Section 2. Recommandations générales aux
différents acteurs du
secteur
Le développement stratégique proposé dans
le présent chapitre confronte le diagnostic stratégique, le
benchmarking (Cf. Partie. I, Chapitre. III) et les concepts relatifs aux
compétences et au clustering des STs (Cf. Partie. I, Chapitre. II).
Cette démarche (Figure 24) permettra de dégager des
recommandations et plans d'actions destinés aux principaux intervenants
dans le but de définir une stratégie globale.
Investigation documentaire
Diagnostic interne MRC* Cycle de vie
cluster** Analyse de la CVG***
Des symptômes à la
problématique
Diagnostic externe Analyse
PESTEL
Validation de la
problématique
Benchmark Concept
Recommandations générales aux
différents acteurs
Plans d'actions et mesures d'accompagnement
des recommandations
Synthèse de diagnostic SWOT
:
Forces et faiblesses Opportunités et
contraintes
Investigation terrain
(c) BEK
Figure 24. Démarche du développement
stratégique
* Modèle des ressources et compétences (ou
CBV)
** Situer les agglomérations industrielles à forte
densité aéronautique dans le «cycle de vie du
cluster«.
*** Positionnement de la filière au sein de la
«chaîne de valeur globale« de l'industrie
aéronautique.
Le diagnostic stratégique réalisé a mis
en exergue le rôle stratégique d'une part des compétences
technologiques et organisationnelles spécifiques à la
sous-traitance aéronautique, et d'autre part la nécessité
d'une politique de clusters. Ces deux piliers sont des conditions sine qua non
à la compétitivité de la filière. En effet, face
à une concurrence féroce de la part des pays low costs,
des politiques publiques en faveur des clusters selon l'approche
reengineering1, ne pourraient qu'aiguiller au mieux la mise
en oeuvre de la composante aéronautique du programme
«Emergence«.
2.1. Clusters dynamiques et instruments de l'approche
reengineering
i) Facteurs Clés de Succès génériques
des clusters dynamiques2
Les diverses enquêtes territoriales
réalisées par le Comité des politiques de
développement territorial de l'OCDE auprès des régions ont
mis en valeur les facteurs clés de succès
génériques, observés dans les clusters dynamiques et qui
font défaut dans ceux qui sont moins performants :
La spécialisation et la structure
sectorielle
Les clusters dynamiques puisent leurs avantages dans leur
structure sectorielle, parfois à cause de gains de productivité
liés à des économies d'agglomération permettant de
générer des externalités positives et dans d'autres cas,
en raison d'une spécialisation dans des secteurs en pleine expansion.
L'innovation et le savoir
Les clusters performants octroient une importance capitale
à la production et/ou à la diffusion de l'innovation en se basant
sur des éléments liés : (1) à la capacité
d'innovation dans les PME, (2) à l'importance accordée à
l'esprit d'entreprise pour lancer des idées nouvelles, (3) au rôle
des centres de connaissances et (4) à l'impact positif des IDE sur la
capacité d'acquisition de connaissances et d'innovation de
l'économie locale.
L'accessibilité et la
connectivité
Les clusters dynamiques se sont souvent bien situés
géographiquement, mais elles bénéficient aussi des
infrastructures physiques et de télécommunications efficaces, et
de l'ouverture de leurs liaisons à l'international.
1 Voir Partie. I, Chapitre. II, Section. 1,
Paragraphe. 2.
2 DARMON, Daniel (dir). La France, puissance
industrielle, une nouvelle politique industrielle par les territoires :
Réseaux d'entreprises, Vallées technologiques, Pôles de
compétitivité. Paris : DATAR, 2004. 132 p.
La stratégie, les liaisons et la
gouvernance
Une stratégie claire et cohérente
intégrant les objectifs des différents acteurs de la
région est primordiale pour permettre à la fois au cluster et
à la région de tirer partie de ses ressources
inexploitées. De même, il parait également important
d'instaurer de bonnes relations entre d'une part les parties prenantes dans la
région, et d'autre part les organismes étatiques (gouvernement,
établissements publics, régions).
ii) Instruments de l'approche reengineering
Les modalités d'intervention publique semblent à
la fois tributaires du stade de développement du cluster et des
spécificités locales. Selon l'approche rengineering,
les politiques publiques doivent donc être
différenciées en fonction du degré de développement
du cluster. Elles sont appelées à s'adapter à
l'évolution des besoins et des caractéristiques du cluster en
fonction de son cycle de vie1.
Phases initiales
Ainsi lors des phases initiales (phase d'émergence et
de développement des clusters) et vu le caractère émergent
des technologies et des marchés, l'intervention de la puissance publique
doit se focaliser d'une part, sur l'appui au marketing des entreprises et
faciliter d'autre part, l'accès à des infrastructures
spécialisées et à des financements2 de type
capital risque3, considéré aussi comme une
modalité d'intervention et d'accompagnement efficace lors de cette
phase4.
Phases avancées
L'intervention des autorités publiques lors des phases
ultérieures de développement et de structuration du cluster se
justifierait à deux niveaux.
D'abord au niveau de la mise en réseau5 des
différents acteurs, l'objectif poursuivi est de créer des
communautés de pratiques et de savoir, des comportements
coopératifs et de favoriser l'émergence d'un processus
endogène de création de capital social. Au cours de cette phase,
il s'avère primordiale pour le futur du cluster
1 ANDERS SON, T et al. The Cluster Policies
Whitebook, IKED, The Competitiveness Institute, 2004.
2 L'aide aux entreprises et aux
phénomènes d'entrepreneuriat se matérialise alors sous la
forme d'aides financières, de services et d'infrastructures
spécialisées de type incubateurs.
3 BROW, R. Cluster Dynamics in Theory and Practice
with Application to Scotland, Regional and Industrial Policy Research
Paper, European Policy Research Center, University of Strathclyde, 2000.
4 BIANCHI, P et al. The Italian SME Experience and
Possible Lessons for Emerging Countries, Nomisma : ONUDI, 1997.
5 Elle vise à favoriser les liens, les
transferts de connaissance, les relations de confiance entre les entreprises
locales ainsi que le développement et la mise en commun des
réseaux personnels propres à chaque acteur.
de développer une vision et une identité
communes1 ainsi qu'une stratégie collective de
développement. La capacité et la légitimité des
autorités publiques à transcender les intérêts
particuliers et catégoriels ainsi qu'à fédérer des
visions différentes justifieraient son intervention à ce
niveau2.
Ensuite au niveau de l'aide et soutien à
l'innovation3, le développement des capacités R&D
et de l'innovation constitue une modalité d'intervention pour les
autorités publiques4. En favorisant la création
d'activités communes et de partenariats autour de la recherche et de la
veille5, les interventions publiques peuvent participer à
juguler les risques et les coûts d'innovation supportés
individuellement par les entreprises locales.
Phase de déclin
Enfin pour éviter le déclin d'un cluster
arrivé à maturité en répondant aux besoins
d'ouverture et de renouvellement, deux sortes de leviers publics sont souvent
mises en avant. Le premier levier concerne le développement d'une
main-d'oeuvre qualifiée et spécialisée autour de nouvelles
technologies ou d'activités à fort potentiel de
croissance6. Le second levier d'action consiste à favoriser
l'ouverture à l'international et l'innovation technologique.
Il apparaît alors que, les stades extrêmes du
développement d'un cluster sont souvent peu opportuns aux interventions
publiques7. Dans la phase embryonnaire, la transformation d'un
simple regroupement d'entreprises en un début de cluster est fonction
d'une panoplie de variables difficilement contrôlables. De la même
manière, le caractère dynamique de l'environnement surtout macro
à l'origine du déclin du cluster ne donnent que peu de latitudes
à l'intervention des acteurs publics qui ne
1 L'implantation d'un système d'action
collectif et d'une vision partagée peut être obtenue par le biais
de stratégies de mise en réseau mais aussi par des actions de
marketing et de communication interne et externe visant à créer
des sentiments d'appartenance locale ainsi qu'une identité commune.
2 ANDERSSON, T et al. The Cluster Policies
Whitebook, IKED, The Competitiveness Institute, 2004.
3 BIANCHI, P et al. The Italian SME Experience and
Possible Lessons for Emerging Countries, Nomisma : ONUDI, 1997.
4 Ce développement de la R&D se fait par
le biais de financements, de création de plateformes de transfert de
technologie, de développement d'instituts de recherche publics ou semi
publics, d'infrastructures de recherche de type parcs technologiques.
5 Veille concurrentielle et technologique, transfert
de technologie, recherche de nouveaux marchés et de nouvelles
applications commerciales.
6 Il s'agit en fait de réorienter les
compétences et les qualifications locales devenues obsolètes vers
des secteurs plus dynamiques par des dispositifs de formation, aides à
la formation, services spécialisés, actions de rapprochement
entre les universités et les entreprises...
7 ROSENFELD, S. A. Expanding Opportunities:
Cluster Strategies that Reach More People and More Places, European
Planning Studies, 2003.
disposent que de leviers d'action de type microéconomique
souvent inadaptées face à l'urgence de la situation (voir Tableau
19).
Tableau 19. Synthèse de la relation actions
publiques - phases de développement du cluster
Phase de développement du cluster
|
Embryonnaire
|
Emergente
|
Croissance et structuration
|
Maturité et déclin
|
Besoins fondamentaux et facteurs de
développement
|
· Développement et appropriation d'une technologie
à débouchés commerciaux significatifs.
|
· Besoins physiques et matériels en infrastructures
de base.
|
· Besoins sociaux et relationnels.
· Capacité à
définir une
stratégie
collective.
|
· Besoins d'ouverture et de
régénération technologique et commerciale.
|
Modalités publiques d'intervention
|
· Limitées car difficultés à
identifier ces catégories de cluster.
|
· Sites et
structures de développement.
· Aides financières et services
spécialisés.
· Aide à la prospection et aux tests de
marchés.
|
· Plates-formes et modalités de mise en
réseau.
· Stratégie de création d'une identité
collective.
· Actions de promotion interne et externe.
· Aides à l'innovation
· Création de partenariats
(centres de R& D, industrie et enseignement)
|
· Formation et réorientation des compétences
et qualification locales.
· Ouverture internationale.
· Favoriser l'émergence de nouvelles
technologies.
|
|
Efficacité de
l'intervention publique
|
Nulle
|
Modérée voire négative
|
Forte
|
Faible
|
Source : Christophe FAVOREU (2007)
En conclusion, l'action publique se révèle
tributaire du degré de développement du cluster. Elle est
à la fois conjoncturelle, périphérique,
ponctuelle2 et contingente à l'évolution des clusters.
Pourtant, si les politiques publiques se positionnent dans des logiques
d'appui, d'accompagnement et d'aide, il n'en demeure pas moins que leur
influence et leur contrôle directs sur le développement du cluster
est minime3.
Le rôle des politiques publiques est donc d'accompagner
le processus d'évolution naturelle des clusters vers la consolidation,
l'innovation technologique et l'internationalisation4 et
d'être un catalyseur pour l'action et les initiatives collectives
1 FAVOREU, Christophe. Légitimité,
rôles et nature des politiques publiques en faveur des clusters.
Groupe ESC Toulouse, 2007. 34 p.
2 Un certain nombre de cas démontrent en
effet que lorsque le financement et l'aide publique prennent fin, la
coopération en fait de même. Une intervention publique trop
prononcée et trop prolongée semble créer chez les acteurs
locaux des comportements attentistes, passéistes fortement
préjudiciables à la formation d'une dynamique endogène de
développement.
3 ANDERS SON, T et al. The Cluster Policies
Whitebook, IKED, The Competitiveness Institute, 2004.
4 BIANCHI, P et al. The Italian SME Experience and
Possible Lessons for Emerging Countries, Nomisma : ONUDI, 1997.
lors de ces phases. Enfin l'intervention publique paraît
adhérer à la création d'une image, d'une identité
commune, d'un sentiment d'appartenance et dans la constitution d'une vision
stratégique partagée sur le devenir du cluster1.
Dans la perspective de développer des clusters
dynamiques selon l'approche reengineering, les principales pistes
d'amélioration que nous jugeons utiles à explorer et que nous
voulons qu'elles soient davantage perçues comme des interrogations
portant sur la meilleure façon de développer la
compétitivité de la filière, se déclinent ainsi
:
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