1957, I, doctr., p.24. STORCK,
Michel. Sociétés à responsabilité
limitée. J.Cl. Sociétés, 2000, Fasc.73-20,
n° 58.
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