2.3.3 Le modèle «Rameaux«
Le second modèle se différencie par sa
proximité des grandes agglomérations urbaines. Les acteurs de ce
réseau bénéficient alors d'un large bassin d'emploi et de
formation, et de la présence d'un éventail d'activités
complémentaires.
La source de l'efficacité de ce modèle repose
sur un ensemble d'externalités ou d'économies
d'agglomération selon le vocable Marshallien2. Parmi les
externalités positives des clusters3, nous pouvons citer
l'abondance d'une main-d'oeuvre qualifiée et spécialisée,
la présence d'un tissu de sous-traitance dense et
spécialisé et d'entreprises de support compétitives,
combinés à une logistique performante et enfin une infrastructure
de formation et de R&D portée par les universités, les
centres et les laboratoires de recherche. Les services offerts par ces
institutions, en particulier la R&D, permet au cluster d'être
identifié comme un environnement munificent.
Les entreprises pivots représentatifs du
modèle "Rameaux " constituent les noyaux durs autour desquels
gravitent les entreprises liées. Cette densité industrielle dans
un espace restreint renforce la compétitivité de l'ensemble. Dans
cet environnement, la survie ou le développement des entreprises
liées n'est pas intimement lié à l'entreprise pôle,
et la disparition de l'une d'entre elles ne risque pas de compromettre la
performance globale du réseau.
En revanche, cette configuration permet à l'entreprise
pôle d'évaluer les efforts des entreprises liées en
matière de qualité, respect de délais, maîtrise des
coûts et flexibilité, et ce afin de les mettre en concurrence les
unes avec les autres d'une part, et de se prémunir contre le risque de
défaillance d'un ST isolé4 d'autre part.
1 Voir Partie. I, Chapitre. II, Section. 1.
2 Voir Partie. I, Chapitre. I, Section. 1.
3 DECAROLIS, D.M et DEEDS, D.L. The Impact of
Stocks and Flows of Organizational Knowledge on Firm Performance: An Empirical
Investigation of the Biotechnology Industry. Strategic Management Journal,
1999.
4 En cas de défaillance d'un sous-traitant
isolé, le donneur d'ordres trouvera difficilement une alternative.
Par ailleurs, en réponse aux exigences drastiques de
réduction des coûts1 insufflées par les donneurs
d'ordres, les entreprises pôles représentatives du modèle
Rameaux ont souvent recours à la filialisation (création
d'entreprises sous contrôle financier) pour étendre leur
activité dans le cadre d'une stratégie par croissance externe,
notamment dans des pays compétitifs sur les coûts de production
(Letov en République Tchèque pour Latécoère et au
Maroc ou au Mexique pour Labinal). L'enjeu que constituent la rationalisation
productive et la maîtrise des coûts l'emportent sur une
proximité géographique restreinte2. Ceci est
particulièrement vrai pour les activités banalisées qui
couvrent un large spectre de réalisation de pièces et/ou
opérations élémentaires, maîtrisées par un
grand nombre d'acteurs.
Le contrôle financier et l'investissement direct
à l'étranger, apparaissent alors comme des leviers
privilégiés pour maintenir la réactivité du
réseau3. C'est ainsi que ce modèle a été
baptisé Rameaux pour signifier une croissance externe à
travers la filialisation, sous forme de branches collatérales à
l'entreprise principale.
Ces filiales, souvent dépendantes de la
société-mère à des degrés divers, en termes
de production et de recherche et développement, permettent à
l'entreprise pôle de maîtriser à la fois les coûts et
les différents maillons de la chaîne de valeurs.
En revanche, pour les activités plus conceptuelles, la
proximité du DO est prise en considération dans le processus de
sélection des STs4, même si les TIC tendent à
réduire les distances et atténuer le rôle de la
proximité. Pour autant, la proximité géographique des
grands DOs ne garantit plus la pérennité des relations, une fois
achevée la phase de développement d'un avion (deux ans
environ)5.
Conjointement à leur stratégie de croissance
externe à travers la filialisation d'entreprises
étrangères, ces pivots ont mené une politique de
sous-traitance, à
1 Notamment Airbus, avec son programme CAP 2001 qui
se proposait de compresser de 25% les coûts puis le programme "Route
06" qui visait une réduction des coûts de 15% à
l'horizon 2006 (après un programme identique) et enfin le plan
«Power 8 «.
2 Cette configuration est baptisé restreinte
dans la mesure ou elle peut être crée ailleurs, dans des pays
émergents.
3 LARRE, F et DAUTY, F. De la
flexibilité de la sous-traitance à la réactivité
industrielle. LIRHE - UT1. Aux sources des transformations du travail.
Atelier 1 - Stratégies d'entreprises : flexibilité et
diversité des organisations productives. Colloque DARES 26 mars 2003 -
Paris. Ministère des affaires sociales, du travail et de la
solidarité.
4 Dans les phases de conception, les interactions
entre les différents acteurs sont multiples et variées et
nécessitent quelquefois un travail en plateau (pour plus de
détail voir l'ingénierie concourante). Lorsque les études
et la conception sont externalisées, la proximité offre une
meilleure coordination et facilite le pilotage du projet.
5 RAVIX, J.T et al. Les relations interentreprises
dans l'industrie aéronautique et spatiale. Les rapports de
l'observatoire économique de la Défense. La Documentation
française, 2000.
l'image de celle qui est impulsait par les avionneurs. Ces
rapports ne relèvent d'aucune logique de contrôle financier de la
part de sa maison mère. Dans ce cas, les activités
confiées en sous-traitance balayent un large spectre allant de la sous-
traitance de capacité à la sous-traitance d'ensembles
complets.
Il convient de souligner que même si la localisation
n'est pas exigée par l'entreprise pivot, les entreprises liées
s'implantent (au moins partiellement) à côté des DOs
majeurs ou de leurs filiales, pour bénéficier des avantages
qu'offre cette proximité (flux d'information, une meilleure
communication et identification des opportunités... etc.). Dans ce sens,
la proximité est davantage le fruit d'une stratégie des
sous-traitants qu'une exigence de l'entreprise pôle.
Toutefois, le critère de sélection des STs sur
la base de la proximité géographique restreinte
cède de plus en plus le terrain à des préoccupations
de maîtrise des coûts et de complémentarité des
processus entre des STs spécialisés. Ainsi, pour pouvoir
renforcer la coordination au sein du réseau, l'entreprise pivot du
modèle Rameaux recourt aux TIC, à la normalisation et
à la certification.
Il apparaît alors que, dans les pays émergents,
notamment le Maroc, cet effet d'entraînement constitue un levier
important pour la consolidation de leurs industries aéronautiques.
Autrement, une installation d'une entreprise pivot (ou filiale) pèse
lourdement sur l'avenir des industries de l'aéronautique dans ces
pays.
Conclusion
En réponse aux différentes mutations qui ont
marqué le secteur aéronautique ces deux dernières
décennies, les STs de premier niveau répercutent à leur
tour le mode de relation qui les lie aux avionneurs, sur leurs propres STs
selon le principe du Flow Down.
Dans ce sens, les ST majeurs visent à (1) stabiliser
les relations inter-entreprises, (2) à transférer vers l'aval les
exigences du principal DO et enfin (3) à rechercher des STs ayant une
forte solidité financière en mesure de s'engager dans des
logiques de sharing risks (Cf. Partie. I, Chapitre. II, Section. 2,
Paragraphe. 3). Néanmoins, cette diffusion d'une même logique
à l'ensemble des entreprises liées aboutit à des
modalités organisationnelles différentes. Deux modèles
(Cf. Partie. I, Chapitre. II, Section. 2, Paragraphe. 3), reposant sur
l'éclatement d'un modèle pyramidal autour du noyau
avionneur, régissent désormais cette sous-traitance.
Dans le premier modèle Racines, l'entreprise
pôle cherche à tisser un réseau de sous-traitance à
proximité, à l'entretenir et à le piloter. Ce
réseau regroupe des entreprises qui puisent une part importante de leurs
performances dans le développement d'un pool de ressources et de
compétences locales partagées.
Quant au second modèle dit Rameaux, il se
différencie par sa proximité des grandes agglomérations
urbaines. Les acteurs de ce réseau bénéficient alors d'un
large bassin d'emploi et de formation, et de la présence d'un
éventail d'activités complémentaires. Ces espaces
clustérisés, en tant que sources d'externalités positives
et vu les possibilités d'apprentissage organisationnel qu'ils offrent,
constituent un champ propice pour le développement du profil du ST (Cf.
Partie. I, Chapitre. II, Section. 1).
Du point de vue du ST, il apparaît alors que par le
biais de l'apprentissage inter et intra-organisationnel, ce dernier peut
améliorer son statut dans la hiérarchie de la sous-traitance et
passer par voie de conséquence à un stade supérieur dans
la CVG. A cet effet, le ST cherche à (1) acquérir et
développer des compétences et des ressources afin d'incorporer
plus de valeur ajoutée dans ses activités, et d'autre part (2)
à s'inscrire dans un registre de relation DO/ST spécifique
à un stade donné (Cf. Partie. I, Chapitre. II, Section. 2,
Paragraphe. 2).
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