Un échantillon représentatif de la
filière, composé de huit (08) entreprises toutes membres du
GIMAS, a été retenu, en l'occurrence Matis Aerospace,
Indraéro, Creuzet, Microspire, Labinal Maroc, SMES, DL
Aérotechnologies et CP Aéro (Cf. Annexe. III).
Des entrevues se sont déroulées dans l'ordre
précité sur la base d'un guide d'entretien, abordant divers
thématiques qui touchent le secteur en général et
l'entreprise en particulier (Cf. Annexe. II). Ces entretiens ont
été suivis par des visites guidées de ces entreprises.
D'abord seront présentées succinctement les
entreprises telles qu'elles sont décrites par leurs cadres dirigeants,
ensuite seront déclinées leurs visions concernant les diverses
thématiques traitées lors de ces entretiens.
2.3.1 Description succincte des entreprises par les
responsables interviewés
Matis Aerospace est un joint-venture entre Boeing,
Labinal (Groupe Safran) et la RAM, spécialisé dans le
câblage aéronautique. Domiciliée à
l'Aéropôle, l'entreprise emploie 500 personnes dont 90 cadres. Son
chiffre d'affaires est réalisé à hauteur de 35% avec
Boeing (B737 et B777), 35% avec Airbus (A320) et 30% avec Dassault Aviation
(Falcon 7X).
Pour Creuset et Indraéro, ce sont deux filiales du
Groupe français Creuzet-IndraéroSiren, implantées à
l'Aéropôle. Leur principale activité est la production de
pièces mécaniques.
A propos de Microspire, c'est une filiale d'une
société française qui fabrique des composants
électroniques. L'entreprise est située au quartier industriel Ben
M'sik à Casablanca. La maison mère, qui a des filiales au Maroc
et en Chine, a réalisé 55% de son chiffre d'affaires au Maroc en
2006. A ce titre, l'unité de production marocaine réalise cinq
(05) millions de pièces par an dont 1 Million en composants de haute
performance. Elle emploie 75 salariés en France et 200 au Maroc.
Inaugurée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI en
2004, Labinal Maroc, est une filiale de l'entreprise française Labinal
(Groupe Safran). Cette entreprise installée dans la région de
Rabat, est spécialisée dans le câblage aéronautique
au profit des avions et hélicoptères d'EADS (A380, le NH 90 et le
A400M).
Créée en 1999, SMES est un
joint-venture entre Snecma (Groupe Safran) et la RAM. Implanté
à la zone industrielle RAM tout près de l'Aéropôle,
l'entreprise s'est spécialisée dans la maintenance et la
réparation de moteurs d'avion de type CFM56-3 et -7 équipant les
Boeing 737, ancienne et nouvelle génération. La
société est passée d'un CA de 15 Millions de $ en 2000
à un CA de 55 Millions de $ et un investissement de 15 Millions de $ en
2006. La durée d'une révision d'un moteur CFM est en moyenne 60
jours, avec un coût moyen de 1,2 Millions de $. Les prévisions
pour 2010 s'attendent à la révision de 83 moteurs pour un CA de
100 Millions de $.
Quant à DL Aérotechnologie, c'est une filiale de
la société française Daher Lhotellier. Au départ,
la maison mère avait comme principale activité la logistique au
profit d'Airbus, ensuite elle s'est convertie à la production de
pièces puis à la conception. Ces principaux clients sont Airbus,
Bombardier et Latécoère. De nouveaux sites de DL se sont
récemment implantés en Australie (production destinée
à Eurocopter) et au Mexique (adressant le canadien Bombardier).
Au Maroc, DL Aérotechnologie a démarré
son activité à la TFZ en 2001 avec la production de tuyauterie de
conditionnement d'air. Après une augmentation de sa
superficie de 3000 m2 à 10000
m2, l'entreprise s'est diversifiée dans la fabrication des
ventres d'avions en composite, puis dans l'assemblage métallique.
Après avoir atteint un processus d'industrialisation autonome, elle
crée un bureau d'études en 2007 et ambitionne d'intégrer
la R&D.
Enfin, CP Aéro est une entreprise créée
en 2005 par essaimage avec le concours de Daher Lhotellier (fournisseur en
matières premières). L'entreprise implantée à la
TFZ, est certifiée par DL Aérotechnologie1,
d'ailleurs, ce dernier reste son unique client. Sa principale activité
est la fabrication d'outillage en matériaux composites. Elle s'est
diversifiée par la suite dans l'isolation de tuyauteries
«isoforme«. Le démarrage de l'activité s'est fait avec
14 salariés, elle en est actuellement à 42. L'apprentissage au
sein de l'entreprise se fait sur le tas.
2.3.2 Appréciation du secteur par les responsables
interviewés
Les entreprises interviewées sont unanimes sur le fait
que le secteur aéronautique au Maroc est en plein développement.
L'évolution de cette filière est considérée comme
très positive avec sans cesse davantage de nouvelles implantations. La
proximité géographique et le coût de la main d'oeuvre sont
jugés décisifs dans le choix de l'implantation.
Le tissu industriel marocain est caractérisé
par la fabrication de produits répondant aux normes de qualité en
vigueur - le «savoir-faire est en train d'être acquis« selon un
responsable production- ; mais également par l'émergence de
centre d'excellence en conception et en R&D (ex : Teuchos, Segula).
Le secteur est composé en majorité de filiales
et de quelques joint-ventures (souvent entre la RAM et le Groupe
Safran) avec une faible présence d'entreprises à capitaux
nationaux. Il convient de signaler qu'à l'état actuel, le faible
niveau concurrentiel à l'échelon national ainsi que le manque de
fournisseurs locaux, fragilisent le secteur. En effet, cette concurrence
s'opère davantage sur une échelle internationale que locale,
faisant entrer en compétition les différents sites, filiales des
grands groupes.
1 Liebherr en tant que systémier pour l'avion
chinois ART-21, a trouvé que les produits CP Aéro sont de
qualité équivalente voir supérieure à ses
sous-traitants, selon les dires de la DG de CP Aéro.
Les professionnels affichent un optimisme quant au
développement du secteur. Néanmoins, ce dernier est tributaire
des efforts consentis pour améliorer l'attractivité de la
destination Maroc et la célérité avec laquelle serait
comblée le besoin urgent en main d'oeuvre qualifiée.
Par ailleurs, un déficit au niveau de la main d'oeuvre
qualifiée et/ou bien formée est un sujet récurrent chez
toutes les entreprises interviewées. Il est souvent cité comme
une entrave majeure pour accompagner le développement du secteur. Les
ressources humaines disponibles sont estimées comme n'ayant pas
d'expérience industrielle satisfaisante et manque de culture
aéronautique manifeste. En guise d'illustration, «...les ruptures
de stock sont souvent dues à des pratiques de «stock
pirate« par le personnel«, témoigne le patron d'une PME
du secteur.
La formation de base des techniciens et des cadres n'est pas
complètement adaptée aux besoins de la filière
aéronautique. Ceci amène les industriels à fournir des
efforts, souvent coûteux, dans la formation de leur personnel. Il en
découle, que la mise en place dans les plus brefs délais du
projet de l'IMA, pour répondre au besoin urgent des professionnels en
main d'oeuvre qualifiée, se pose avec acuité.
Egalement, des difficultés relatives à
l'accès au financement, surtout pour les petites structures, sont
évoquées. Ainsi, mise à part les grandes PME, le
financement se fait souvent sur fonds propres et rarement par crédits
bancaires.
En plus, certains industriels se sont plaints des lenteurs
administratives au niveau du transit et de la douane, ce qui allongent les
délais logistiques. «Pour acheminer nos livraisons, il faut compter
sur 7 jours au lieu de 2 jours pour le transit au port, et 48 heures au lieu de
48 minutes par voie aérienne« affirme un responsable logistique.
Sur un autre registre, les industriels ont soulevé des
problèmes relatifs à la fois au remboursement des frais de
formation par l'OFPPT et au change (une entreprise est allée
jusqu'à même suggérer la suppression de l'office de change,
c'est dire l'ampleur du désarroi des industriels).
La fiscalité est aussi pointée du doigt par les
entreprises interrogées, dans ce sens
l'Impôt sur les
Sociétés (IS) et l'Impôt Général sur les
Revenues (IGR) sont jugés
élevés. Certaines entreprises proposent de les
réduire pour le secteur à l'instar des firmes qui investissent en
R&D dans l'offshoring.
Dans un autre registre, les professionnels ont mis en garde
contre les menaces qui proviennent des principaux concurrents. Ils ont
cité la Tunisie, les pays de l'Europe de l'Est et la Chine eu
égard aux clauses de compensations industrielles - stipulant la
réalisation de composants et l'assemblage, avec à la clé
un transfert de technologie en Chine - concédées par Airbus suite
à la commande de plusieurs appareils.
En somme, les entreprises interviewées affichent
beaucoup d'optimisme quant aux perspectives du développement du secteur,
à condition de profiter des opportunités offertes, grâce
aux tendances à l'externalisation et à la délocalisation
des activités de production vers les pays émergents
constatés chez les principaux DOs européens.