Chapitre II. Résultats de la recherche
Introduction
Dans le cadre de notre recherche, les outils d'investigation
utilisés (Cf. Partie. II, Chapitre. I, Section. 2, Paragraphe. 2),
questionnaire (Cf. Annexe. I) et guide d'entretien (Cf. Annexe. II), ont permis
de dégager des résultats aussi bien quantitatifs que
qualitatifs.
En effet, sur le registre quantitatif, le traitement des
données sera effectué à l'aide de méthodes
classiques d'analyse multivariée, principalement les régressions
multiples1 en utilisant le logiciel SPSS2. Ces
données seront par la suite exploitées de manière à
vérifier les hypothèses de recherche (Cf. Partie. II, Chapitre.
II, Section. 1).
Parallèlement, des entretiens ont été
menés avec les principaux acteurs du secteur se rapportant aux
différentes thématiques, eu égard à la
spécificité de chacun d'eux (Cf. Annexe. III et IV). A ce titre,
des investigations approfondies ont été réalisées
auprès des différents acteurs publics et privés à
savoir le MICMNE, l'ONDA, l'OFPPT, la CFCIM, le CRI du Grand de Casablanca et
le GIMAS. Dans le même registre, un échantillon d'entreprises du
secteur aéronautique a été interviewé. Ces
entreprises ont été sélectionnées selon deux
critères principaux en l'occurrence l'accessibilité et la
représentativité. Ces données permettront de
dégager les résultats qualitatifs de la recherche (Cf. Partie.
II, Chapitre. II, Section. 2).
Ainsi, une première section sera consacrée
à l'analyse des résultats quantitatifs, puis une seconde section
proposera un examen des résultats qualitatifs sous forme de monographies
de la cible et des acteurs de la recherche.
1 Rappelons que la régression multiple est
une des méthodes les plus fréquemment utilisées pour
élaborer un modèle explicatif en évaluant la relation
présumée entre une variable dite dépendante
(expliquée) et les variables dites indépendantes
(explicatives).
2 L'outil utilisé pour l'analyse de ces
résultats est le SPSS Professional Statistics 9.0 (Statistical
Package of Social Science).
Section 1. Les résultats quantitatifs de la
recherche
Le modèle conceptuel de recherche comporte trois
groupes de variables. Le premier groupe formant les variables de
contrôle, est constitué des degrés de dépendance,
d'influence, d'exigence (caractéristiques de la relation DO/ST) et du
degré de clustering. Le profil du ST décliné en
compétences technologiques et organisationnelles, forme le second groupe
des variables et constitue à ce titre la variable indépendante
(explicative). Enfin, la performance du ST formant le troisième groupe,
constitue la variable dépendante (expliquée).
Le traitement des données s'est effectué à
l'aide de méthodes classiques d'analyse multivariée,
principalement les régressions multiples1 en utilisant le
logiciel SPSS. Les résultats présentés dans cette section
sont d'abord établis à partir de comparaisons entre des groupes
sur la base de vérification par les tests de Student (T-test) ; sauf
exception, les différences qui sont rapportées sont toutes
significatives à un niveau d'au moins 0.10. Cette première
étape a donc pour but d'élucider l'impact des variables
caractérisant les relations inter-firmes et qui agissent ici comme
variables de contrôle (degrés de dépendance, influence et
d'exigence, et degré de clustering).
La seconde étape vise à identifier le pouvoir
explicatif des variables retenues sur la performance des firmes
sous-traitantes. Elle consiste à exécuter une série de
régressions multiples entre la variable dépendante (la
performance des firmes) et l'ensemble des variables indépendantes, de
même qu'avec les variables de contrôle. L'utilisation de cette
méthode vise donc essentiellement à confirmer empiriquement une
relation entre les variables et de mesurer son intensité et non à
confirmer un lien de cause à effet : Le lien causal demeure en effet
difficile à établir dans un champ d'études où les
comportements managériaux sont en cause2.
De façon plus spécifique, précisons que le
type de régression utilisé est de type entrée,
lequel consiste à inclure simultanément dans un
modèle l'ensemble des
1 Rappelons que la régression multiple est
une des méthodes les plus fréquemment utilisées pour
élaborer un modèle explicatif en évaluant la relation
présumée entre une variable dite dépendante
(expliquée) et les variables dites indépendantes
(explicatives).
2 BOURGAULT, Mario. Analyse des rapports entre
donneurs d'ordres et sous-traitants de l'industrie aérospatiale
nord-américaine. Montréal : CIRANO, 1997. Série
Scientifique N° 97s-27.
variables dont le potentiel explicatif est justifié
théoriquement. Il s'agit donc d'une approche combinatoire où
toutes les variables indépendantes sont utilisées de
manière à générer le meilleur modèle
possible.
En vue de préparer les données pour la
vérification des hypothèses de recherche, nous avons eu recours,
dans un premier temps, à la vérification des hypothèses
qui sous-tendent la régression multiple (principes de
multinormalité et d'absence de multicollinéarité). Cette
vérification fut réalisée de manière
systématique pour l'ensemble des régressions
générées dans le cadre de l'étude. Comme pour les
différences entre groupes, les coefficients rapportés sont tous
significatifs à un niveau d'au moins 0.10.
1.1. La filière aéronautique marocaine : un stade
Conventionnel consolidé, un stade Associatif en
gestation
La section. 2 du chapitre. II de la partie. I, a mis en
évidence le contexte dans lequel plusieurs STs oeuvrent actuellement.
À cause des stratégies insufflées par les DOs majeurs,
réduction et hiérarchisation autour des pivots de la
base de sous-traitance des DOs, de nouvelles relations client-fournisseur
partenariales structurent la CVG de la construction aéronautique. Ces
relations tendent à se consolider au fur et à mesure que les STs
évoluent dans la CVG en allant du mode Conventionnel jusqu'au
mode Partenariat en passant par le mode Association. Plus
particulièrement, dans le secteur, ces modes s`imbriquent avec diverses
types d'activités, de «périphériques« à
«non maîtrisées« en passant par des activités
«confiées« (respectivement en partant de la base vers le
sommet de la pyramide).
Une revue de la littérature suggère
également que l'intensification de cette relation opère un
changement positif dans le profil du ST et va de pair avec le processus de
développement de son statut. Une relation que nous avons
tenté d'opérationnaliser à l'aide de trois dimensions :
dépendance, influence et exigence.
1.1.1 Degré de dépendance et profil
i) Dépendance
Plus précisément, pour les STs, cette situation
signifie généralement un nombre plus restreint de clients qui, en
contrepartie, leur assurent une certaine fidélité dans
l'allocation des contrats, conjointement à des mesures de conseil et
d'accompagnement. Dans cette perspective, le DO incite fortement le ST à
s'inscrire dans une démarche d'amélioration continue de la
performance moyennant l'acquisition de compétences technologiques et
organisationnelles pertinentes eu égard aux nouvelles évolutions
du secteur.
L'évaluation de cette réalité fut
réalisée en divisant notre échantillon en deux groupes
selon le niveau faible ou élevé de dépendance. Le seuil
retenu pour marquer la césure entre les deux groupes est de 100% des
ventes pour un même client. Ce chiffre n'est pas fortuit et répond
à la spécificité du secteur aéronautique marocain.
En effet, ce dernier est particulièrement caractérisé par
le fait que 67% des STs enquêtés sont des filiales à 100%
de groupes mondiaux, ce qui induit une forte dépendance vis-à-vis
d'un seul client, la maison mère.
ii) Analyse
Le Tableau 9 confirme l'effet de ce facteur sur les variables
mesurées, du moins sur un nombre restreint de dimensions. Toutefois, le
sens de la corrélation entre degré de dépendance et profil
est inversé. Ce résultat est intrigant à première
vue. Ainsi, les STs dits «indépendants« affichent un profil
proactif que tant sur le registre technologique qu'organisationnel. Ils sont
plus enclins que les STs «dépendants« à adopter les
technologies de gestion et à faire de la veille technologique. De
même, les STs «indépendants« font preuve de plus
d'habilité de gestion et fournissent plus d'efforts marketing avec pour
corollaire l'internationalisation des ventes. En plus, ils sont davantage
inscrits dans des réseaux (maintien de réseaux à l'externe
: clients et fournisseurs).
En revanche, les STs dits «dépendants«
détiennent un meilleur savoir-faire spécifique lié aux
produits.
Tableau 9. L'effet du degré de dépendance
sur les variables indépendantes (1)
Test-t Degré de dépendance, Césure
= 100
|
dépendance élevée n1=9
|
dépendance faible n2=3
|
Compétences technologiques
|
Nombre de technologies de gestion
|
3,78
|
5,33
|
Veille technologique (2)
|
3,11
|
3,56
|
Savoir-faire spécifique lié à certains
produits (2)
|
4,33
|
4,00
|
Compétences organisationnelles
|
Habilité de gestion (2)
|
3,33
|
4,33
|
Efforts marketing (2)
|
1,33
|
3,33
|
Maintien de réseaux à l'externe
(2)
|
3,83
|
4,50
|
Degré d'internationalisation des ventes (%)
|
89,44
|
100,00
|
(c) BEK
(1) Seuls les résultats présentant des
différences significatives sont affichés au tableau.
(2) Pour des précisions sur les mesures utilisées,
voir la Partie. II, Chapitre. I, Section. 2.
iii) Interprétation
L'origine du capital des STs semble offrir un cadre propice
pour l'interprétation de ces résultats surprenants à
première vue. Le premier groupe des STs dits
«dépendants«, qui constitue 75% des entreprises
enquêtées, présente la répartition suivante : 89%
sont des filiales à 100% de grands groupes étrangers et 11% sont
des STs par essaimage. Alors que le second groupe des STs
«indépendants« est constitué de 67% des
Joint-Ventures et 33% de firmes à capitaux nationaux.
Efforts marketing et veille technologique
Concernant les STs «dépendants«, du fait du
contrôle financier exercé par la maison mère (cas des
filiales) ou les formes d'accompagnement spécifiques dans le cas de
l'essaimage (du moins dans leurs premières années de
démarrage et développement, c'est le cas au Maroc vu le
caractère jeune du secteur), les commandes leur sont octroyées de
la part des maisons-mères de manière captive. Le marketing vu son
caractère stratégique, est souvent l'apanage de la maison
mère et jalousement conservé par celle-ci. Quant à la
veille technologique, il semble qu'elle est encore centralisée au niveau
du Groupe, et que la décision de recourir à telle ou telle
technologie est du ressort du Groupe. Ainsi, vu leur dépendance, les
filiales ou les structures essaimées disposent rarement d'un service
marketing et/ou d'une cellule de veille technologique.
Savoir-faire spécifique lié aux produits
unique
En revanche leur forte dépendance du Groupe leur permet
de développer un savoir- faire spécifique lié à
certains produits dans le prolongement des métiers du Groupe. Ceci
étant facilité par des mesures d'accompagnement et de conseil de
la part de la maison-mère (ou la firme qui essaime) ainsi que par
l'intensité des interactions qui sous-tendent cette configuration
organisationnelle.
Maintien de réseaux à l'externe
Leur lien direct, avec un client unique, leur confère
une certaine stabilité relationnelle. En se contentant des liens
préétablis, ils fournissent moins d'effort que le second groupe
pour tisser de nouvelles relations client/fournisseur. Une attitude qui semble
conforme aux nouveaux modèles des réseaux de sous-traitances dans
les pays émergents1. La majorité
(89%) des «dépendants« sont des filiales à 100%,
induites par des stratégies de croissance externe initiés par les
pivots des réseaux de types «Rameaux«. Dans
cette configuration, rappelons-le, contrairement aux réseaux de types
«Racines«, la proximité est davantage le fruit d'une
stratégie des STs que d'une exigence de l'entreprise pôle. Selon
les résultats quantitatifs, la filiale semble répercuter la
logique qui prévaut chez le Groupe, à son propre réseau de
sous- traitance. Il ressort que c'est aux fournisseurs marocains de faire
l'effort de maintenir la stabilité des liens partenariaux, en optimisant
le triptyque CQD et en offrant une meilleure flexibilité de la
production.
Degré d'internationalisation
Les plus «dépendantes« (firmes
essaimées) sont des fournisseurs qui adressent les filiales
installées au Maroc, à cet égard elles sont moins
présentes sur les marchés étrangers. En revanche, les
«indépendants« sont constitués de 67 % des Joint-
Ventures et 33 % de firmes à capitaux nationaux. Il convient de
souligner que (1) d'une part la relative indépendance des JVs
leurs permet d'adresser les marchés internationaux en plus de ceux
qui sont garantis par les Groupes actionnaires ; (2) d'autre part les STs
à capitaux nationaux, adressent également plusieurs
marchés, vu la totale indépendance dont ils jouissent.
1 Pour plus de précisions concernant les
nouveaux modèles de sous-traitance dans les pays émergents, voir
Partie. II, Chapitre. I, Section. 1.
Enfin, les habilités de gestion, viennent
corroborer le profil proactif affiché par les firmes moins
dépendantes. À ce titre, le rôle du dirigeant est capital
pour la planification, l'organisation, la direction et la coordination. Il
semble que la plus grande marge de manoeuvre dont jouissent les gestionnaires
des Joint-Ventures et les STs à capitaux nationaux, permet
à la compétence «habilités de gestion« de
s'exprimer pleinement.
Ainsi, le rôle auto-renforçant du degré de
dépendance en faveur d'un profil proactif des
«dépendants«, tel qu'il est présumé par une
revue de littérature, ne semble pas être joué pleinement.
Au contraire, cette dépendance est pressentie comme une restriction de
leurs marges de manoeuvres, ce qui semble confiner les
«dépendants« (dont 89% sont des filiales à 100% de
groupes étrangers) dans un profil moins développé que
celui des «indépendants«.
En somme, l'hypothèse «H1 selon laquelle un fort
degré de dépendance aurait un impact positif sur le profil du
ST«, est partiellement confirmée.
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