Partie II : Les anomalies du régime
d'agrément
La procédure d'agrément dans les cessions de
droits sociaux est l'une des manifestations essentielles de l'intuitu
personae en droit des
sociétés112. Elle consiste à
ne considérer comme parfaite que la cession autorisée par les
coassociés du cédant. L'objectif est d'éviter des
changements intempestifs dans la structure du pouvoir sociétaire, ou
d'interdire l'entrée dans la société à des
concurrents désireux de la déstabiliser.
Avant la promulgation du C.S.C., l'associé d'une SARL
ne peut céder ses parts et éventuellement se dénouer du
lien social que dans l'hypothèse ou il obtient le consentement de la
majorité des associés représentant au moins les trois
quarts du capital social113. Cela faisait de la
SARL une « nasse114 » qu'on ne pourrait
s'en échapper que par miracle.
Certes, cette restriction conforte les associés qui
veulent éviter l'intrusion de personnes indésirables dans la
société. Néanmoins,
112 MAUBRU, Bernard. Les restrictions au
libre-choix du bénéficiaire du transfert de droits sociaux.
Droit et patrimoine. octobre 1997, n° 53, p. 50.
113 Art. 171 du C.C.
114 Engin de pêche, panier oblong en
osier, en filet, ou en treillage métallique muni à son
entrée d'un goulet. « Le CD-ROM du Grand Robert.
Version électronique du Grand Robert de la langue française.
Version 2.0. 2005 »
cette arme pourrait se retourner contre eux et ils risquent eux
même de se retrouver « prisonniers » de leurs parts.
Pour remédier à cette situation attentatoire et
nuisible tant pour la société que pour les associés, le
législateur a procédé, dans le cadre du C.S.C., à
un remaniement du régime de la cession des parts de la SARL.
Désormais, L'article 109 de ce code offre à l'associé une
échappatoire lui garantissant son droit de céder ses parts. En
effet, même si l'exigence du consentement de la majorité des
associés représentant au moins les trois quarts du capital social
reste inchangée, l'associé désirant céder ses parts
jouit de deux nouveaux privilèges que lui accorde l'article 109 du
C.S.C.
D'une part, en cas de silence de la société
pendant une période qui dépasse trois mois à compter de la
dernière notification exigée, l'associé cédant
bénéficie d'un consentement tacite de la cession
projetée.
D'autre part, en cas de désapprobation de la cession,
le législateur oblige les autres associés d'acquérir ou de
faire acquérir les parts dans un délai de trois mois à
partir du refus. En outre, il offre à la société la
possibilité de racheter les parts objet de la cession dans le même
délai et après consentement express du cédant. Si,
à l'expiration du délai imparti, aucune des solutions
prévues n'est intervenue, l'associé pourra réaliser la
cession initialement prévue115.
115 Art. 109 du C.S.C.
Il importe cependant de préciser que la nouvelle
mouture du régime d'agrément a généré
d'autres anomalies qui risquent de porter atteinte aux intérêts
des associés (Premier chapitre) et d'altérer la structure
sociétaire (Deuxième chapitre).
Premier chapitre : Atteintes aux intérêts
des associés
La réforme du régime de l'agrément lors
des cessions de parts sociales est à première vue
appréciable dans la mesure où elle écarte de lourds
fardeaux qui pesaient sur les associés de la SARL. Cette réforme
est censée émanciper les associés qui désirent
céder leurs parts tout en gardant aux autres associés un droit de
regard sur la composition de la société.
Or, une étude bien réfléchie de cette
réforme démontre que les craintes de l'associé
cédant persistent (première section) et que de nouveaux malaises
affectant les associés non cédants surgissent (deuxième
section).
Section 1 : Les craintes de l'associé
cédant
L'absence d'issue pour l'associé cédant
confronté à un refus d'agrément était l'un des
maillons faibles de l'article 171 du C.C. Voulant combler cette lacune, le
législateur prévoit désormais des dispositions qui
cherchent à garantir le droit de l'associé de céder ses
parts.
Néanmoins, malgré les efforts du
législateur, cet associé demeure confronté à un
risque d'incessibilité de fait (premier
paragraphe) qu'il ne pourrait éventuellement surmonter
qu'en succombant à une cession infructueuse (deuxième
paragraphe).
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