IV. Originalité de la cession des parts sociales
dans la SARL :
Dans les sociétés à risque
illimité, les parts sociales ne peuvent être cédées
qu'avec le consentement de tous les associés sauf stipulation contraire
des statuts35. L'impossibilité pour l'un des
associés de céder ses parts entraine, en principe, la dissolution
de la société36. Ce régime
sévère de cession des parts sociales s'explique non seulement par
l'ampleur de l'intuitus personae dans ce type de
sociétés, mais surtout par le caractère solidaire et
personnel de l'engagement des associés. En effet, d'un côté
la sortie d'un associé accroit, pour chacun des autres associés,
le poids du risque collectif futur et d'un autre côté
l'entrée de nouveaux associés entraine le partage des risques
avec des inconnus dont la solvabilité est
incertaine37.
Dans les sociétés à risque limité,
dès lors que l'engagement social de l'associé est limité
au montant de son apport, il est possible d'admettre qu'il peut céder
ses parts sans avoir à solliciter l'accord de ses coassociés
à moins que les statuts imposent un régime d'agrément.
La SARL qui est une société commerciale dans
laquelle les associés ne sont tenus des dettes sociales qu'à
concurrence de leur apport et dont le capital est divisé en parts
sociales non librement
35 Art. 56 du C.S.C.
36 Art. 65 du C.S.C.
37 DIDIER. Op. cit., p.59 et
seq.
cessibles38
n'adhère pas à cette logique. En effet, quoique les
associés ne répondent des dettes sociales que dans les limites de
leurs apports, ils ne bénéficient pas de la liberté de
céder leurs parts. La loi leur impose un régime à
mi-chemin entre celui des sociétés à risque
illimité et celui des sociétés à risque
limité. Ce régime spécifique de cession des droits sociaux
découle de la spécificité de cette société.
Son importance est telle qu'il en devient lui-même un trait
distinctif.
Compte tenu de l'importance du régime juridique de la
cession des parts sociales dans la SARL, le législateur n'a pas omis de
le réviser dans le cadre du C.S.C. Cette révision avait pour
objectif de perfectionner ce régime en détaillant les
dispositions qui le régissent et en y ajoutant des dispositions qui
permettent d'éviter que l'associé d'une SARL reste prisonnier de
ses parts.
Plus que de simples retouches, les articles 109, 110 et 111 du
C.S.C. opèrent une réorganisation profonde du régime
juridique de la cession des parts sociales. Cette réorganisation
nécessite une étude minutieuse qui s'impose pour deux raisons au
moins. D'une part, cette étude permet d'évaluer
l'évolution et l'impact de ce régime sur le droit tunisien des
sociétés tout en mesurant les perspectives possibles. D'autre
part, elle permet d'apprécier ses répercussions sur les
intérêts de la société, des associés et des
tiers leur permettant ainsi de connaitre les contours de leur engagement et par
suite de prendre les précautions nécessaires pour minimiser les
risques de défaillance.
38 CORNU. Op. cit., p.767.
Il est alors permis de s'interroger sur l'aptitude du
régime juridique de la cession des parts sociales dans la SARL à
répondre aux exigences de simplicité et de flexibilité du
droit des sociétés moderne et sa capacité à
protéger les intérêts des associés et de faire de la
SARL une société à la fois stable et évolutive afin
de préserver et de promouvoir son attractivité.
On essayera d'aborder cette question en procédant
à l'étude de la rigueur des exigences formelles de la cession des
parts sociales (première partie) et des anomalies du régime
d'agrément (deuxième partie).
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