la situation du mineur en droit positif ivoirien au regard de la convention sur les droits de l'enfant et de la charte africaine sur les droits et le bien-être de l'enfant( Télécharger le fichier original )par Aka Georges AMASSI université d' Abidjan Cocody - Diplome d'Etudes Approfondies 2005 |
Paragraphe II : Une procédure spécialeLorsqu'un mineur est impliqué dans une cause, son traitement en terme de procédure doit différer de celui du majeur. C'est en substance ce que recommandent l'article 40 al 3 de la convention sur les droits de l'enfant. Bien que préexistant à cette recommandation, la législation ivoirienne semble l'observer (art.766 et suiv. du C.P.P). Car, devant les juridictions spéciales instituées pour les mineurs, la procédure suivie est plus ou moins aussi spéciale. Cette spécificité de la procédure en faveur du mineur s'observe notamment en matière d'instruction (A). Et tout au long de la procédure allant jusqu'à la condamnation ou à la relaxe ou acquittement du mineur, la publicité des débats est interdite ou réduite (B). A- La spécificité de la procédure d'instruction La connaissance de la personnalité du mineur impliqué dans une cause est très fondamentale et constitue de ce fait une exigence pour le juge des enfants. Elle permet de prendre des mesures idoines nécessitées par sa situation. C'est sûrement à cause de cette nécessité qu'il est permis au juge des enfants de procéder à des enquêtes par voie officieuse (art.769 al 2 in limine du C.P.P), c'est-à-dire sans formalisme particulière. Cette connaissance nécessite une enquête et des investigations approfondies est souvent longue. IL y a de ce fait des procédures qui ne peuvent être appliquées au mineur. Ainsi, la procédure de flagrant délit et la citation directe ne peuvent être suivies contre le mineur (art.766 al 2 C.P.P). Ces deux procédures sont jugées trop expéditives et donc ne peuvent permettre une véritable connaissance de la personnalité du mineur. Aussi, la méconnaissance de cette disposition emporte l'infirmation ou la cassation de la décision rendue118(*). C'est dire en somme que l'instruction est obligatoire en matière criminelle et délictuelle à l'égard du mineur contrairement au cas de l'adulte où le caractère obligatoire ne s'observe qu'en matière criminelle et seulement en matière délictuelle lorsque la loi le prévoit expressément (art.77 du C.P.P). Par ailleurs, compte tenu de l'inaptitude du mineur à opérer un véritable discernement et à se défendre tout seul, lorsque des poursuites sont engagées contre lui ses parents ou gardiens doivent être informés selon l'article 770 al 1 du code de procédure pénale. Aussi, ceux-ci doivent-ils lui choisir un avocat ou à défaut le juge des enfants désigne ou en fait désigner un par le bâtonnier (art.770 al 7 C.P.P) c'est en substance ce que prescrivent l'article 17-c-iii de la charte et l'article 40-b-ii de la convention. S'il n'y a pas possibilité de désigner un avocat parce qu'il ne réside d'avocat dans la juridiction, un défenseur est choisi pour le mineur parmi les personnes présentant les garanties désirables (art 770 al 1 et 2 du CP.P.). Lesquelles garanties vont de la connaissance de la loi à l'intérêt que porte cette personne à la question de l'enfance. L'assistance de l'enfant par un avocat peut avoir lieu depuis la phase policière de l'enquête. Cette assistance a été instituée en faveur de tout individu119(*). Cependant à l'endroit du mineur plus qu'une faculté, cette assistance doit être un droit et doit de ce fait être expressément affirmée120(*). Tout ceci répond au souci de ne pas voir la dignité du mineur bafouée durant l'instruction mais de s'assurer que toutes les garanties légales qui lui sont accordées, sont observées. Le législateur ivoirien pour mieux assurer le bon traitement du mineur pendant la phase policière de l'instruction a crée une brigade des mineurs dont la compétence est de traiter de toutes les affaires concernant les mineurs, les mineurs délinquants mais aussi les mineurs victimes121(*). Cependant, cette brigade spéciale n'intervient que sur le territoire d'Abidjan, et les agents qui en font partie n'ont pas une formation spéciale sur les questions de l'enfance pas plus que les autres agents dans les commissariats et les gendarmeries. De la sorte, il n'est pas rare de constater que les mineurs arrêtés ou interpellés par ces structures fassent l'objet de pratiques traumatisantes et humiliantes122(*). Alors que les contacts entre les services de répression et le jeune délinquant doivent être établis de manière à favoriser son bien-être et à éviter de lui nuire123(*). Le mineur peut il faire l'objet de garde à vue et de détention préventive ? Le législateur ivoirien ne prévoit pas expressément de disposition quant à la garde à vue du mineur contrairement à son homologue français124(*). A défaut de disposition spéciale, nous pensons que c'est le droit commun de la garde à vue qui s'applique et d'ailleurs c'est ce que la pratique donne de constater. Dans tous les cas, le mineur doit comparaître dans le délai de quarante huit heures au plus tard devant le juge des enfants ou le tribunal pour enfants125(*). C'est dire que si le mineur doit faire l'objet de garde à vue, elle ne peut excéder quarante huit heures. Quant à la détention préventive, le mineur ne peut en faire l'objet que de façon exceptionnelle. En effet, pendant l'instruction, lorsque les circonstances et la personnalité du mineur l'exigent, celui-ci peut faire l'objet de mesures de garde provisoire qui vont de sa remise provisoire à ses parents à sa remise à un établissement ou institution de formation professionnelle ou de soin126(*). La mesure de garde est toujours révocable et peut être dans le cas échéant exercée sous le régime de la liberté surveillée. Cependant, lorsque la détention préventive apparaît indispensable ou lorsqu'il est impossible de prendre toute autre, mesure, le mineur de plus de treize ans peut être placé dans une maison d'arrêt, dans un quartier spécial, ou à défaut dans un local spécial c'est-à-dire qu'il doit être séparé des majeurs. Quant au mineur de treize, il ne peut faire l'objet d'une telle mesure que par ordonnance motivée du juge des enfants et s'il y a prévention de crime127(*). L'on a voulu ainsi éviter au mineur les traumatismes psychologiques et les contacts négatifs avec les adultes que cette mesure peut entraîner. Mais pour que le mineur puisse bénéficier de ces différentes dispositions instituées à son endroit, encore faut-il que sa qualité de mineur soit établie. Cette qualité ne peut être établie que par certains documents dont le législateur accorde une importance certaine à leur production. Ce sont notamment les pièces d'état civil ou jugement supplétif ou tout document corroboré par une expertise médicale (art.760 du CP.P). Si ces documents n'ont pu être produits immédiatement par les parents, l'officier d'état civil peut être requis pour la délivrance. Dans ce cas il doit s'exécuter dans le mois de la réception de la réquisition sous peine d'amende sauf excuse jugée valable128(*). Ceci souligne encore toute l'importance et la nécessité qu'il y a d'enregistrer ou de déclarer les naissances à l'état civil aux fins d'établissement de l'acte d'état civil de l'enfant. La production des documents attestant la qualité de mineur est d'autant plus importante que la non détermination de son âge réel peut lui être préjudiciable129(*). La spécificité de la procédure se poursuit tout le long de celle-ci notamment par la réduction ou l'interdiction de la publicité des débats. B- L'interdiction ou la réduction de la publicité des débats d'audience
La personnalité fragile du mineur peut ressentir un véritable choc psychologique lors de sa comparution en justice, se traduisant chez les uns par un sentiment de honte difficile à effacer, chez les autres par une attitude de bravade peu faite pour ouvrir la voie à une rééducation130(*). Dès lors, la vie privée du mineur ne peut être divulguée n'importe comment et doit être protégée. L'intérêt du mineur exige donc que les renseignements sur sa psychologie et sur sa famille ne soient pas livrés en pâture à des tiers. C'est en substance ce que prescrit l'article 40 al 2 b-vii de la convention sur les droits de l'enfant. C'est en cela que, le législateur ivoirien a entrepris de restreindre la publicité des audiences et d'interdire la publication des comptes rendus des procès des mineurs dans la presse par l'article 782 al 4 du code de procédure pénale. A cet effet, sont seuls admis à assister aux débats du procès du mineur, les proches parents, les tuteurs ou le représentant légal, les membres du barreau etc (art.782 al 2 du C.P.P). Aussi, le président du tribunal peut-il à tout moment ordonner que, même les témoins se retirent après leur audition (art.782 al 3 du C.P.P). Cette mesure de restriction de la publicité des débats s'observe devant toutes les juridictions du jugement : tribunaux pour enfants131(*), la cour d'assise des mineurs132(*). Lorsque le juge des enfants doit rendre un jugement après son investigation, il doit le faire en chambre de conseil133(*). Même les tribunaux de police qui ne sont pas des tribunaux spéciaux sont astreints à cette mesure134(*). Outre la restriction de la publicité des débats, une interdiction formelle est édictée en ce qui concerne la publication des comptes rendus des tribunaux pour enfants dans les livres, la presse, la radiophonie, la cinématographie ou tout autre mode sur le fondement de l'article 782 al 4 du code précité. Le législateur va plus loin dans la protection du mineur en interdisant tout test ou illustration concernant l'identité et la personnalité du mineur. Cette interdiction est punie d'amende et même d'emprisonnement en cas de récidive (art.782 al 5 du C.P.P). Dans tous les cas cette infraction est une contravention. Quant au jugement, lui-même, bien que rendu en audience publique, en présence du mineur, il ne peut pas être publié avec la mention du nom du mineur (art.782 al 6 du C.P.P). Toutes ces mesures, juridictions et procédures spéciales à l'endroit du mineur dénotent toute la volonté du législateur ivoirien à accorder une place et importance prépondérante aux questions de l'enfance. Cette volonté se manifeste encore à travers les règles de fond. * 118 C.A de Bouaké chbre corr.28 Mai 1999, CNDJ, rec. CAT 2000 N°1 * 119Art.1 et 2 de la loi N° 98-747 du 23 Déc. 1998, J.O.R.C.I 1999 modifiant la loi n°60-366 du 14 décembre 1960 portant code de procédure pénale, telle modifiée par la loi n°96-746 du 29 août 1996 * 120 En terme de droit comparé voir ordonnance française de 1945 précitée, art. 4-1 al1 * 121 Arrêté N°455/MSI/D6SN du 19 Déc. 1981 J.O.R.C.I 1981 * 122 BICE, recueil sur la minorité précité p 24 * 123 Art10.3 règles de Beijing, op. Cit. p219 * 124 Voir ordonnance français de 1945 précité art 4 * 125 Art 802 C.P.P * 126 Art.770 al 4 du C.P.P * 127 Art. 771 du C.P.P * 128 Art.761 du C.P.P * 129 C.A de Bouaké 28 Mai 1999 précité, ici l'âge du mineur a été mal calculé malgré la délivrance de son acte de naissance. Né le 16 Novembre 1980, la cour lui attribut à la date du 8 Mars 1996, date des faits reprochés, 17 ans 4 mois , au lieu de 15 ans et presque 4 mois. * 130 Merle (R), Vitu (A), op. cit. p770 * 131 Art.782 du C.P.P * 132 Art. 777 al. 2 du C.P.P * 133 Art. 772 du C.P.P * 134 Art. 788 du .C.P.P |
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