L'implication de la communauté internationale dans les processus de démocratisation en Afrique. Le cas du Cameroun( Télécharger le fichier original )par Jean Marcel ILUNGA KATAMBA Université de Kinshasa - Graduat 2004 |
§2. LES PRINCIPES DU DROIT INTERNATIONAL AYANT UNE INCIDENCE SUR L'ACTION INTERNATIONALE EN FAVEUR DE LA DEMOCRATIEL'aspect formel de l'intervention en faveur de la démocratie est constitué des textes conclus dans un cadre multilatéral, tels que ceux édictés par la charte des Nations Unies et d'autres institutions internationales universelles, mais aussi ceux conclus dans un cadre régional tels que l'Acte de Lomé instituant l'Union africaine, et la charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Dans un cadre plus restreint, c'est-à-dire bilatéral, nous retrouvons les accords de coopération, voire certains textes unilatéraux à vocation universelle comme les aides, l'aval de prêt et l'effacement de la dette. Afin de pouvoir rendre compte de leur évolution juridique, le professeur Greg BASUE BABU-KAZADI propose de les envisager du point de vue du fond. Cette démarche permet de lever le voile sur les principes fondamentaux qu'ils sous-entendent((*)30). La question qui se pose est dés lors la suivante : Peut-il y avoir contre un Etat indépendant une action internationale s'exerçant à l'encontre de ce qu'il considère comme sa souveraineté ? En d'autres termes, y -a-t-il possibilité offerte aux acteurs internationaux de mettre en cause le comportement ou l'action des pouvoirs publics vis-à-vis de ses nationaux ? Dans l'affirmative, quels fondements juridiques pourraient être évoqués pour justifier une telle action ? Il s'agira donc de traiter des contradictions du droit international régissant une société internationale dont les acteurs principaux, les Etats, se prévalent de la souveraineté et de ses corollaires. Ce qui nous pousse à analyser deux principes du droit international ayant une incidence sur l'action internationale en faveur de la démocratie : L'égalité souveraine des Etats et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. A. L'égalité souveraine des EtatsTous les Etats sont souverains et égaux sur la scène internationale. La souveraineté est le principe constitutionnel du droit international public. En effet, la plupart des normes internationales sont le fruit de la volonté et du consentement des Etats et sont exécutées par eux-mêmes. L'expression « égalité souveraine » rend bien compte du lien qui existe entre la souveraineté et l'égalité : Tout Etat étant juridiquement souverain, est par conséquent juridiquement égal à tout autre((*)31). Tous les Etats étant donc souverains, aucun ne peut être assujetti à un autre ; souverainement égaux ou également souverains, les Etats sont mutuellement dans une situation de parité légale((*)32). La souveraineté de l'Etat ne s'analyse pas seulement en termes positifs comme un ensemble de pouvoirs qu'il détiendrait sur ses sujets ou sur les autres Etats, elle est aussi un attribut négatif et signifie qu'aucun pouvoir légal ne peut s'exercer sur lui((*)33). C'est de cette souveraineté excluant en premier l'existence d'un super-Etat, que résulte en second lieu l'égalité des Etats, donc chacun est également dépourvu de pouvoir sur chacun des autres, dans toute la mesure où la détention d'un pouvoir sur un sujet est une négation de la souveraineté de celui-ci((*)34). C'est sur base de cette considération que la jurisprudence internationale assimile la souveraineté à l'indépendance. Ainsi, l'arbitre Max HUBERT, dans une sentence arbitrale devenue célèbre, déclare que « La souveraineté dans les relations entre Etats, signifie l'indépendance. L'indépendance relativement à une partie du globe est le droit d'y exercer, à l'exclusion de tout autre les fonctions étatiques »((*)35). Le principe de la souveraineté est ancré dans le droit positif et est tenu pour un principe cardinal de l'organisation des Nations unies. Ce principe est par ailleurs consacré par la célèbre résolution 2625 (XXV) de son Assemblée générale intitulée « Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la charte des Nations-Unies ». A titre général, cette déclaration proclame que les Etats jouissent de l'égalité souveraine, que l'indépendance politique de l'Etat est inviolable et surtout que « chaque Etat a le droit de choisir et de développer librement son système politique, social, économique et culturel ». Sur le plan régional, l'union africaine déclare fonctionner sur le principe de l' « Egalité souveraine de tous les Etats membres de l'union » (art 4 litera a de son acte constitutif). La souveraineté est dans ce sens un attribut essentiel de l'Etat. Elle nous permet en effet de le différencier des autres personnes publiques((*)36). Le droit international serait, dans ce cas, insensible à la forme du régime politique d'un Etat, puisqu'il suffira que ce dernier ait une population, un territoire et un pouvoir effectif et soit doté de la souveraineté pour que la qualité d'entité étatique lui soit reconnue. Ce qui pousse Jean CHARPENTIER à dire que « jamais la pratique internationale n'a exigé qu'un Etat soit démocratique pour être considéré comme tel»((*)37). Le professeur Sayeman BULA-BULA affirme pour sa part que « l'existence d'une règle internationale prescrivant l'obligation de promouvoir ou de garantir la démocratie n'est pas encore prouvée »((*)38). Toutefois, le professeur Greg BASUE BABU-KAZADI tire l'alarme en insistant sur le fait que ces genres d'affirmations extrêmes ne doivent « pas nous faire oublier que c'est sous couvert de ce prétexte que certains dirigeants ont pu former les régimes les plus abominables, indignes et de mauvais augure, responsables de la terreur et de la misère»((*)39). Sur un ton magistral, le professeur déclare qu' « il est à proscrire de l'humanité, [......], une souveraineté qui servirait à martyriser son naturel et rationnel détenteur légitime : le peuple. La souveraineté doit être respectable en élevant sur un piédestal la dignité humaine dans un Etat démocratique de droit»((*)40). « Fort heureusement, écrit BASUE BABU-KAZADI sur un ton jovial, la légitimité nouvelle retrouvée est en train de mettre hors d'état de nuire ou sous veilleuse des régimes aussi ignobles que celui de l'apartheid, de Pol Pot ou de certains dictateurs sanguinaires contemporains»((*)41). Il est clair qu'actuellement les valeurs démocratiques ont érodé petit à petit le principe de la libre élection du système politique dans l'ordre international. En définitive, le principe de l'égalité souveraine des Etats confère à chaque peuple organisé en Etat le droit de choisir librement la forme de son organisation politique, économique, sociale, ...Tous les peuples étant donc égaux, aucun peuple n'est irréductible dans sa composante ontologique à un autre peuple et ne peut se voir imposer une forme d'organisation politique, économique, sociale, ...contraire à sa volonté : c'est l'affirmation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. * (30) G.BASUE BABU-KAZADI, op.cit, p.274. * (31) Voir A.MAMPUYA K.T., Droit international public, cours polycopié, 3ème graduat, Faculté de Droit Unikin, 1998-1999, p.78. * (32) J.COMBACAU et S.SUR, Droit international public, 5ème édition, Paris, Montchrestien, 2001, p.233. * (33) Idem, p.23 et G. BASUE BABU-KAZADI, Introduction à la science politique, cours polycopié, 1ier graduat, Faculté de Droit, Unikin, 2001-2002, p.15-16. * (34) J.Combacau et S.Sur, op.cit, p.23. * (35) J.VERHOEVEN, Droit international public, Bruxelles, Larcier, 2000, p.126. * (36) Voir Q.D.NGUYEN et alii, op.cit, p.422. * (37) Cité par G. BASUE BABU-KAZADI, l'action..., op.cit, p.28. * (38) S.BULA-BULA, « l'idée d'ingérence à la lumière du nouvel ordre mondial », in RADIC Tome 6/1994, p.28. * (39) G. BASUE BABU-KAZADI, l'action.... op.cit, p.277. * (40) G. BASUE BABU-KAZADI, introduction à la science...op.cit, p.14. * ( 41) G. BASUE BABU-KAZADI, op.cit., p. 14 |
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