L'implication de la communauté internationale dans les processus de démocratisation en Afrique. Le cas du Cameroun( Télécharger le fichier original )par Jean Marcel ILUNGA KATAMBA Université de Kinshasa - Graduat 2004 |
B. La séparation des pouvoirsLa séparation des pouvoirs est un des premiers moyens imaginés par les penseurs des XVIIème et XVIIIème siècles pour réduire l'impact du pouvoir sur l'individu. L'idée fondamentale chez ces penseurs universels de la séparation des pouvoirs (MONTESQUIEU et John LOCKE) est que si le pouvoir est morcelé et dispersé entre plusieurs détenteurs, aucun de ceux-ci ne pourra utiliser toute la puissance publique pour écraser les libertés et les droits des citoyens. Chaque organe étant limité, trouve dans chaque autre un rempart et un contrepoids, afin que, selon MONTESQUIEU, « le pouvoir arrête le pouvoir ». De cette manière nous pouvons considérer la séparation des pouvoirs comme étant une conséquence du libéralisme et un instrument de la démocratie. La séparation des pouvoirs semble ne pas être inscrite sur le programme de la démocratisation au Cameroun. En effet, l'analytique institutionnelle nous permet de relever que le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire sont sous la houlette du pouvoir exécutif. Tout d'abord, le parlement, outre l'absence de maîtrise sur son ordre du jour, subit la prédominance du Chef de l'Etat qui peut le dissoudre ou le proroger, et surtout qui nomme 30% des sénateurs. On a de la même sorte dans une même chambre la juxtaposition de mandats d'origine et d'inspiration différentes, le mandat représentatif et le mandat impératif. Si il survient un conflit entre l'Assemblée nationale et le Sénat sur le rejet d'un texte en partie ou en totalité, c'est au chef de l'Etat qu'il revient de l'arbitrer. Ensuite, pour ce qui est du pouvoir judiciaire, son indépendance ne se trouve proclamé qu'au plan des principes. On peut en effet lire à l'article 37 alinéa 2 de la constitution que « le pouvoir judiciaire ...est indépendant du pouvoir exécutif et législatif »((*)167). Théoriquement donc, les magistrats sont dans l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles à l'abri de toute inféodation à l'égard de l'exécutif((*)168). Mais il est légitime de se poser des questions sur l'effectivité d'une telle indépendance, dès lors que l'on sait qu'aux termes de l'art. 37 al. 3 de la constitution , "le Président de la République est garant de l'indépendance du pouvoir judiciaire ", et qu'il est assisté par le conseil supérieur de la magistrature. « N'est -ce pas là une curieuse manière d'allouer le gardiennage de l'indépendance d'un pouvoir d'Etat à un autre pouvoir d'Etat alors que les deux se valent constitutionnellement ? N'eût-il pas été juridiquement plus satisfaisant de laisser le judiciaire s'auto-protéger comme l'exécutif et le législatif se prémunissent par eux-mêmes de par la constitution ? » se demande Jean Calvin ABA'A OYONO((*)169). Qui plus est, la présidence valable du conseil revient au seul président, qui le convoque quand il le veut bien. Ses avis ne sont pas conformes. On voit mal en quoi elle peut contribuer à l'indépendance du pouvoir judiciaire. Plus qu'auparavant, les magistrats vivent sous la hantise des mutations disciplinaires, des retards dans les promotions, etc. Des mécanismes qui assurent l'indépendance manquent, tel que l'inamovibilité du juge de siège. Au terme de ce chapitre, notons que la dynamique du changement institutionnel et avant tout constitutionnel ne suffit pas pour cerner l'évolution de la démocratie au Cameroun. S'il est vrai que la démocratisation dans ce pays est avant tout une action endogène, « l'oeuvre des peuples », il est tout aussi vrai que les acteurs internes trouvent la force de résister ou d'appuyer le processus démocratique dans la dynamique de l'action internationale. * (167) Notons que c'est la première fois que l'indépendance du pouvoir judiciaire soit ainsi libellé dans la loi fondamentale camerounaise. En effet, avant cette disposition, toutes les constitutions du Cameroun n'ont jamais fait grand cas de la justice, en se prononçant pour une "autorité de l'Etat exercée par le Président de la République et le Parlement ". La constitution du 18 janvier 1996, même si elle reprend cette disposition en son article 4, rompt avec la continuité en proclamant en son art. 37 al. 2 l'indépendance du pouvoir judiciaire. * (168) Cette indépendance varie cependant selon que l'on relève de la magistrature assise ou debout. Dans le premier cas, le magistrat ne relève dans sa fonction juridictionnelle que de la loi et de sa conscience (art. 37 in fine). Dans le second, elle est relative puisque les Procureurs de la République et les Procureurs généraux peuvent recevoir, en raison du fait hiérarchique qui s'applique à leur cadre, des instructions des collègues plus gradés, du ministre de la justice et du Président de la République. * (169) J.-C.ABA'A OYONO, op.cit, pp.14-15. |
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