INTRODUCTION GÉNÉRALE
Le développement durable se définit selon la
WORLD COMMISSION ON ENVIRONMENT DEVELOPMENT (1987) comme
« un développement qui réponde aux besoins du
présent, sans compromettre la capacité des
générations futures de répondre aux leurs ». Cette
définition, largement employée et acceptée, est un
véritable défi posé pour la gestion et le traitement de
certains effluents issus des activités humaines dont les rejets liquides
hospitaliers. Le retard sur le plan scientifique de technologies permettant une
maîtrise efficace des polluants existant dans ces rejets ne fait
qu'augmenter les inquiétudes.
Depuis la fin du siècle dernier se pose au niveau
mondial, le problème de la rareté de l'eau douce. Parmi les
options techniques considérées, le traitement des eaux
usées pour d'éventuelles réutilisations semble un
objectif. Dans cette perspective, la problématique des effluents
hospitaliers devient de plus en plus importante puisqu'elle se place dans le
contexte de la faible potentialité du traitement par les stations
d'épuration (STEP) de certaines substances chimiques d'origine
hospitalière. En effet, le dosage des polluants d'origine
hospitalière montre que certaines substances, particulièrement
les composés organohalogénés et les résidus de
médicaments, quittent le plus souvent les STEP presqu'inchangés
(RICHARDSON et BOWRON, 1985; GARTISER et
ai, 1996; KOMMERER et al, 1997;
HALLING-SORENSEN, 1998; SPREHE et al, 1999).
La charge polluante des effluents hospitaliers provoque dans
les STEP communales des effets de saturation qui se traduisent finalement par
un relargage de polluants dans le milieu naturel.
Ces déficiences des mécanismes
d'épuration des composés chimiques se juxtaposent à la
mise en évidence de germes pathogènes multirésistants aux
antibiotiques dans les rejets liquides des établissements de
santé.
Par ailleurs, dans de nombreux pays en développement
(PED), les effluents liquides hospitaliers générés par les
communautés sont rejetés directement dans le milieu
récepteur (les cours d'eau ou les sols) le plus souvent sans aucun
traitement au préalable.
Les activités de services médicaux,
vaccinations, recherches médicales incluant les essais diagnostiques,
traitements et examens de laboratoire, protègent, rétablissent la
santé et sauvent des vies (OMS, 2000). Les récents progrès
enregistrés, plus particulièrement dans les pays
industrialisés, dans le domaine des sciences de la santé
(transplantation d'organes, hémodialyse, radiologie, laboratoires de
hautes technologies, pro-création) renforcent les soins sanitaires dans
leur triple fonctionnalité et traduisent parallèlement la
capacité des spécialistes du domaine médical de soigner et
d'augmenter notre espérance. En dépit de ces percées
remarquables, ce domaine n'échappe pas, lui non plus, au double
processus «d'appropriation-désappropriation» qui
caractérise toute activité technique (BLANC, 1999). La production
de biens et de services de santé nécessite la mobilisation de
ressources naturelles (exploitation de milieux naturels).
Comme cela se présente dans toutes les chaînes d'activités
humaines, les soins médicaux génèrent des déchets
solides, des rejets liquides et effluents gazeux, et donc provoquent des
transferts de polluants vers les milieux naturels pouvant compromettre
l'équilibre biologique des écosystèmes aquatiques.
Par ailleurs les eaux usées produites par les
établissements de soins peuvent servir de vecteur aux agents de
transmission des infections nosocomiales. En effet, il a été
observé dans les pays développés, au cours des
années 1980, l'apparition de nouvelles maladies infectieuses
contractées au cours d'un séjour dans un établissement de
soins. Ces infections sont inévitables dans bien des cas et relativement
fréquentes : on estime en France que 7% des patients présentent
une infection nosocomiale. Les statistiques des autres pays
développés font état d'un pourcentage variant de 5
à 12%. Ces infections présentent divers degrés de
gravité et constituent un important enjeu de santé publique
(MINISTERE DE LA SANTE, 2002). En Haïti, aucune
statistique n'est encore publiée sur la prévalence de ces
infections. Il paraît tout à fait évident, dans le cadre
des programmes de coopération scientifique internationale entre la
France et les pays en développement (PED), d'initier une
réflexion sur la problématique des infections nosocomiales en
incluant celle des rejets hospitaliers de ces pays.
Les différents problèmes résultant des
rejets liquides des services de santé suscitent, chez les scientifiques,
un questionnement sur le devenir des polluants hospitaliers dans
l'environnement et sur la nécessité de développer des
outils de gestion durable des eaux usées de ces établissements.
La mise en oeuvre d'essais d'écotoxicité montrent que les
effluents hospitaliers ont souvent une toxicité
élevée (LEPRAT, 1998 ;
JEHANNIN, 1999, EMMANUEL et al.,
2001). Les résultats des tests de mutation génique
indiquent que les effluents des services cliniques et des laboratoires
hospitaliers présentent un caractère génotoxique (GARTISER
et ai, 1996). Ces résultats confirment
l'existence de substances dangereuses dans les effluents hospitaliers. Les
risques liés à l'existence de ces substances deviennent un objet
de recherche pertinent du fait du rejet d'énormes quantités
d'eaux usées hospitalières contenant ces produits, et d'autant
plus que ces substances peuvent connaître diverses évolutions
physiques, chimiques et biologiques.
L'objectif de cette thèse a été
l'élaboration d'une méthodologie permettant une meilleure
compréhension des effets des polluants hospitaliers sur la santé
humaine et sur celle des écosystèmes.
Dans un premier temps nous présentons une étude
bibliographique sur les effluents hospitaliers. L'objectif de cette partie est
de synthétiser les informations sur la caractérisation
biologique, physico-chimique et écotoxicologique des rejets liquides
provenant des établissements de santé en ayant pour objectif de
sélectionner quelques paramètres représentatifs qui seront
ensuite mesurés sur des effluents spécifiques.
Pour une meilleure élaboration des scenarii
résultant de l'exposition des espèces vivantes aux polluants des
services médicaux, nous présentons de manière
synthétique les méthodes d'évaluation des risques
sanitaires et environnementaux.
Pour l'élaboration de la méthodologie
proposée pour évaluer les risques sanitaires et
écotoxicologiques liés aux effluents hospitaliers, deux scenarii
sont considérés :
· un premier scénario décrivant un mode
d'élimination des rejets liquides couramment observé dans les
pays en développement. Ce scénario a été
étudié sur les effluents liquides d'un hôpital de la ville
de Port-au-Prince, Haïti;
· un scénario décrivant un mode
d'élimination des rejets liquides couramment observé dans les
pays industrialisés. Ce scénario a été
étudié sur les rejets liquides des hôpitaux de la ville de
Lyon, France.
La méthodologie élaborée pour
l'évaluation des risques sanitaires a été appliquée
pour l'hôpital de Port-au-Prince, tandis que celle élaborée
pour l'évaluation des risques écotoxicologiques a
été appliquée sur les effluents hospitaliers de la ville
de Lyon.
Cette thèse s'inscrit dans le cadre d'une
réflexion commune sur la toxicité et l'écotoxicité
des effluents hospitaliers entamée conjointement par le LAEPSI de l'INSA
de Lyon, le L.S.E. de l'Ecole Nationale des Travaux Publics de l'Etat et
l'Unité de Toxicologie et de Métabolisme Comparé des
Xénobiotiques de l'Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon.
Cette réflexion entre dans une thématique de recherche commune
aux trois laboratoires et intitulée « écotoxicité et
impact des polluants vis-à-vis des écosystèmes aquatiques
».
Dans cette optique nous avons structuré notre travail de
la manière suivante :
· Le Chapitre I propose un état de l'art sur les
effluents hospitaliers incluant le contexte de production, la
caractérisation et les aspects réglementaires de ces rejets
liquides.
· Le Chapitre II décrit les méthodes
d'évaluation des risques sanitaires et environnementaux. Cette
synthèse bibliographique permet une meilleure compréhension de la
méthodologie élaborée ensuite.
· Le Chapitre III présente la méthodologie
élaborée dans le cade de cette étude pour évaluer
les risques sanitaires et écotoxicologiques liés aux effluents
hospitaliers.
· Le Chapitre IV est consacré à
l'application de la méthodologie élaborée pour
l'évaluation des risques sanitaires aux effluents liquides d'un
hôpital se trouvant en milieu tropical semiurbanisé d'un
PED.
· Le Chapitre V applique la méthodologie
élaborée pour l'évaluation des risques
écotoxicologiques aux rejets liquides des hôpitaux se trouvant
dans une ville d'un pays développé tempéré. La
procédure d'évaluation des risques
écotoxicologiques ainsi que les résultats de son application sur
les effluents hospitaliers de la ville de Lyon sont présentés
dans l'article intitulé :
Ecotoxicological risk assessment of hospital
wastewater : a proposed framework for raw effluents discharging into urban
sewer network (Submitted to the "Journal of Hazardous Materials"--
december 200M.
Abstract : In hospital a variety of
substances are in use for medical purposes as diagnostics and research. After
application, diagnostic agents, disinfectants and excreted non-metabolized
pharmaceuticals by patients, reach the wastewater. This form of elimination may
generate risks for aquatic organisms. The aim of this study was to present (i)
the steps of an ecological risk assessment and management framework related to
hospital effluents evacuating into wastewater treatment plant (WWTP) without
preliminary treatment; and (ii) the results of its application on wastewater
from an infectious and tropical diseases department of a hospital of a big city
of the southeast of France. The characterization of effects has been made under
two assumptions, which were related to : (a) the effects of hospital wastewater
on biological treatment process of WWTP, particularly on the community of
organisms in charge of the biological decomposition of the organic malter; (b)
the effects on aquatic organisms. COD and BOD5 have been measured
for studying global organic charge. Assessment of organo halogenated compounds
was made using AOX (halogenated organic compounds absorbable on activated
carbon) concentrations. (3) Heavy metals (arsenic, cadmium, chrome, copper,
mercury, nickel, lead and zinc) were measured. Low MPP (most probable number)
for faecal bacteria has been considered as an indirect detection of antibiotics
and disinfectants presence. For toxicity assessment, bioluminescence assay
using Vibrio fischeri photobacteria, 72-h EC50 algae growth
Pseudokfrchneriella subcapitata and 24-h EC50 on
Daphnia magna were used. The scenario allows to a semi-quantitative
risk characterization. It needs to be improved on some aspects, particularly
those linked: to long term toxicity assessment on target organisms
(bioaccumulation of pollutants, genotoxicity, etc.); to ecotoxicological
interactions between pharmaceuticals, disinfectants used both in diagnostics
and in cleaning of surfaces, and detergents used in cleaning of surfaces ; to
the interactions into the sewage network, between the hospital effluents and
the aquatic ecosystem.
Keywords : Hospital wastewater,
ecotoxicological risk assessment, pharmaceuticals, disinfectants, toxicity
· Le Chapitre VI traite de la toxicité des
principaux désinfectants utilisés dans les hôpitaux,
vis-à-vis des organismes aquatiques. Il comprend deux publications.
N° 1 : Toxicological effects of sodium
hypochlorite disinfections on aquatic organisms and its contribution to AOX
formation in hospital wastewater (Accepted/ to "Environment
International"-- october 200.3)
Abstract : Sodium hypochlorite (NaOCI) is
often used for disinfecting hospital wastewater in order to prevent the spread
of pathogenic microorganisms, causal agents of nosocomial infectious diseases.
Chlorine disinfectants in wastewater, react with organic matters to give rise
to organic chlorine compounds such as AOX (halogenated organic compounds
adsorbable on activated carbon), which are toxic for aquatic organisms and
persistent environmental contaminants. The aim of this study was to evaluate
the toxicity on aquatic organisms of hospital wastewater from services using
NaOCI in pre-chlorination. Wastewater samples from the infectious and tropical
diseases department of a hospital of a big city of the southeast of France were
collected. Three samples per day were done in the connecting well department at
9 A.M, 1 P.M. and 5 P.M. during eight days
from 13 March to 22 March 2001, and a mixture was made at 6 P.M.
with the three samples in order to obtain a representative sample for
the day. For toxicity test, the 24-h EC50 on Daphnia magna
and a bioluminescence assay using Vibrio fischeriphotobacteria
were used. Fecal coliforms and physicochemical analysis such as: Total
Organic Carbon (TOC), chloride, AOX, Total Suspended Solids (TSS) and Chemical
Oxygen Demand (COD) were carried out. Wastewater samples highlighted an
important acute toxicity on Daphnia magna and Vibrio fischeri
photobacteria. However, low mort probable number (MPN) ranging from <3
to 2400 for 100 mL were detected for fecal coliforms. Statistical analysis, at
a confidence interval of 95%, gave a strong linear regression assessed with r=
0,98 between AOX concentrations and EC50 (TU) on daphnia. The
identification of an ideal concentration of NaOCI in disinfecting hospital
wastewater, i.e. its NOEC (Non Observed Effect Concentration) on algae and
Daphnia magna, seems to be a research issue which could facilitate the
control of AOX toxicity effects on aquatic organisms. Therefore, it would be
necessary to follow-up at various dosages the biocide properties of NaOCI on
fecal coliforms and its toxicity effects on aquatic organisms.
Keywords : Sodium hypoclorite, AOX,
hospital effluents, toxicity, Daphnia.
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