L'implication de la communauté internationale dans les processus de démocratisation en Afrique. Le cas du Cameroun( Télécharger le fichier original )par Jean Marcel ILUNGA KATAMBA Université de Kinshasa - Graduat 2004 |
CHAPITRE 2LA DYNAMIQUE DE L'IMPLICATION DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE DANS LE PROCESSUS DEMOCRATIQUE CAMEROUNAISL'action internationale en faveur de la démocratie en Afrique est une action essentiellement étatique et interétatique. Celle-ci consiste également à la mise en oeuvre de certaines mesures((*)170). Dans le cas camerounais, ce rôle se distingue par la prééminence de la France et des Etats-Unis et l'insuffisance de celle des autres sujets du droit international((*)171). Cette action renferme une dynamique qui permet d'expliquer l'évolution de la démocratie. Elle pourrait être appréhendée par l'entremise de deux canaux distincts mais non opposés : l'imposition de la démocratie comme seul système de régime politique légitime et la recherche de l'intérêt national.
SECTION 1. L'EXPORTATION DU MODELE LIBERAL DE LA DEMOCRATIEL'offensive américaine et française dans le processus de démocratisation camerounais se justifie par la motivation d'introduire, ou mieux, de restaurer la démocratie dans la genèse, l'organisation et le fonctionnement des institutions politiques du Cameroun. Afin d'atteindre le but projeté, les deux Etats utilisent soit le canal de la coopération au développement (§1), soit s'impliquent directement dans l'univers socio-politique camerounais à travers des actes concrets (§2). §1. L'IMPLICATION PAR LE BIAIS DE L'AIDE PUBLIQUE AU DEVELOPPEMENTL'aide publique au développement est un octroi limité de flux financiers publics ou la mise en oeuvre de projets d'assistance((*)172). Elle peut prendre une forme multilatérale, en transitant par des organisations internationales, ou bien être bilatérale, en mettant les Etats directement en présence. C'est cette dernière forme qui nous intéresse. Pour ce faire, nous nous limiterons, comme souligné plus haut, à l'action française et américaine. A. L'action américaineDe l'avis d'un ancien acteur de la politique étrangère américaine, « les Etats-Unis se considèrent tout à la fois comme la source et le garant des institutions démocratiques à travers le monde, s'érigeant de plus en plus fréquemment en juge de l'impartialité des scrutins étrangers et imposant des sanctions économiques [....] à ceux qui ne respectent pas leurs règles »((*)173). Et pour bien accomplir cette mission qu'ils se sont octroyée, les Etats-Unis recourent à la suspension de l'A.P.D. comme la sanction économique efficace prise contre les gouvernements considérés comme autoritaires. Le vote du congrès américain portant suspension de l'aide bilatérale au Cameroun en réaction contre les résultats controversés des élections présidentielles du 11 octobre 1992 et contre la décision du gouvernement camerounais d'instaurer l'état d'urgence dans la province du Nord-Ouest s'inscrit sur la ligne de cette dynamique. Sur le même registre des faits, la réaction la plus importante fut l'annonce le 19 novembre 1993 de la fermeture de la Représentation de l'Agence Américaine pour le Développement International (USAID) au Cameroun à compter de l'année fiscale 1995. Lorsqu'on sait que depuis 1987, l'assistance fournie par l'USAID au Cameroun l'a été sous forme de subventions et de prêts, conformément à une décision du congrès qui étendait la mesure aux pays africains au sud du Sahara, on imagine l'efficacité d'une telle mesure de rétorsion sur le cours de la politique camerounaise. En somme, pour les américains, puisque « ce sont les démocraties [et non les dictatures] qui offrent les meilleurs moyens de défendre les droits de l'homme et de placer les nations africaines sur la voie du progrès »((*)174),seules les démocraties peuvent bénéficier de leur aide. Tel est l'impératif de la politique étrangère américaine en matière de promotion des droits de l'homme et de la démocratie. Ainsi, l'A.P.D. apparaît comme un instrument au service de la politique étrangère américaine((*)175). * (170) G. BASUE BABU-KAZADI, L'action... op.cit, p. 248 * (171) Nous n'avons point la prétention de réduire l'action internationale en faveur de la démocratie au Cameroun à ces deux puissances. La définition de la communauté internationale proposée au début de notre travail nous interdit d'adopter cette démarche(voir supra, pp.2-3). Cependant, sur base des considérations exposées plus haut (voir supra, pp.14-16), l'action des deux puissances précitées résume et illustre le mieux l'implication de la communauté internationale dans le processus démocratique camerounais. * (172) L'aide est une forme récente de « coopération Nord/Sud »,car au cours de la période coloniale, les métropoles entretenaient avec leurs colonies des relations commerciales privilégiées qui s'inscrivaient dans une toute autre rationalité que l'A.P.D. A l'époque, il s'agissait moins de contribuer au « développement » des colonies que d'assurer la « mise en valeur » du patrimoine métropolitain par une politique d'investissements publics et l'établissement d'un marché protectionniste. Voir J.LAROCHE, Politique internationale, 2ème édition, Paris, L.G.D.J., 2000,p.385. * (173) H.KISSINGER, La nouvelle puissance américaine, Paris, Fayard, 2003, p.13. * (174) Allocution de Warren CHRISTOPHER le 21 mai 1993 à la session de clôture de l'Assemblée annuelle de l'African American Institute, extrait cité par M.D.EBOLO, op.cit,p.26. * (175) Sur l'évolution de la politique étrangère américaine en matière de promotion et de protection des droits de l'homme voir S.P.HUNTIGTON, op.cit, pp. 90-93. |
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