1.3. Degré de clustering et profil du
sous-traitant
1.3.1 Quels indicateurs pour le degré de clustering
?
La définition de Porter ne nous permet pas de
délimiter clairement le cluster (cf. Partie. I, Chapitre. II, Section.
1), si bien que Feser peut constater que "en dépit de
l'intérêt intense manifesté pour les clusters industriels
dans les politiques de développement économique en Europe et en
Amérique du Nord, il y a peu de consensus sur la définition
précise des clusters, la dynamique qui sous-tend leur croissance et leur
développement, ainsi que sur les initiatives visant à les
construire ou à les renforcer"4. Par conséquent, le
concept de cluster pourrait inclure la plupart des regroupements
localisés de firmes. Sachant que ces dernières années la
tendance a été à la fois à l'extension de la notion
de cluster vers des systèmes moins
1 - BOURGAULT, Mario et al. Critical capabilities
and performance of the small subcontracting firms in the aerospace
industry. Montréal: CIRANO, 1994. Série Scientifique N°
94s-13.
- LEFEBVRE, Elisabeth et LEFEBVRE, Louis A. Global Strategic
Benchmarking, Critical Capabilities and Performance of Aerospace
Subcontarctors. Montréal : CIRANO, 1997. Série Scientifique.
N° 97s-10.
- BOURGAULT, Mario. Industrie aérospatiale
nord-américaine et performance des sous-traitants : Ecarts entre le
Canada et les États-Unis. Montréal : CIRANO, 1997.
Série Scientifique N° 97s-26.
- BOURGAULT, Mario. Analyse des rapports entre donneurs
d'ordres et sous-traitants de l'industrie aérospatiale
nord-américaine. Montréal : CIRANO, 1997. Série
Scientifique N° 97s-27.
2 REJEB, Nada. L'impact de la nouvelle
relation de sous-traitance sur la performance des sous-traitants : application
au cas des Industries Mécaniques et Electriques en Tunisie.
Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de Sfax. 13e
conférence de l'AIMS, Normandie. Vallée de Seine, 2004.
3 En effet, l'ancrage de la recherche sur la
réalité du terrain est un impératif dicté par la
méthodologie de recherche adoptée par L'Institut Supérieur
de Commerce et d'administration des Entreprises (ISCAE).
4 FESER, Edward J. Old and new theories of
industry clusters. In M. Steiner, Clusters and Regional Specialisation,.
London: Pion. 1998, pp. 18-40.
axés sur les activités de haute technologie et au
recours au concept de cluster en tant qu'outil de politique économique
locale ou nationale1.
Dans les développements qui suivent, ce paragraphe
tentera d'opérationnaliser le concept de cluster sous forme d'une
batterie d'indicateurs susceptibles de mesurer le degré de
clustering des STs.
i) Localisation
La circonscription des clusters dans une aire
géographique bornée est loin d'être tranchée ; du
coup, selon différentes études, leurs limites varient fortement,
d'une zone d'activités innovantes jusqu'au département ou
région.
Dès lors la classification des entreprises selon leurs
degrés d'appartenance à un cluster se base alors deux
critères : (1) La localisation géographique (critère
objectif) et (2) le sens d'appartenance (critère subjectif).
Localisation géographique (critère
objectif)
Des études empiriques2 ont adopté
des critères quantitatifs pour identifier un cluster et en particulier
la manière avec laquelle plusieurs facteurs viennent s'accumuler pour
justifier la concentration de PME/PMI spécialisées dans une
activité donnée, dans un espace géographique restreint.
Dans ce sens, l'équipe de recherche a retenu cette variable, en
procédant directement au classement3 des STs selon leur
localisation (ou pas) dans l'un des pôles aéronautiques
identifiés précédemment (cf. Partie. I, Chapitre. I.
Section. 2) à savoir l'Aéropôle et le conglomérat
aéronautique de la TFZ. Ces pôles sont présumés
correspondre à des clusters parce qu'ils montrent des signes de
concentration et de prédominance exceptionnelle de STs
spécialisés en industrie aéronautique, au-dessus de la
moyenne nationale.
Cependant, cette classification, qui ignore la dimension de
l'homogénéité culturelle, a été
critiquée4 parce qu'elle ne correspond pas au concept
classique de cluster en
1 Rapports de l'OCDE 2001 et 2005.
2 - BECCHETTI, L et ROSSI, S. The Positive Effect
of Industrial District on the Export Performance of Italian Firms. Review
of Industrial Organization, 2000, pp. 53-68.
- DECAROLIS, D.M et DEEDS, D.L. The Impact of Stocks and
Flows of Organizational Knowledge on Firm Performance: An Empirical
Investigation of the Biotechnology Industry. Strategic Management Journal,
pp. 953- 968. 1999.
3 Par le biais de la question n°31 du
questionnaire en annexe. I.
4 LAZERSON, M.H et LORENZONI, G. The Firms that
Feed Industrial Districts: A Return to the Italian Source. Industrial and
Corporate Change, pp. 235-266, 1999.
tant qu'entité socio-territoriale tel qu'il a
été inventé par Becattini1. Pour cet auteur,
l'une des dimensions essentielles du cluster est la perception que la firme a
de son appartenance à une communauté industrielle locale.
L'intérêt premier de cette perception est qu'elle nous renseigne
sur l'implication effective des industriels dans le cluster.
Sens d'appartenance (critère subjectif)
C'est ainsi que l'appartenance des entreprises
interviewées aux clusters-présumés peut
être mesurée subjectivement selon la perception du dirigeant et
son évaluation du degré d'implication de son entreprise dans le
pôle industriel. Le recours à cette méthode étant
justifié par :
· La localisation/proximité géographique
ne contraint pas le ST à faire partie d'un cluster, s'il ne ressent pas
l'intérêt de s'impliquer dans des relations d'échange et de
coopération avec les autres membres de la communauté.
· Une entreprise, bien qu'elle n'appartienne pas
géographiquement au centre du conglomérat coopératif, peut
se considérer comme un participant à un cluster, en fonction des
échanges et des rapports de coopération qu'elle entretient avec
les membres de la communauté.
Cependant, le recours au critère subjectif
d'appartenance comme base du concept de cluster présente des
problèmes théoriques et pratiques2.
Becattini3 lui-même reconnaît que cet instrument
sociologique n'est pas universel et difficile à manier dans la
pratique.
En combinant des variables objectives et subjectives pour
mesurer le degré de clustering des STs représentatifs de
l'échantillon, la recherche tente de concilier les deux approches.
1 BECATTINI, G. The Marshallian Industrial
District as a Socio-economic Notion. In: PYKE, F. BECCATINI, G and
SENGENBERGER, W. (eds., 1990), pp. 37-5 1, 1990.
2 PANICCIA, I. One, a Hundred, Thousands of
Industrial Districts. Organizational Variety of Local Networks in Small and
Medium-sized Enterprises. Organization Studies, pp. 667-699, 1998.
3 BECATTINI, G. Dal settore industriale al
distretto industriale. Alcune considerazioni sull' unitá di indagine
dell' economia industriale. Rivista di Economia e Politica Industriale, 1,
pp. 7-21. 1979. In: CAMISÓN, César. Shared,
competitive and comparative advantages: a Competence-Based View of the
competitiveness of industrial districts. Paper presented at the Conference
on Clusters, Industrial Districts and Firms: the Challenge of
Globalization. Modena, Italy, 2003.
ii) Attrait de l'environnement territorial
Sur un autre registre, de nombreuses études
économiques et économétriques montrent que d'une part les
investissements des entreprises en capital physique, en formation et en
R&D, et d'autre part les investissements publics en infrastructures et
domaines de l'éducation et de la recherche, constituent des leviers
importants pour stimuler la croissance de la productivité1 et
améliorer le profil des firmes. Dans ce sens, le pays dans lequel la
firme est localisée est considéré comme étant
l'unité de l'analyse pour diagnostiquer l'environnement
général2.
Cependant l'environnement général ne
coïncide pas nécessairement avec les frontières d'un pays
entier. Souvent à l'échelle d'une nation, en passant d'une
région géographique à une autre, des dissymétries
importantes modifient la nature de l'environnement général des
firmes. C'est pour cette raison qu'une région territoriale
particulière ou communauté autonome peut être
examinée comme une unité d'étude. Cet espace
géographique plus ou moins circonscrit possède ses propres traits
culturels, économiques ou politiques, qui ne coïncident pas
nécessairement avec ceux d'autres régions du même pays.
C'est notamment le cas du Maroc où des systèmes
économiques, institutionnels et sociaux hétérogènes
sont observés, ainsi qu'une compétition entre institutionnels
régionaux pour offrir le cadre le plus attrayant pour les investisseurs.
Par conséquent, dans cette recherche, il semble approprié
d'examiner l'ensemble de variables incluses dans les environnements
territoriaux, intra-pays, en distinguant deux régions, la région
du Grand Casablanca, et la région de Tanger, relatives respectivement
à deux pôles aéronautiques, Aéropôle et le
pôle aéronautique de la TFZ.
Plusieurs dimensions permettent de saisir l'environnement
territorial d'une firme. Les développements précédents
(cf. Partie. I, Chapitre. II, Section. 1) ainsi que les
1 ENGLANDER, S et GURNEY, A. La
productivité dans la zone de l'OCDE : les déterminants à
moyen terme. Revue économique de l'OCDE, n°22, pp.53-1 19,
OCDE, 1994, Paris.
2 GALÁN, J.L et MARTIN, E. Análisis
de la rentabilidad en el sector de la distribución en Europa.
Revista Europea de Dirección y Economía de la Empresa, pp. 21-32,
1998.
travaux de Hall1, Kast et Rosenzweig2,
Tung3 et Jurkovich4, suggèrent sept (07) facteurs
pour l'identification de l'environnement territorial :
(1) Intensité de la R&D et du transfert des
connaissances
(2) Accessibilité aux moyens de financement
Dans cette étude, cette variable a été
saisie à travers trois (03) instruments financiers à savoir, les
fonds publics, les banques et le capital risque.
(3) Qualité et politiques en faveur des ressources
humaines
· Une approche endogène/objective : En analysant,
les réseaux de sous- traitance qui se sont développées
récemment en France, Dauty et Larré5, ont
particulièrement mis l'accent sur les formes de coopération qui
régissent les modèles Racines et Rameaux. La
mutualisation des efforts pour la qualification et la valorisation des
ressources humaines, se trouve alors au coeur des préoccupations des
acteurs du réseau. Cette mutualisation revêt alors de multiples
formes, allant de la mise en commun des compétences6
jusqu'à l'implication directe7 dans la création de
filière de formation dédiée à
l'aéronautique. Il ressort alors une variable
dite «coopération et partenariat au niveau des RH«,
endogène dans la mesure où elle met en jeu l'implication de
l'entreprise-actrice dans les politiques de promotion des ressources
humaines.
· Une approche exogène/subjective : cette variable
renvoie à «l'adéquation formation/besoin«.
(4) Qualité des infrastructures de transport et de
télécommunication
(5) Degré de (ou prédisposition à la)
coopération inter-firmes
(6) Spécialisation sectorielle
(7) Gouvernance institutionnelle
1 HALL, R.H. Organizations, Structures, Processes
and Outcome. Prentice-Hall, Englewood Cliffs, 7 ed. 1998.
2 KAST, F.E and ROSENZWEIG, J.E. Organization and
Management: A Systems and Contingency Approach. McGraw-Hill, New York, 4
ed. 1985.
3 TUNG, R.L. Dimensions of Organizational
Environments: An Exploratory Study of Their Impact on Organization
Structure. Academy of Management Journal, pp. 672-693, 1979.
4 JURKOVICH, R. A Core Typology of Organizational
Environments. Administrative Science Quarterly, pp. 380-394, 1974.
5 DAUTY, Françoise et LARRE, Françoise.
Proximité et coordination des réseaux de sous-traitance
.LIRHE, 2004.
6 À titre d'exemple des regroupements
d'entreprises peuvent pratiquer une sorte de multi-salariat, où certains
salariés travaillant pour plusieurs entreprises à temps partiel.
Par rapport à l'intérim, cette configuration diminue les
coûts liés à l'insertion, adaptation et turn-over et
enrichit les compétences des salariés.
7 Le cluster agit dans le sens du regroupement de la
formation et à l'origine de la création de filière de
formation dédiée à l'aéronautique et qui
répond au mieux à leurs besoins.
En définitive, le degré de clustering des
firmes est saisi par le biais d'une batterie de (09) neuf indicateurs, comme
illustré par le Tableau 7.
Tableau 7. Les indicateurs du «degré de
clustering«
|
Indicateurs
|
Degré de Clustering
|
Localisation
|
(1) Localisation géographique
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
(c) BEK
D'où l'hypothèse suivante :
H4 : L'amélioration du « degré de
clustering « aurait un impact positif sur le profil du ST.
|