PartIe I : La rIgUeUr deS exIgenCeS fOrmelleS de
la CeSSIOn deS PartS SOCIaleS
En législation, la forme est devenue l'instrument
privilégié de toute protection et, l'impératif de
protection ayant été perçu comme primordial, s'en est
nécessairement suivi un développement sans
précédent du formalisme39.
Le formalisme s'impose lorsque l'acte est d'une gravité
ou d'une importance telle qu'elle justifie une protection particulière.
C'est justement le cas de l'acte de cession des parts sociales de la SARL
étant donné qu'il touche une panoplie d'intérêts qui
risquent d'être lésés. Ces intérêts sont ceux
du cédant, du cessionnaire, des associés, des salariés,
des créanciers, des pouvoirs publics et de la société.
Certes, le formalisme n'est pas sans
mérite40. Il est un facteur de
sécurité juridique41. D'ailleurs,
le recours à la forme se conçoit aisément dans le
prolongement du dogme volontariste puisqu'il n'est
39 LAGARDE, Xavier. Observations critiques
sur la renaissance du formalisme. JCP éd. G 1999, I,
n°170, p.1768.
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40 TERRÉ, François ;
SIMLER, Philippe ; LEQUETTE, Yves. Droit
civil : les obligations. 8ème éd. Paris : Dalloz, 2002,
n°132.
41 CABRILLAC, Rémy ; BEN FADHEL,
Othman. Introduction au droit des affaires : Abrégé
de droit tunisien des obligations contractuelles. 1ére éd.
Tunis : Centre de publication universitaire, 2006, n°44.
qu'un moyen de garantir la perfection du
consentement42. Toutefois, L'excès de
formalisme risque d'altérer son objectif de protection. En effet, les
sujets de mauvaise foi ont tendance à abuser de leur protection alors
que ceux de bonne foi risquent de subir le contrecoup de leur surprotection.
L'étude du régime de la cession des parts
sociales dans la SARL dévoile que ce dernier souffre d'un excès
de formalisme dû à la complexité des formalités de
conclusion de la cession (premier chapitre) et à la complexité de
son régime d'opposabilité (deuxième chapitre).
42 LAGARDE. Op. cit., p.1769.
Premier chapitre : La complexité des
formalités de conclusion de la cession
La conclusion de la cession des parts sociales passe
généralement par l'élaboration d'un projet de cession qui,
une fois agréé, se concrétise par la rédaction de
l'acte de cession proprement dit. Lors de ces deux phases, plusieurs
formalités sont prévues par le C.S.C. et même si elles sont
nécessaires, les dispositions qui les prévoient s'avèrent
complexes, excessives et ambigües. La clarté, la simplicité
et la flexibilité sont les maillons faibles de ces dispositions. Cela se
vérifie tant au niveau de l'exigence de la notification du projet de
cession (première section) qu'au niveau de l'exigence de l'écrit
(deuxième section).
Section 1 : La notification du projet de cession
Selon l'alinéa 2 de l'article 109 du C.S.C. : «
lorsque la société comporte plus d'un associé, le projet
de cession est notifié à la société et à
chacun des associés ». Ainsi, le législateur impose à
l'associé désirant céder ses parts de notifier le projet
de cession non seulement à la société, mais aussi à
chacun des associés.
L'intérêt de cette formalité de
notification est triple. D'abord, elle permet d'informer la
société et les associés de la cession projetée afin
de réunir une assemblée générale qui en
décidera le sort.
Ensuite, elle permet de fixer un point de départ pour
le délai de trois mois au cours duquel la société doit
prendre sa décision et qu'à défaut, son consentement est
réputé acquis43. Enfin, elle permet
d'éviter la survenance de conflits entre le cédant et le
cessionnaire. En effet, faute de notification, le cessionnaire serait en droit
de réclamer au cédant des dommages-intérêts et ne
pourrait être contraint d'acquérir les parts.
De plus, l'exigence d'une double notification a pour but
d'éviter que le gérant favorable à une cession, qui n'est
peut-être pas du gout de la majorité, néglige de consulter
les associés. Il engagerait sans doute sa responsabilité, mais la
cession serait néanmoins acquise.
Malgré l'importance de cette exigence de notification,
elle n'est pas exempte de reproches. Le premier reproche consiste en une
incohérence dans la rédaction du deuxième alinéa de
l'article 109 du C.S.C. En effet, cette disposition subordonne la notification
à l'existence de plusieurs associés alors que c'est
nécessairement le cas pour la SARL qui est constituée entre
deux ou plusieurs personnes selon les termes du premier alinéa de
l'article 90 du C.S.C. Il semble que les rédacteurs du C.S.C. ont «
calqué » cette disposition de l'article 45 de la loi
française du 24 juillet 196644. Or, cette
transcription était maladroite étant donné que le C.S.C.,
contrairement à la loi de 1966, distingue lors du traitement des
sociétés à responsabilité limitée entre la
SARL et la SUARL en
43 Art. 109 al. 3 du C.S.C.
44 Actuellement l'article L. 223-14 du
C.C. français.
réservant à chacune un titre distinct. De plus,
les dispositions de l'article 109 du C.S.C. ne peuvent pas s'appliquer à
la SUARL sur la base de l'article 148 du C.S.C. étant donné que
la mise en oeuvre de l'article 109 du C.S.C. suppose la pluralité des
associés et que le législateur réserve à la cession
dans la SUARL des dispositions spéciales édictées à
l'article 155 du C.S.C.
Ainsi, les rédacteurs du C.S.C. poussent à
l'extrême leur mimétisme45 en
recopiant des dispositions du droit français sans même
vérifier la cohérence du texte.
Le deuxième reproche à cette exigence de
notification est le formalisme dont fait preuve le législateur. Ce
formalisme peut être déduit de l'inadaptation de la forme
exigée aux pratiques courantes, d'une part (premier paragraphe), et de
l'ampleur de la sanction du défaut de notification, d'autre part
(deuxième paragraphe).
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