III. Modèles généraux
d'évaluation des risques sanitaires et écologiques
III.1. Généralités
Une évaluation des risques se réalise à
partir de données existantes (les résultats des essais
d'écotoxicité normalisés existants dans la
littérature, en général les DL50 ou les NOEC),
de données générées pour les besoins de la cause
(les résultats de bio-essais ou les données
écoépidémiologiques) et d'outils méthodologiques
tels que les modèles mathématiques. L'expérimentation,
l'observation et la modélisation constituent les méthodes
adoptées pour la réalisation des évaluations de
risques.
Lorsque les risques visés par l'évaluation
prennent en compte la santé humaine, on parlera donc de
l'évaluation des risques sanitaires ou toxicologiques ;
lorsqu'ils ne concernent que l'évolution et l'équilibre
biologique des écosystèmes, dans ce cas de figure on en parle de
l'évaluation des risques écologiques ou
écotoxicologiques. La structure générale de la
démarche globale de l'évaluation des risques reste la même
pour l'un ou l'autre de ces deux aspects : schéma conceptuel,
évaluation des effets et de l'exposition, caractérisation des
risques (étape finale du processus où les risques et les
incertitudes associées sont estimés).
111.2. L'évaluation du risque
sanitaire
La NATIONAL RESEARCH COUNCIL (1983)
définit l'évaluation des risques comme l'activité qui
consiste à évaluer les propriétés toxiques d'un
produit chimique et les conditions de l'exposition humaine à ce produit,
en vue de constater la réalité d'une exposition humaine et de
caractériser la nature des effets qui peuvent en résulter.
L'objectif de cette démarche est de présenter de manière
explicite aux différentes autorités sanitaires, aux
entités chargés de la protection de l'environnement et à
toutes les parties concernées les éléments d'analyse sur
lesquels le prise de décision devra s'appuyer.
Le cadre méthodologique global de l'évaluation
des risques complète, sur l'aspect sanitaire, l'approche
épidémiologique et constitue de nos jours, l'outil le plus
approprié pour quantifier le risque sanitaire. La démarche
générale de l'évaluation du risque sanitaire s'articule en
quatre étapes: l'identification du danger, l'étude de la relation
dose-réponse, l'estimation de l'exposition, la caractérisation du
risque.
A chacune de ces étapes correspond en parallèle
une phase de recherche qui rassemble les données existantes, provenant
d'études antérieures ou les données spécifiquement
générées pour l'étude. Ce sont les résultats
des tests de toxicité sur l'animal (DL50, NOEL), les mesures
de concentrations de polluants dans les milieux et les données
épidémiologiques sur des populations exposées aux
polluants, si elles existent. Les résultats de trois opérations
précédentes sont combinés pour caractériser le
risque, c'est-à-dire décrire la nature et le niveau de risque
pour l'individu d'une
population humaine donnée. La figure 5 présente le
schéma général de l'évaluation des risques
sanitaires de la National Research Council.
RECHERCHE
|
ÉVALUATION DU RISQUE
|
GESTION DU RISQUE
|
|
|
|
Caractérisation
du risque (Quelle est l'incidence estimée de l'effet
négatif sur une population donnée?)
Prise de décisions réglementaires
Evaluation des conséquences sanitaires,
économiques, sociales et politiques des décisions
réglementaires
Décisions et actions réglementaires
Données de laboratoire ou observations indiquant des
effets négatifs ou l'exposition à certains agents
Identification du danger (l'agent est-il la cause de l'effet
négatif?)
_4.
Evaluation de la relation dose- réponse (Quelle est
la relation entre la dose et l'incidence
des effets sur l'homme?)
Information sur les méthodes
d'extrapolation (des doses fortes vers les doses faibles et de
l'animal vers
l'homme)
j
Données de terrain, estimation des expositions,
caractérisation des populations
Évaluation de l'exposition (Quelle est l'exposition
subie ou prévue, dans différentes
conditions?)
Figure 5 : Schéma général de
l'évaluation du risque sanitaire : le modèle de la
National Academy of Sciences (1983)
11.2.1. Identification du danger
Pour la réalisation de cette étape,
l'évaluateur de risques sanitaires se base sur des études
facilitant l'établissement d'une relation causale entre l'apparition
d'un ou de plusieurs effets indésirables sur un organisme vivant
après son exposition à une substance chimique, selon le
scénario (voie, intensité, durée) considéré
dans le cadre de l'évaluation.
BONVALLOT et DOR (2002)
considèrent qu'une substance dangereuse peut être responsable de
plusieurs dangers et atteindre différents organes pour une même
voie et une même intensité d'exposition. Dans ce contexte, l'effet
toxique qui est retenu est celui qui survient à la plus faible dose
et/ou le danger le plus sévère, d'ordinaire une tumeur ou une
hémopathie maligne pour ce qui est des expositions chroniques.
L'émission de plusieurs polluants par une source
imposent sur le plan méthodologique la prise en compte des interactions
possibles entre les divers constituants des effluents ou déchets
considérés. Ces interactions peuvent conduire, dans le cas d'une
relation synergique entre les polluants, à un effet
global supérieur à la somme des effets des
substances prises individuellement. Par contre dans le cas d'une relation
antagonique, ces interactions peuvent donner lieu à un effet global
inférieur à la somme de ceux des polluants
considérés individuellement. Par ailleurs, les différentes
substances en présence peuvent avoir des effets identiques qui
s'additionnent entre eux (additivité), ou des effets totalement
indépendants les uns des autres se juxtaposant sans interférence
(indépendance). En l'absence d'information spécifique sur le
mélange considéré, la littérature recommande de
considérer qu'il n'y a pas d'interaction entre les polluants en
présence (Mumuz, 1995). L'EPA (1989b) suggère, dans le cas
où les effets toxiques de plusieurs polluants sur un organe cible sont
identiques, une addition des risques.
Pour la sélection de substances chimiques devant faire
l'objet de l'évaluation du risque sanitaire, des modèles de
prédiction de la toxicité des substances ont été
développés à partir des essais d'écotoxicité
et des études pharmacocinétiques sur les animaux. Les
résultats de ces études ont permis de catégoriser les
effets indésirables des substances chimiques en deux grands groupes :
les effets non cancérogènes non mutagènes ou
effets à seuil ;
les effets cancérogènes et mutagènes ou
effets sans seuil.
Par ailleurs, les résultats de la mise en oeuvre des
essais d'écotoxicité sur les produits chimiques et les
études épidémiologiques réalisées sur des
groupes cibles ont permis à l'IARC (1987 et 1997) et à l'EPA
(1999) d'établir une classification sur le caractère
cancérogène des substances chimiques introduits sur le
marché. Le tableau 8 fournit les informations sur cette classification
et le tableau 9 détaille la démarche adoptée par l'IARC
pour la classification des substances chimiques.
Tableau 13: Classification du caractère
cancérogène des substances chimiques
Effets sur l'homme
|
IARC (1987 et 1997)
|
EPA (1999)
|
Cancérogène chez l'homme
|
1
|
A
|
Cancérogène probable chez l'homme
|
2A
|
Bl. et B2
|
Cancérogène possible chez l'homme
|
2B
|
C
|
Inclassable
|
3
|
D
|
Probablement non cancérogène
|
4
|
E
|
Tableau 14 : Démarche adoptée par l'IARC
pour la classification des substances chimiques
I
|
Cancérogène pour l'homme
|
II
|
Probablement cancérogène pour
l'homme
|
III
|
susceptible d'être cancérogène
pour l'homme
|
III A
|
les données épidémiologiques montrent une
cancérogénicité mais possibilité de biais
|
III B
|
les données épidémiologiques sont
insuffisantes, mais les études animales sont suffisantes et les tests de
génotoxicité sont positifs
|
III C
|
les données épidémiologiques sont
insuffisantes, les études animales sont suffisantes mais la
génotoxicité est négative
|
III D
|
la substance est cancérigène chez une espèce
animale seulement
|
IV
|
peu susceptible d'être
cancérogène pour l'homme
|
IV A
|
Les études épidémiologiques ne montrent pas
de cancégérogénicité et les études animales
sont limitées
|
IV B
|
les études épidémiologiques ne montrent
pas de cancégérogénicité, et les études
animales montrent une cancégérogénicité mais ce
sont des études sur les mécanismes de toxicité propres
à une espèce non pertinents pour l'homme
|
IV C
|
les études épidémiologiques sont
insuffisantes, et les études animales montrent une
cancégérogénicité mais ce sont des études
sur les mécanismes de toxicité propres à une espèce
non pertinents pour l'homme
|
IV D
|
Les études épidémiologiques sont
insuffisantes, les études animales ne
montrent pas de cancérogénicité
|
V
|
probablement non cancérogène
pour l'homme
|
V A
|
les études épidémiologiques ne montrent
pas de cancégérogénicité, les études
animales ne permettent pas de montrer une cancérogénicité,
les tests de génotoxicité sont négatifs
|
V B
|
les études épidémiologiques sont
insuffisantes, les études animales sont insuffisantes
|
V C
|
les preuves de cancérogénicité chez l'homme
sont insuffisantes, et les études animales démontrent l'absence
de cancérogénicité
|
V
|
inclassable
|
VI A
|
les données sont insuffisantes
|
VI B
|
il n'y a pas de données de
cancérogénicité
|
VI C
|
Les données sont discordantes entre l'animal et l'homme
(causes techniques non discernables)
|
11.2.2. Etude de la relation
dose-réponse
La relation dose-réponse, spécifique d'une voie
d'exposition (orale, cutanée ou respiratoire) est le lien existant entre
la dose de substance mise en contact avec l'organisme et l'apparition de
l'effet toxique jugé critique. Les valeurs toxicologiques de
référence sont du point de vue numérique les indices
adoptés pour quantifier cette relation.
11.2.3. Les valeurs toxicologiques de
référence (VTR)
Ce sont des indices toxicologiques élaborées
pour une voie d'exposition (orale, respiratoire ou cutanée) sur la
totalité de la vie d'un individu. Pour les VTR des substances non
cancérogènes, expérimentées pour des expositions
chroniques, CHOU et al (1998) considèrent que
la validité d'application commence à partir de la deuxième
année d'exposition, par contre l'EPA (1989b) note la parution des effets
chroniques à partir de 7 ans d'exposition.
Les VTR sont développés par des organisations
internationales , par exemple l'OMS et la FAO, ou par des structures nationales
(ATSDR, USEPA, Health Canada, AFNOR). Dans le cadre de l'évaluation des
risques sanitaires liés à l'eau destinée à la
consommation humaine, les normes de qualité de l'eau
élaborée au niveau local, régional ou international
peuvent aisément être utilisées pour des VTR.
Les VTR sont développées à partir du
postulat que les effets toxiques d'une molécule sur les animaux de
laboratoire sont supposés se produire chez l'homme dans des conditions
appropriées. En conséquence et du fait de la difficulté de
disposer d'études épidémiologiques pertinentes, les
études sur les animaux restent la source principale de données
toxicologiques. Au cours de ces expérimentations, le recours à
des doses élevées permet d'observer des signes manifestes de
toxicité, assurant une meilleure appréciation de l'organe
ciblée et d'un effet spécifique (BONVALLOT et
DOR, 2002). Dépendant des hypothèses
formulées sur les mécanismes d'action considérés
dans la survenue des effets toxiques, on distinguera des les effets à
seuil (déterministes) et les effets sans seuil (stochastiques).
11.2.4. VTR des effets à seuil
Un effet à seuil est un effet qui survient
au-delà d'une certaine dose administrée de produit. Pour toute
dose inférieure à celle administrée, le risque est
considéré comme nul. Les expériences
réalisées au laboratoire montre qu'au-delà du seuil,
l'intensité de l'effet croît avec l'augmentation de la dose
administrée. Les VTR des effets à seuil sont utilisées
pour les substances non cancérogènes.
Pour une voie d'exposition par ingestion, les VTR de
référence s'expriment en masse de substance par kilogramme de
poids corporel par jour (mg/kg pc/j). Elle s'exprime en masse de subtance par
mètre cube d'air (mg/m3) pour les voies d'exposition
respiratoire.
Les VTR des effets à seuil sont
développées sur la base d'un effet critique. Cet
élément est déterminant dans le développement d'une
VTR car il permet de fixer l'indicateur de toxicité retenu pour
l'étude et influence de ce fait le niveau de la dose critique
testée. Sa détermination requiert un jugement toxicologique
approfondi, afin de différencier les effets considérés
comme nocifs et ceux considérés comme adaptatifs.
11.2.5. Détermination des VTR des effets à
seuil
Pour le développement des VTR des effets à seuil la
démarche suivante est le plus souvent adoptée :
1. détermination de l'effet critique ;
2. détermination d'une dose critique à partir des
données observées (études épidémiologiques
chez l'homme ou études toxicologiques chez l'animal)
3. détermination, si nécessaire d'une dose
critique applicable à l'homme à partir d'un ajustement
allométrique. Cet ajustement n'est clairement appliqué que pour
la voie respiratoire (EPA, 1994 ; De RosA, 1999) ;
4. utilisation de facteurs d'incertidues (FI) et d'un facteur
modificatif (FM) pour obtenir un niveau d'exposition de sécurité
acceptable pour l'homme.
De façon très générale les VTR sont
déterminées à partir de l'équation suivante :
VTR = Dose critique / [(FI) x (FM)] Eq. 2
Les ajustements allométriques conduisent à
déterminer une « concentration équivalente humaine ».
Ils permettent de réduire la valeur des facteurs d'incertitudes relatifs
aux différences entre deux espèces qui seront ensuite
appliqués. Ils interviennent en amont des facteurs d'incertitude,
uniquement lorsqu'on détermine une VTR pour une exposition par
inhalation (De RosA, 1999 ).
Différents ajustements allométriques sont
effectués en fonction de la nature de l'agent inhalé (particule
ou gaz) et du site où sont observés les effets critiques
(respiratoires ou extra-respiratoires) conduisant à quatre
scénarii possibles (JARABEK et al, 1990). Pour
un gaz de faible solubilité dans l'eau, par exemple, de faible
réactivité au contact des tissus pulmonaires, et entraînant
un effet extrarespiratoires, le transfert entre l'air et le sang dépend
principalement du coefficient de partage « air : sang (2,,) ».
L'équation 2 donne la formule permettant de calculer l'ajustement
allométrique qui s'ensuit (JARABEK, 1995) :
NOAELHEc = NOAELA x 2A/2
Eq. 3
Où
NOAELHEc : Concentration équivalente humaine
NOAELA : Centration rapporté à 24 h sur
l'animal
A Animal
H Homme
L'EPA (1994) considère une valeur par défaut de 1
pour le coefficient de partage « air : sang (2) » entre l'homme et
l'animal.
11.2.6. VTR des effets sans seuil
Les effets sont par définition indépendant de la
dose administrée ou reçue. Ils apparaissent quelle que soit la
dose reçue. La probabilité de survenue croît avec la dose.
L'hypothèse classiquement retenue est qu'une seule molécule de la
substance toxique peut provoquer des changements dans une cellule et être
à l'origine de l'effet observé. L'Excès de Risque Unitaire
(ERU) et
« Inhalation Unit Risk» (IUR)
développé par l'EPA respectivement pour les voies d'exposition
orale et respiratoire sont des exemples de VTR des effets sans seuil.
11.2.7. Détermination des VTR des effets sans
seuil
L'EPA (1999) considère trois étapes dans le
développement des VTR des effets sans seuil :
1. la détermination d'une dose équivalente pour
l'homme ;
2. la modélisation des données
expérimentales ;
3. l'extrapolation vers le domaine des faibles doses,
associé au domaine des faibles risques.
L'objectif de la détermination de la dose
équivalente pour l'homme est la prise en compte des différences
toxicocinétique qui existent entre l'animal et l'homme lorsque la VTR
est construite à partir d'études chez l'animal, quelle que soit
la voie d'exposition considérée.
GAYLOR et al. (2000) proposent l'équation
suivante pour la détermination de la dose équivalente humaine
:
P
DEqH = d AXA X[7e
Eq. 4
70 PA j
Avec :
DeqH : dose équivalente humaine;
dA : dose administrée à l'animal;
PA : poids de l'animal (soit un poids standard de 0,034 kg pour
la souris et 0,34 kg pour le
rat)
70 : poids standard humain
La tranformation de l'équation en Excès de Risque
Unitaire (ERU) qui s'exprime en (mg/kg /j)-1, la formule devient
(GAYLOR et al., 2000):
p
DEqH = d Ax[ r
`tolj
|
Eq. 5
|
11.2.8. Estimation de l'exposition
L'estimation de l'exposition consiste à produire des
données descriptives sur les personnes exposées (âge, sexe,
caractéristiques physiologiques, éventuelles pathologies et
sensibilité ...) et les voies de pénétration des agents
toxiques. A ce stade, l'évaluateur doit quantifier la fréquence,
la durée et l'intensité de l'exposition à ces substances
pour chaque voie d'exposition jugée pertinente.
Cette étape qualitative et quantitative est la plus
complexe de l'évaluation du risque sanitaire. L'objectif de la
caractérisation de l'exposition est de relier la concentration de la
molécule toxique dans les différents vecteurs d'exposition aux
doses présentées aux trois voies d'exposition (orale,
cutanée et respiratoire). Il est recommandé à ce stade de
construire les scénarii d'exposition.
11.2.9. Caractérisation du risque
Cette étape comprend deux parties : l'estimation des
risques et l'analyse des incertitudes, dont une partie est assimilable à
la discussion qui s'organise autour de toute étude scientifique (INVS,
2000).
Les risques pour la santé humaine sont
déterminés de manière différente selon que le
danger est considéré comme survenant, on non, au-delà
d'une limite de dose (EPA, 1989b). On parle alors d'un quotient de danger (QD)
pour les effets toxiques répétés à seuil, qui n'est
autre que le rapport entre la dose moyenne journalière totale, ou la
concentration moyenne dans l'air pour la voie respiratoire, et la valeur
toxicologique de référence pour la voie d'exposition
considérée. Cette évaluation de risque est purement
qualitative. Elle permet d'avancer pour tout QD>1 que la population
exposée est en danger et pour tout QD<1 que la population est
théoriquement hors de danger.
Pour les effets toxiques répétés sans
seuil (effets cancérogènes et mutagènes)
l'évaluation du risque sanitaire est quantitative. La probabilité
d'occurrence du cancer pour la vie entière des sujets exposés est
appelée excès de risque individuel (ERI), lequel se calcule en
multipliant l'ERU par la dose moyenne journalière totale « vie
entière » ou la concentration moyenne « vie entière
» dans l'air. Le produit de ce risque par l'effectif (n) de la population
exposée donne l'excès de risque collectif (ERC) appelé
également « impact ».
L'incertitude globale entourant les estimations d'une
évaluation résulte de la variabilité de certains
paramètres de calcul et des défauts de connaissance. Compte tenu
de la grande amplitude des valeurs numériques d'une partie importante
des données d'entrée, et des manques d'information qui affectent
d'autres termes de calcul, il est utile de pouvoir fournir des estimations
basses, moyennes et hautes des risques calculés.
111.3. L'évaluation du risque
écologique
Le processus d'évaluation du risque écologique
est utilisé systématiquement pour évaluer et organiser des
données, des informations et des incertitudes permettant de comprendre
et de prévoir les rapports entre les stresseurs et les effets
écologiques de manière à faciliter la prise de
décision
environnementale. Une évaluation peut impliquer des
stresseurs chimiques, physiques, et/ou biologiques ; un et plusieurs peuvent
être impliqués et pris en considération (EPA, 1998).
Les évaluations de risques écologiques sont
développées dans un contexte de gestion des risques pour
évaluer les changements nocifs induits par l'homme sur les
écosystèmes. Dans cette perspective, ces directives se
concentrent sur des stresseurs et sur des effets nuisibles produits par
l'activité anthropique. La prise en compte de la nocivité est
importante parce qu'un stresseur peut causer des effets nuisibles sur une
composante de l'écosystème et n'avoir aucun effet pour d'autres
composantes. Les changements qui sont considérés comme
indésirables sont ceux qui modifient des caractéristiques
structurales et fonctionnelles des principales composantes des
écosystèmes.
Une évaluation de la nocivité peut inclure une
considération du type, de l'intensité, et du bilan de l'effet
aussi bien que les possibilités de récupération.
L'acceptabilité des effets nuisibles est déterminée par
les gestionnaires des risques. Bien que prévu pour évaluer des
effets nuisibles, le processus d'évaluation des risques
écologiques peut être adapté pour prévoir les
changements ou les risques salutaires des événements naturels
pour les écosystèmes (EPA, 1998).
Le processus d'évaluation des risques
écologiques se base sur deux éléments principaux : la
caractérisation des effets et de la caractérisation de
l'exposition. Ils fournissent les outils théoriques nécessaires
à la conduite des trois phases de l'évaluation des risques : la
formulation du problème, l'analyse et la caractérisation des
risques. La figure 6 reproduit le schéma général de
l'évaluation du risque écologique de l'EPA.
111.3.1. Formulation du problème
Le problème est présenté par le
gestionnaire du risque, qui peut être une instance réglementaire,
le responsable d'une activité polluante par ses rejets (effluents
liquides) ou la victime d'une pollution. Au cours de cette étape de
planification et de délimitation, l'unité d'évaluation du
risque écologique, représentée par l'évaluateur du
risque a pour objectif de préparer un modèle conceptuel (le
scénario). Ce modèle a pour fonction d'identifier :
· les stresseurs, les écosystème à
protéger, les éléments à risque (définition
des points finaux d'évaluation) ;
· les échelles spatiales et temporelles des
phénomènes, les approches utilisées (tests de
toxicité, bio-essais,...) ;
· les données factuelles nécessaires.
Ce modèle aide à sélectionner les points
finaux de mesure. L'EPA (1992a) reconnaît que le jugement est
nécessaire pour une sélection rationnelle des différents
points finaux, condition essentielle pour le bon déroulement de
l'opération. Ce modèle comprend également un
scénario d'exposition, c'est-à-dire une description qualitative
des relations entre le stresseur et les constituants
écologiques. Cette phase initiale de formulation du
problème sert de base pour réaliser la phase suivante, la phase
d'analyse.
111.3.2. Analyse
Cette phase comprend deux opérations parallèles :
« la caractérisation de l'exposition et la caractérisation
des effets écologiques ».
a. caractérisation de l'exposition
Elle consiste à déterminer les
possibilités de contact spatio-temporel entre le stresseur et le
récepteur. Cette détermination se fait à partir des
résultats des analyses chimiques ou de la modélisation des
concentrations des stresseurs dans l'environnement. Il faudra également
définir les populations exposées et leurs points de contact avec
le polluant.
b. caractérisation des effets
écologiques
Elle se base sur les essais de toxicité et
d'écotoxicité réalisés sur différentes
espèces animales ou végétales. Les données
éco-épidémiologiques disponibles sur les espèces
domestiques ou sauvage exposées à la pollution environnementale
(organismes sentinelles) sont également importantes pour la
caractérisation de l'exposition. Ces valeurs et ces informations se
trouvent dans les bases de données existantes. Elles peuvent être
extrapolées (utilisation de modèles mathématiques) ou
encore générées dans le cadre de l'étude par des
expérimentations spécifiques.
111.3.3. Caractérisation du risque
Des méthodes analytiques sont utilisées pour
combiner les résultats des deux phases précédentes :
· comparaison de valeurs uniques pour l'exposition et les
effets ;
· comparaison de distributions des expositions et des
effets ;
· utilisation de modèles de simulations.
Le risque écologique peut être exprimé de
différentes manières : qualitatives (absence ou non de risque),
semi-quantitatives (risque faible, moyen, élevé), en termes
probabilistes (le risque est de tant %). Un volet important de la
caractérisation du risque est de déterminer l'ampleur des
différentes incertitudes associées au résultat et de les
analyser.
Finalement, l'ensemble de ces informations est communiqué
au gestionnaire du risque qui prendra sa décision,
généralement après une analyse «
risque/bénéfice ».
La figure 6 présente le schéma
général révisé du modèle de l'EPA.
Planification (Discussion entre l'évaluateur du risque, le
gestionnaire du risque )
Evaluation du risque écologique
Formulation du problème
Caractérisation de l'exposition
Caractérisation des effets écologiques
w cn
cc C
<
Caractérisation du risque
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· 0, CD Y)
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a
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5.
=
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co c
À
Présentation des résultats au gestionnaire du
risque
Gestion du risque
Figure 6: Schéma général
d'évaluation du risque écologique : le modèle de l'EPA
(1992a)
111.4. Les modifications du schéma
général proposé par l'EPA en 1992
Les trois phases du schéma initial restent les
mêmes, cependant le processus et le produit de chacune de ces phases ont
été raffinés. Des formes géométriques sont
intégrées dans le modèle. Elles facilitent une meilleure
compréhension de la démarche. Des rectangles sont utilisés
pour indiquer les intrants, les hexagones indiquent les actions, et les cercles
représentent les résultats
FORMULATION DU PROBLEME
·
Intégration de l'information disponible
|
|
|
Caractérisation de l'exposition
Mesures de l'exposition
Mesures des caractéristiques
des écosystèmes et des récepteurs
Caractérisation des effets
écologiques
Mesures des effets
I
Analyse de l'exposition
___I L. ___I L.
CARACTERISATION DU RISQUE
|
<
Estimation du Risque lir
Description du risque
|
|
|
|
à
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Planification (Discussion entre
l'évaluateur du risque, le gestionnaire du risque et les
ayants droit)
A N A L Y S E
Profil de l réponse
......
des stresseurs
Présentation des résultats au gestionnaire du
risque
t
Gestion du risque et présentation des résultats
aux ayants droit
Figure 7: Schéma général
d'évaluation du risque écologique révisé (EPA,
1998).
Des changements mineurs sont également
effectués au niveau des termes caractérisant les «
boîtes » qui se trouvent à l'extérieur du grand
rectangle incluant les trois phases du processus d'évaluation des
risques (planification; présentation des résultats au
gestionnaire des risques; acquisition de données, itération du
processus, validation et suivi des résultats). Les nouveaux termes ont
été introduits pour souligner la nature itérative de
l'évaluation des risques. Les ayants droit ont été
ajoutés aux boîtes de gestion et de planification des risques pour
indiquer leur rôle croissant dans le processus d'évaluation des
risques (CommissioN ON RISK ASSESSMENT AND RISK MANAGEMENT,
1997).
Le nouveau diagramme de la formulation du
problème enregistre plusieurs changements. L'hexagone souligne
l'importance d'intégrer l'information disponible avant la
sélection des points finaux d'évaluation et l'élaboration
des modèles conceptuels. Les trois produits, résultant de la
formulation de problème sont enfermés dans les cercles. Les
points finaux d'évaluation sont présentés comme
étant l'élément clé devant conduire au
développement du modèle conceptuel.
Le modèle conceptuel reste un élément
central de la formulation du problème. Le plan d'analyse a
été ajouté comme un produit explicite de la formulation du
problème dans le souci de souligner la nécessité de
programmer l'évaluation et l'interprétation de données
avant que les analyses commencent.
Dans la phase d'analyse, le
côté gauche du diagramme montre la caractérisation de
l'exposition, tandis que le côté droit montre la
caractérisation des effets écologiques. Il est important que
l'évaluation de ces deux aspects de l'analyse soient un processus
itératif capable d'assurer la compatibilité des résultats
pouvant être intégrés dans la caractérisation des
risques. La ligne en points tirés et l'hexagone mettent l'emphase sur
cette itération. Les trois premières boîtes de la phase
l'analyse, introduites maintenant « mesures de l'exposition , mesures des
caractéristiques des écosystèmes et des récepteurs
, mesures des effets », fournissent les intrants pour les analyses de
l'exposition et des effets écologiques.
L'expérience réalisée dans l'application
de la caractérisation du risque telle que présentée dans
le schéma général de 1992 suggère la
nécessité d'apporter des modifications dans le processus.
L'estimation du risque nécessite l'intégration
de l'évaluation de l'exposition et des effets ainsi qu'une analyse des
incertitudes. Le processus d'estimation du risque décrit dans l'ancien
schéma sépare l'intégration et l'incertitude. L'objectif
de cette séparation était de mettre l'accent sur l'importance de
l'estimation du risque. Cette séparation n'est plus nécessaire
puisqu'il est explicitement conseillé maintenant dans presque toutes les
méthodes de caractérisation du risque, de procéder
à l'analyse de l'incertitude.
La description du risque est similaire au processus
décrit dans le premier schéma. La démarche proposée
pour la description de risque comprend les lignes d'évidence qui
soutiennent une causalité et une détermination du problème
écologique dû aux effets prévus ou observés. Les
considérations pour la présentation des résultats de
l'évaluation des risques sont également décrites.
111.5. La méthode de
l'écompatibilité
111.5.1. Définition de
l'écocompatibilité
L'écocompatibilité est définie comme
"une situation où les flux de polluants émis par les
déchets - lorsque ceux-ci sont placés dans un certain contexte
physique, hydrogéologique, physico- chimique et biologique - sont
compatibles avec les flux de polluants acceptables par les milieux
récepteurs du site concerné" (MAYEUX et PERRODIN,
1996). Cette définition, rapporte Perrodin et al.
(2000), souligne l'importance de la situation dans laquelle est
placée le déchet puisqu'il ne s'agit en aucun cas de se limiter
aux propriétés intrinsèques de celui-ci mais bien d'en
évaluer l'écocompatibilité dans un contexte particulier,
c'est-à-dire "en scénario". La figure 8 illustre de
manière globale et simplifiée la démarche de
l'écocompatibilité des déchets.
Eau ( (pluie, infiltration, ...)
|
|
F5 Fr
FcA FCB
|
Soit :
Le flux de polluants émis par le terme source
Le flux de polluants atteignant les milieux récepteurs
après transport
Le flux acceptable par le milieu aquatique Le flux acceptable
par le milieu sol
Les déchets en scénario sont
considérés écocompatibles si et seulement si :
FT FcA et FT
FcB
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
"Transport"
Terme
|
|
|
|
|
Figure 8 : Schéma général de
l'évaluation de l'écocompatibilité des déchets
(Mayeux et Perrodin, 1996)
La méthodologie générale de
l'écocompatibilité des déchets s'articule autour de la
caractérisation :
- des flux de polluants émis par le dépôt ou
l'ouvrage contenant les déchets, désignés dans la
méthode par l'appellation terme source,
- du transport de ces flux vers les milieux récepteurs,
désigné par l'appellation terme transport, - de l'impact
des flux de polluants atteignant les milieux récepteurs, appelé
terme impact.
La caractérisation du terme source est
généralement conduite dans le cadre d'une collaboration associant
des techniciens du traitement des déchets avec des spécialistes
du comportement à long terme des déchets à la lixiviation
(physico-chimistes, géotechniciens et microbiologistes du
déchet). La caractérisation du terme transport
nécessite au moins l'intervention d'hydrogéologues, de
géochimistes et de microbiologistes du sol. La caractérisation du
terme impact fait appel au minimum aux compétences de
biologistes spécialistes de la faune, de la flore, des micro-organismes
du sol et des milieux aquatiques (PERRODIN, 2000).
111.5.2. Origine de
l'écocompatibilité
L'écocompatibilité des déchets est
née de la philosophie d'un retour acceptable des déchets dans le
milieu naturel. Selon NAVARRO et al. (1994), les
pères de cette nouvelle réflexion sur la gestion des
déchets, l'oxydation totale des déchets organiques ou de
synthèse doit aboutir au dioxyde de carbone et à l'eau. Pour eux,
l'intégration des déchets aux cycles biogéochimiques doit
se faire sans entraîner de dysfonctionnements prévisibles ou
identifiables dans les écosystèmes.
Par ailleurs, les politiques de gestion des déchets
intègrent de plus en plus la maîtrise fine des impacts sur les
milieux pour fixer des contraintes environnementales associées aux
systèmes de traitement et de valorisation. Cette évolution prend
une dimension particulièrement sensible dès que les orientations
finales des déchets impliquent un contact direct et à long terme
avec le milieu naturel. Cela est notamment le cas de la valorisation des
déchets en travaux publics. Dans ce contexte l'ADEME a
développé une méthode pluridisciplinaire
d'évaluation de scénarios de stockage et de valorisation des
déchets qui intègre la connaissance du comportement des
déchets à long terme et prend en compte leurs impacts sur les
écosystèmes (MAYEux et PERRODIN, 1996).
FERRARI (2000) avance « Globalement,
l'écocompatibilité caractérise un déchet qui par sa
structure, sa nature, ses propriétés et son comportement peut
s'inscrire dans l'environnement en équilibre avec celui-ci sans affecter
la survie des espèces et mettre ainsi en péril l'équilibre
des communautés et le fonctionnement des écosystèmes. Par
exemple, un déchet classé dangereux ne pose problème
qu'à partir du moment où tout ou partie des substances qui le
composent migre dans l'air, dans le sol, dans les eaux de surface ou
souterraines, en dehors d'un compartiment confiné qui lui a
été attribué ».
111.5.3. Développement de la méthodologie
d'écocompatibilité : étude de scénarii
La première approche de la méthodologie globale
d'évaluation proposée s'appuie sur 3 concepts fondamentaux «
facteurs, paramètres et scénarios ». Pour la construction
des variables devant aboutir à la validation des hypothèses de
l'approche, PERRODIN (2000) souligne « cette
démarche se traduit notamment par :
1. la détermination de l'ensemble des facteurs reconnus
comme pouvant avoir une influence sur les différents termes
étudiés,
2. la détermination des paramètres de
caractérisation des différents termes à prendre en compte
pour l'évaluation de l'écocompatibilité,
3. la représentation des scénarios globaux de
valorisation ou de stockage sous la forme d'une combinaison de
sous-scénarios relatifs à chacun des termes étudiés
».
Ainsi pour chaque scénario d'EDR, la
méthodologie consiste dans un premier temps à identifier les
sous-scénarios et les facteurs d'influence permettant leur
caractérisation précise, puis à choisir les
paramètres pertinents à mesurer par des tests menés
à l'échelle laboratoire. Parmi les différents
scénarii qui ont été élaborés pour
expérimenter la méthodologie générale de
l'écocompatibilité des
déchets, la figure 9 présente un
scénario illustrant la percolation des déchets granulaires
(MIOM). Les principales caractéristiques de ce scénario sont
:
un mâchefer d'incinération d'ordures
ménagères déferraillé et maturé (de type
.v.,1) est
utilisé en remblai routier dans un site de
montagne (en contrebas d'un talus), il est soumis à la fois aux eaux de
pluie et aux eaux de ruissellement,
en contrebas de la route, une prairie reçoit par
ruissellement les effluents ayant percolé à travers le
déchet,
une rivière, également en contrebas, est
alimentée par une nappe souterraine acheminant les effluents ayant
percolé à travers le déchet, puis à travers un
sous-sol semi-perméable.
Bassin versant
Dépôt de déchets granulaires (A + B)
Prairie (C2
Transport (T)
sous-sol semi-perméable
Rivière Nappe
(Cl)
Figure 9 : Représentation schématique du
scénario 1 de la méthodologie
de l'écocompatibilité des déchets (PERRODIN et ai,
2000)
111.5.4. Contribution de la méthodologie «
Ecocompatibilité » à la gestion des déchets et
à la discipline de l'évaluation des risques
L'objectif de la méthodologie
générale de l'écocompatibilité des déchets
est la caractérisation de la toxicité potentielle des flux
polluants (notion de danger) issus des matrices déchets et la
définition de leurs conditions d'exposition sans effets néfastes
pour l'environnement (notion de risque) à partir de diverses
études expérimentales (MAYEux et PERRODIN, 1996 ; PERRODIN et
ai, 2002 ; CANNET et FRUGET, 2002). Comme pour toute évaluation
de risque, cette méthodologie s'est développé avec le
support de scénarii permettant la génération de
données à partir de modèles expérimentaux et
d'indicateurs in situ.
Contrairement à certaines méthodes
d'évaluation des risques, l'écocompatibilité n'est pas une
méthode théorique. Ses fondements se basent sur
l'expérimentation, de ce fait elle élimine les difficultés
qui se présentent le plus souvent entre la théorie et la
pratique. Elle se présente comme
'Mâchefers à faible fraction lixiviable, dits de
catégorie "V", valorisables en technique routière et dans
d'autres applications semblables (voir circulaire du 9 mai 1994 relative
à l'élimination des mâchefers d'incinération des
résidus urbains).
une évaluation prospective du risque. Se basant sur une
approche analytique du déchet en situation et sur la notion d'impact sur
les milieux récepteurs (MAYEUX et PERRODIN, 1996 ;
GOBBEY, 1999 ; FERRARI, 2000), la
méthodologie de l'écocompatibilité permet une prise de
décision basée sur des outils fiables de mesure et
d'évaluation (CANIVET et FRUGET, 2002) pour un
renforcement des conditions du stockage et de la valorisation des
déchets.
En dehors des scénarii qui ont été
étudiés dans le cadre du développement de la
méthodologie, le domaine l'écocompatibilité est a priori
très vaste (GoBBEY, 1999; FERRARI, 2000;
CANIVET et FRUGET, 2002).
111.6. La directive de l'Union
Européenne
Dans la Directive 67/548, l'Union Européenne a
procédé au classement des substances dangereuses en fonction du
plus haut degré de danger et de la nature spécifique du risque .
En les définissant comme étant toxiques, rémanentes et
ayant des caractères bioaccumulables, le règlement N° 793/93
de l'Union Européenne exige, au niveau des Etats membres, une
évaluation des risques sanitaires et écologiques de l'ensemble
des substances (notamment : les médicaments, les stupéfiants et
les substances radioactives) présentant des caractéristiques
dangereuses. Par ailleurs, le règlement N° 1488/94 de l'Union
Européenne établit « les principes de l'évaluation
des risques pour l'homme et pour l'environnement présentés par
les substances existantes ».
111.6.1. Principes européens d'évaluation
des risques
1. L'évaluation des risques comprend l'identification
du danger et, le cas échéant, l'évaluation du rapport dose
(concentration)-réponse (effet), l'évaluation de l'exposition et
la caractérisation du risque. Elle doit être basée sur les
informations connues sur la substance transmise, ainsi que sur toute autre
information disponible.
2. Nonobstant le paragraphe 1, les risques associés
à des effets particuliers, tels que l'appauvrissement de la couche
d'ozone sont évalués au cas par cas.
3. Lors de l'évaluation de l'exposition,
l'évaluateur des risques tient compte des populations humaines ou des
composantes de l'environnement dont l'exposition à la substance est
connue ou raisonnablement prévisible à la lumière des
informations disponibles sur la substance, et plus particulièrement sur
sa fabrication, son transport, son stockage, son incorporation dans une
préparation ou son utilisation dans un autre procédé, son
usage et son élimination ou sa récupération.
4. Lorsqu'une substance a déjà fait l'objet d'une
évaluation des risques, la nouvelle évaluation des risques doit
tenir compte des évaluations précédentes.
111.6.2. Les modèles PEC/PNEC
L'annexe III du règlement N° 1488/94 de l'Union
Européenne, présente la méthodologie
générale de l'évaluation des risques basée sur la
comparaison des valeurs de PEC (obtenues par des modèles d'exposition)
et de PNEC (basées sur des données toxicologiques).
Dans une approche PEC/PNEC, deux échelles
géographiques sont prévues, l'échelle locale et
l'échelle régionale. A l'échelle régionale, on
estime des concentrations environnementales moyennes (pollution diffuse) ;
l'échelle locale sera plus particulièrement destinée
à estimer les concentrations du polluant au voisinage de la source.
Les valeurs des PNEC sont dérivées des
données de toxicité aiguë ou chronique par utilisation des
facteurs d'application destinés à compenser les
différences entre les conditions des tests et les conditions naturelles.
Les PEC sont comparées régulièrement aux PNEC dans une
opération d'évaluation séquentielle, débutant
à l'échelle régionale. Si la PNEC est supérieure
à la PEC, l'opération est terminée ; dans le cas
contraire, l'évaluation se poursuit à l'échelle locale, et
de nouvelles données plus détaillées sont
incorporées jusqu'à ce que le résultat souhaité
soit obtenu.
111.7. L'évaluation intégrée des
risques du Programme International de la Sûreté Chimique
(IPCS)
Le terme « évaluation intégrée des
risques » est définie dans ce modèle comme, une approche
scientifique qui combine les processus d'estimation des risques pour les
humains, le biotope, et les ressources naturelles dans une seule
évaluation (SuTER et al., 2001).
En effet, l'objectif de l'évaluation du risque est de
prendre des décisions à partir de l'estimation des risques
résultant des effets négatifs des substances chimiques, des
facteurs physiques et des autres stresseurs environnementaux sur la
santé humaine et sur l'environnement (SuTER et al., 2001). Pour
des raisons pratiques et historiques, les outils internationalement
utilisés pour évaluer et gérer les risques des substances
chimiques sur la santé humaine ont été
généralement développés indépendamment de
ceux utilisés pour l'évaluation des risques environnementaux.
Cependant, avec la reconnaissance croissante du besoin de protéger plus
efficacement la santé humaine et l'environnement, il a été
jugé utile de développer une approche « holistique » de
l'évaluation des risques (IPCS, 2001).
L'évaluation intégrée des risques
sanitaires et écologiques offre cinq grands avantages (SuTER et al.,
2001). Trois de ces avantages portent sur des considérations
générales, alors que les deux autres sont d'ordre
méthodologiques :
1. L'expression cohérente des résultats de
l'évaluation ;
2. l'interdépendance ;
3. les organismes sentinelles ;
4. la qualité ;
5. l'efficience.
111.7.1. L'expression cohérente des
résultats de l'évaluation
La cohérence des résultats des
évaluations intégrées de risques sanitaires et
écologiques fournit une solide base pour des actions visant le
renforcement des décisions prises en matière de protection de
l'environnement. Cependant, lorsque les résultats d'évaluations
de risques sanitaires et écologiques, réalisées de
manière indépendante, sont inconsistants et que les bases de
l'inconsistance
ne sont pas claires, la prise de décision devient donc
compliquée. Cette situation se manifeste le plus souvent lorsque les
résultats des évaluations de risques sanitaires et
écologiques sont calculés sur des espaces et des temps
différents, et des degrés différents (SuTER et al,
2001).
111.7.2. L'interdépendance
Les risques pour la santé humaine et l'écologie
sont interdépendants (LUBCHENCO, 1998 ; WILSON, 1998).
Les humains dépendent de la nature pour la nourriture, la purification
de l'eau, le cycle hydrologique et autres produits pour lesquels le niveau et
la qualité des services sont diminués par les effets des
substances chimiques toxiques. Les dommages écologiques peuvent
résulter des expositions croissantes humaines aux contaminants et aux
autres stresseurs. Par exemple, l'addition de nutriments dans les
écosystèmes aquatiques et les modifications qui en
résultent dans la structure des communautés algales peut
influencer la présence des maladies hydriques tel le choléra
aussi bien que celle des algues toxiques telles les Pfiesteria piscicida
lesquelles tuent les poissons et affectent potentiellement les humains
(SuTER et al, 2001).
111.7.3. Les organismes sentinelles
Puisque les organismes non humains sont, le plus souvent
fortement exposés aux contaminants environnementaux et sont plus
sensibles, ils peuvent servir de sentinelles permettant ainsi dIdentifier les
sources potentielles de dangers humains (NRC, 1991 ; BURHART
et GARDNER, 1997 ; SHEFFEILD et
al, 1998) .
Les organismes non humains peuvent aussi servir de sentinelles
pour des modes d'action qui n'ont pas été identifiés chez
l'homme. Par exemple, des infections opportunistes apparues chez les
mammifères marins semblent être liées à une
accumulation des polychlorobiphényles (PCBs) et les composés
organostanniques qui causent l'immunosuppression chez des animaux de
laboratoire (Ross, 1998). Ces informations ont soulevé
l'inquiétude des populations humaines qui accumulent également
ces composés par les poissons (SuTER et al, 2001).
111.7.4. La qualité
La qualité scientifique des évaluations ne sera
améliorée que par le partage d'informations et de techniques
entre les évaluateurs scientifiques des différents champs ou
domaines (SuTER et al., 2001).
111.7.5. L'efficience
LIntégration des risques sanitaires et
écologiques offre de significatives possibilités pour l'atteinte
de l'efficacité. En fait, les évaluations isolées sont en
soi inachevées quand des humains et des systèmes
écologiques sont potentiellement en danger. Par exemple, les processus
de rejets de contaminants, leurs transports et leurs transformations sont
communs à tous les récepteurs. Le développement de
méthodologie d'évaluation des risques qui tient compte des
perspicacités des
processus d'évaluation de risques sanitaires et
écologiques conduira à des améliorations qui seront
très bénéfiques pour les deux disciplines (SuTER et
al., 2001).
111.7.6. Les bases du modèle d'évaluation
intégrée des risques
Ayant identifié les similitudes qui existent,
actuellement au niveau international, dans les différents schémas
généraux de l'évaluation des risques, le modèle de
l'évaluation intégrée des risques est
développé à partir de la démarche
révisée de l'USEPA. Comme le schéma général
de l'USEPA, l'évaluation intégrée comprend trois grandes
composantes ou phase : « formulation du problème, analyse
(caractérisation de l'exposition, caractérisation des effets),
caractérisation du risque ».
Durant la première phase, Formulation du
Problème, les buts, les objectifs, la portée, et les
activités de l'évaluation sont bien définis.
L'étape d'Analyse consiste en la collecte de données et
en exercices de modélisation pour caractériser l'exposition dans
l'espace et le temps, et pour définir les effets résultant de
l'exposition sur les humains et les systèmes écologiques. Les
méthodes appropriées pour l'étape d'analyse peuvent
être des stresseurs spécifiques, mais elles dépendront
également de la nature des systèmes à risques
identifiés. Les informations d'expositions et d'effets sont
synthétisées en tant qu'estimations du risque dans l'étape
de caractérisation de risque.
Dans le meilleur des cas, ces évaluations sont
quantitatives en ce qui concerne le niveau du risque prévu à
partir des différents scénarios d'exposition. Dépendant
des genres d'information disponibles, seulement des évaluations
qualitatives de risque pourra être, dans certains cas, possible d'estimer
(SuTER et al., 2001).
111.7.7. Contribution méthodologique de ce
modèle au processus global de l'EDR
En considérant que, les émissions de polluants
peuvent se produire à toutes les étapes du cycle de vie d'une
substance, SUTER et al. (2001) notent « la
nécessité dans une démarche d'évaluation
intégrée, de considérer le cycle de vie entier d'un
stresseur afin d'identifier toutes les sources potentielles d'émission
qui peuvent conduire à l'exposition humaine et à celles des
autres espèces vivantes ». La figure 10 présente le cycle de
vie d'une substance selon SUTER et al. (2001).
L'identification des sources est nécessaire, car elle mène
directement ou indirectement à l'exposition des humains et des
espèces non humaines (SuTER et al., 2001).
La démarche de l'évaluation
intégrée des risques sanitaires et écologiques se
présente comme l'analyse épistémologique de la science que
représentent « les évaluations de risques». En
s'appuyant sur l'étroite relation existant entre le risque pour la
santé humaine et celui pour l'écologie, ce modèle a fait
la critique de la discipline - l'état du domaine scientifique de l'EDR
-, pour poser de nouvelles hypothèses qui, sur le plan théorique,
permettent un agrandissement des échelles utilisées pour la
réalisation des évaluations de risques sanitaire et
écologiques. Toutefois, la complexité qui existe dans
le rapport « théorie : pratique»
pousse à avancer que l'application de ce modèle sera
beaucoup plus coûteux, sur le plan financier, que les autres
modèles, bien qu'il puisse fournir dans une seule évaluation les
résultats qui ne seraient disponibles que par la mise en oeuvre de deux
évaluations distinctes. La notion coût/efficacité sera un
élément très important dans le choix d'un modèle
par rapport à un autre.
Déchets
Récupération
1
SUBSTANCES 2
Usage domestique
Usage industriel
Intermédiaires
Préparation Sur chantier
non-isolé
isolé
Matières premières
Production
Substance
Isolation
·
Formulation
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|
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|
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Préparation
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Préparation
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Préparation
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Préparation
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Adjuvant de
fahricatinn
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en fabrication
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Adjuvant de
fahricatinn
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en fabrication
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`ir
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Résultats de la fabrication, nouveaux produits
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Résultats de la fabrication, nouveaux produits
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Préparation hors chantier
Figure 10 : Le cycle de vie d'une substance chimique
(Suna et al., 2001).
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