L'implication de la communauté internationale dans les processus de démocratisation en Afrique. Le cas du Cameroun( Télécharger le fichier original )par Jean Marcel ILUNGA KATAMBA Université de Kinshasa - Graduat 2004 |
CHAPITRE 2LES MODALITES DE L'INTERVENTIONIl existe une possibilité pour les acteurs internationaux de réagir à la violation d'une obligation fondamentale pour la communauté internationale. Cependant, cette réaction doit se faire dans des conditions déterminées. C'est en considération de cet impératif que la C.I.J. précisait dans l'affaire des activités militaires que « ...l'intervention interdite doit porter sur des matières à propos desquelles le principe de souveraineté des Etats permet à chacun d'entre eux de se décider librement ... l'intervention est illicite lorsque à propos de ces choix qui doivent demeurer libres, elle utilise des moyens de contrainte »((*)67). De l'avis des juges internationaux, pour conclure à une intervention licite, deux éléments doivent être tenus en compte, à défaut il ne saurait être question d'intervention permise par le droit international. Primo, il faut une utilisation des mesures non contraignantes (Section I). Secundo, en cas de recours aux mesures contraignantes, ces dernières doivent porter sur des matières où l'Etat n'a pas préservé des droits souverains (Section II). SECTION 1. UNE REACTION NON CONTRAIGNANTE N'EST PAS CONSTITUTIVE D'INTERVENTION ILLICITENous nous attèlerons à préciser la limite entre mesures non contraignantes et mesures contraignantes. Cette démarche se fera indépendamment de la notion de domaine réservé, pour la simple et bonne raison que si l'élément de contrainte confère à une intervention l'illicéité, qualifier une mesure de non contraignante revient à la faire échapper à la prohibition de l'intervention, ceci quel que soit le domaine sur lequel elle porte. §1. DEFINITION DE LA CONTRAINTEAfin de mieux saisir la signification des caractères essentiels et des qualités propres de la contrainte, il sied de faire largement usage de la méthode juridique. A. Approche exégétique : L'article 2 paragraphe 7 de la charteLa dernière phrase de l'art. 2 par. 7 de la charte des N.U. permet de préciser l'intervention interdite au début de l'article et définit avec une exactitude assez satisfaisante, la notion de contrainte. Cet article in fine déclare en effet que « ...Ce principe [de non-intervention] ne porte en rien atteinte à l'application des mesures de coercition prévues au chapitre VII ». Il serait dans ce cas logique d'affirmer qu'un Etat membre des N.U. ne peut invoquer avec succès la règle de non-intervention si l'action visée est une action coercitive décidée par le conseil de sécurité dans le cadre du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Mais qu'en est-il des mesures non coercitives ? Le conseil de sécurité peut-il les prendre, sans violer la charte ? Une réponse négative à la présente interrogation serait illogique, absurde et déraisonnable. En effet, à titre d'exemple, le conseil de sécurité ne pourrait procéder à une discussion d'une question relevant des affaires internes, action non coercitive soumise à l'art. 2 par.7, mais serait habilité à ordonner une opération militaire contre cet Etat, action coercitive ne pouvant être entravée par cet article. Pourtant, la seconde mesure ne pourrait être prise qu'ultérieurement à la première : « L'effet utile de la règle de non-intervention au sens de la charte suppose donc que l'adoption des mesures non coercitives soit permise au conseil », concluent Olivier CORTEN et Pierre KLEIN((*)68). Ainsi, quand en vertu du principe contenu à l'art. 2 par. 7 de la charte, le conseil de sécurité discute d'une question relevant des affaires intérieures d'un Etat membre, puis prend une mesure coercitive prévue au chapitre VII, la discussion ne peut être considérée comme une intervention interdite, tandis que la mesure adoptée à son issue le serait normalement, mais est couverte par l'exception. Ce qui nous amène à conclure que les mesures non coercitives ne sont jamais des interventions. Ceci est parfaitement cohérent si on considère qu'il ne s'agit pas des mesures contraignantes, premier élément constitutif de l'intervention prohibée selon une décision de la C.I.J. (voir supra, p.31)((*)69). L'article sous examen donne donc une définition implicite de la notion de contrainte en renvoyant aux mesures coercitives du chapitre VII de la charte. Mais dans la pratique, comment distinguer les mesures coercitives des mesures non coercitives ? Les enseignements de la C.I.J dans son avis consultatif du 20 juillet 1962 dans l'affaire de certaines dépenses des N.U. apportent une grande lumière. En effet, en vertu de l'art. 11 de la charte, l'Assemblée générale ne peut prendre aucune « action », mesure qui reste l'apanage du conseil de sécurité. Dans cet avis, la cour précise que l' « action » qui est mentionnée dans cette disposition équivaut en réalité à toute mesure coercitive. Autrement dit, l'Assemblée générale peut uniquement adopter des mesures non coercitives, et doit transmettre au conseil de sécurité tout autre type d'actions. En évoquant ensuite les actions qui peuvent être prises par l'Assemblée générale, la cour définit donc indirectement les mesures coercitives. La cour décide en tenant compte de la compétence octroyée à l'Assemblée générale par la charte de discuter de certaines questions et de faire des recommandations que l'obligation de transférer toute « action » prévue à l'art. 11 ne peut avoir trait à des recommandations que l'Assemblée générale pourrait faire, et que « c'est donc au conseil de sécurité qu'est dévolu le pouvoir d'imposer l'obligation explicite de se conformer aux ordres qu'il peut émettre au titre du chapitre VII »((*)70). Sur base de ces passages, et de l'avis de l'instance judiciaire internationale en général, on peut conclure que le critère qui permet de conclure au caractère coercitif d'une mesure est le passage d'une simple recommandation à un véritable ultimatum. Finalement, une action est coercitive lorsque son auteur cesse de discuter, de s'informer, de demander, de prier ou de recommander pour commencer à exiger, en assortissant éventuellement son injonction de menaces. Peu importe le caractère politique, économique ou diplomatique de l'action envisagée. Au terme de cet examen de l'art.2 par 7, on arrive donc à une définition de la contrainte, par l'intermédiaire de la notion de « mesures coercitives » qui y est contenue. A contrario, une mesure non contraignante peut être définie comme une mesure tendant à faire des recommandations, à discuter, à s'informer, à demander, à prier ou à recommander sans rien exiger et sans assortir ses démarches de menaces ou d'un ultimatum, peu importe le caractère politique, économique ou diplomatique de l'action envisagée. C'est cette définition que nous allons tenter de confronter à la jurisprudence. * (67) C.I.J., affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, § 205. C'est nous qui soulignons. * (68) O.Corten et P.Klein, op.cit, p.18. * (69) Ainsi, l'adoption des mesures non contraignantes permise au Conseil de sécurité l'est aussi aux Etats en vertu du principe contenu à l'article 2 § 7. Sur l'étendue de ce dernier, voir supra, pp.23-25. * (70) C.I.J, Affaire de certaines dépenses, avis consultatif du 20 juillet 1962. |
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