L'implication de la communauté internationale dans les processus de démocratisation en Afrique. Le cas du Cameroun( Télécharger le fichier original )par Jean Marcel ILUNGA KATAMBA Université de Kinshasa - Graduat 2004 |
§2. LES EXCEPTIONS ADMISES PAR LE DROIT INTERNATIONAL AU PRINCIPE DE NON-INTERVENTIONLe principe de non-intervention n'est pas un principe absolu, car il admet des exceptions. Ces dernières sont clairement définies par le droit international. En matière d'intervention en faveur de la démocratie, il s'agit très précisément des limitations à la libre élection du système politique et de la protection universelle et régionale des droits de l'homme. A. Les limitations à la libre élection du système politiqueDepuis quelques années, on note une activité normative des Nations Unies tendant à limiter la liberté des Etats et de leurs peuples à choisir et déterminer librement leur type d'organisation politique. Plus précisément, par la résolution 45/150 du 18 décembre 1990 intitulée « renforcement de l'efficacité du principe d'élections périodiques et honnêtes », l'Assemblée générale des Nations Unies « déclare que pour déterminer la volonté du peuple, il faut un processus électoral qui donne à tous les citoyens des chances égales de devenir candidats et de faire valoir leurs vues politiques, comme le prévoit la constitution et la législation nationales ». Cette résolution ne fait que préciser l'affirmation contenue dans l'art.21 par.3 de la D.U.D.H : « La volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs publics. Cette volonté doit s'exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote»((*)57). Le pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que celui relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, donneront une dimension contraignante au principe énoncé à l'art. 21 par. 3 de la D.U.D.H((*)58). Il apparaît clairement qu'une limitation est apportée par le droit international général à la libre élection du système politique. Pourtant, les critères libéraux de la tenue d'élections ne sont pas totalement sortis de la catégorie des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un Etat. C'est dans cette optique que l'Assemblée générale des N.U. avait fait preuve d'une réticence instinctive en se montrant particulièrement attentive au « respect des principes de la souveraineté nationale et de la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats en ce qui concerne les processus électoraux », dans sa résolution 45/151 du 18 décembre 1990. Plutôt que d'être contradictoires, fait remarquer le professeur Sayeman BULA-BULA, les résolutions 45/150 et 45/151 se complètent de manière théoriquement harmonieuse((*)59). Le professeur BULA-BULA conclut que c'est « dans le cadre des principes fondamentaux régissant les relations internationales, à savoir l'égalité souveraine des Etats et la non-ingérence dans les affaires intérieures, l'égalité des droits des peuples et leur droit à disposer d'eux-mêmes, y compris le libre choix du système politique, économique, social et culturel, ..., que doivent se réaliser des élections libres et authentiques »((*)60). C'est dire que tout en veillant au respect des principes de l'égalité souveraine des Etats et du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, le droit international limite le droit à la libre élection du système politique, économique, social et culturel en « exigeant » que la volonté du peuple souverain soit à la source de tout pouvoir du gouvernement, c'est-à-dire que ce dernier soit issu des élections libres et honnêtes. En effet, c'est par l'organisation des élections libres, honnêtes et ouvertes à tous que doivent se réaliser le droit des peuples constitués en Etat à disposer d'eux-mêmes. C'est grâce à cette légitimité fondée sur le droit international - et non sur le droit constitutionnel comme le prônait la doctrine Tobar - que la communauté internationale dans le cadre ou avec l'autorisation de l'O.N.U., mène certaines actions soit pour aider à asseoir la démocratie soit pour exiger qu'un Etat embrasse la démocratie((*)61). C'est dans ce cadre que les N.U. ont contrôlé à maintes reprises l'organisation d'élections à l'intérieur d'un Etat dont la situation pouvait laisser croire que celles-ci ne s'y dérouleraient pas régulièrement. Tel fut le cas du Nicaragua en 1989. L'implication de la MONUC dans la préparation des élections en RDC s'inscrirait aussi dans ce cadre. Le type de régime prôné par la communauté internationale à travers l'O.N.U. doit répondre à un impératif : protéger les droits de l'homme. * (57) Le texte de la DUDH n'est pas un traité à caractère coercitif. Elle n'est qu'une déclaration ayant eu la forme d'une résolution de l'Assemblée générale des N.U. Elle exprime un idéal à atteindre et non un ensemble de règles qui s'imposent aux gouvernants. Cependant, à travers les années, elle a acquise, de par la force morale des principes qui la sous-tendent, la dignité d'un ensemble de règles du droit coutumier des droits de l'homme. Voir KEBA MBAYE, Les droits de l'homme en Afrique, Paris, Pedone, 1992, p.78. * (58) Voir les articles 1, 19 al. 1 et 2, 21, 22, al. 1 et 25 litera a et b. * (59) S. BULA-BULA, «l'idée d'ingérence... », op.cit, p.29. * (60) Idem. * (61) A.MAMPUYA K.T., op.cit, p.54-55. |
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