2.3.2 Le modèle «Racines«
Le pivot3 du réseau de type
Racines est un Systémier. De ce fait il est partenaire d'un ou
de plusieurs DOs principaux, dont il est géographiquement
éloigné.
La stratégie de l'entreprise pivot vise
à tisser dans un premier temps, puis à piloter dans un
deuxième temps, un véritable réseau de sous-traitance
à proximité, soit directement par essaimage soit plus
indirectement en irriguant le développement local. À cet effet,
le pivot, s'implique pleinement dans la construction du réseau
local. Ainsi, elle recourt à divers mécanismes d'accompagnement
et de conseil en proposant des moyens humains et industriels aux entreprises
partenaires. Une fois le réseau monté, l'entreprise
pôle en assure le pilotage et le suivi que ce soit dans un cadre
formel (associations professionnelles) ou informelle (parrainage des
entités essaimées). Ainsi, dans le modèle
Racines, la proximité géographique apparaît comme
un élément fondamental pour la structuration d'un réseau
autour d'une entreprise pivot. Le réseau ainsi construit, est
piloté et entretenu par le ST majeur dans le cadre de relations
pérennes et durables basées sur la confiance voire la
dépendance.
Si les entreprises pivots initient ce développement
local, il n'en reste pas moins que l'action des pouvoirs publics vient
généralement renforcer, voire relayer cette stratégie de
regroupement des entreprises sous-traitantes dans un espace géographique
restreint.
Les entreprises pivots représentatives du
modèle Racines entretiennent des relations denses et
étoffées avec l'ensemble des acteurs institutionnels publics pour
mener
1 DAUTY, Françoise et LARRE, Françoise.
Proximité et coordination des réseaux de sous-traitance.
LIRHE, 2004.
2 Voir Partie. I, Chapitre. I, Section. 1.
3 Nous empruntons le vocable pivot,
suggéré par Frigant pour désigner les entreprises
pôles représentatives des modèles Racines et Rameaux.
Les proximités dans la production modulaire : une analyse de
l'internationalisation des équipementiers automobiles. FRIGANT,
Vincent. Cahiers du GRES. E3i, IFReDEGRES. Cahier n° 2005 - 11, 2005.
conjointement des actions de mise à niveau, de
développement et de qualifications des ressources humaines1,
de mises en oeuvre de partenariats inter-firmes, et d'aides et/ou de
subventions au financement de la R&D en liaison avec les laboratoires et
centres de recherche. Apparaît alors, le rôle central que peut
jouer le partenariat public-privé dans ce secteur, en faveur du
développement du tissu local. Dans ce sens, il apparaît que la
performance industrielle de ce modèle renvoie au concept de
cluster2. L'entreprise pivot vise à bâtir un
Système Productif Local, dans une ou plusieurs branches
d'activités complémentaires, en mesure d'élaborer une
offre territoriale compétitive. Concrètement,
l'entreprise pivot type Racines, agit sur deux leviers
majeurs : élévation du niveau technologique et
développement de l'intelligence système du réseau de
sous-traitance. Ces outils technologiques et organisationnels vont permettre de
consolider les liens entre les entreprises et de rehausser le niveau de
compétences de l'ensemble du réseau.
Les facteurs clés de succès de ce cluster type
Racines résident dans (1) l'existence d'une main-d'oeuvre
locale qualifiée, (2) l'interdépendance forte entre les
entreprises, (3) le fort sentiment d'appartenance à une
communauté locale, (4) les coopérations et partenariats
étroits et enfin (5) la présence de schémas mentaux, des
modes de conduites (souvent tacites) et une culture
partagée3, permettant de gérer au mieux les relations
concurrence-collaboration. Cette politique de développement local est
souvent relayée par les institutions locales communautaires et publiques
engagées dans deux fronts : le développement du système,
la promotion de l'innovation, la recherche et la formation d'une part et
l'amélioration de l'attractivité4 d'autre part
(actions en faveur des nouvelles installations).
En réponse aux exigences drastiques de réduction
des coûts5 insufflées par les DOs et face à
une certaine saturation du tissu industriel et aux difficultés à
mobiliser les compétences nécessaires à
proximité, certaines entreprises pivots,
représentatives
1 Dauty et Larré soulignent que certaines
entreprises pôles représentatives du modèle Racines sont
impliquées directement dans l'offre de formation. Avec l'aide des
pouvoirs publics, elles sont à l'origine de la création de
filières de formation qui permettent de répondre au mieux
à leurs besoins en ressources humaines. Françoise Dauty et
Françoise Larré.2004. «Proximité et coordination
des réseaux de sous-traitance «.LIRHE.
2 Voir Partie. I, Chapitre. II, Section. 2.
3 Le réseau n'est pas uniquement un
système spatial, mais c'est aussi un système historique, social
et culturel. (Paniccia, 1998; Sforzi, 1989). Paniccia, I. (1998),
«One, a Hundred, Thousands of Industrial Districts. Organizational
Variety of Local Networks in Small and Medium-sized Enterprises ».
Organization Studies, 19 (4). Sforzi, F. (1989), «The Geography of
Industrial Districts in Italy». In Goodman, E. and Bamford, J. (eds.,
1989), Small Firms and Industrial Districts in Italy. Routledge,
London.
4 L'attractivité est en dehors de notre champ
d'étude.
5 Notamment Airbus, avec son programme CAP 2001 qui se
proposait de compresser de 25% les coûts puis le programme "Route
06" de réduction de 15% des coûts à l'horizon 2006 et
enfin le plan «Power 8«.
du modèle Racines ont étendu leur
politique de sous-traitance en direction de l'étranger. Cette extension
est souvent portée soit par une relation DO/ST de type partenarial avec
des acteurs locaux (notamment au Maroc, en Tunisie, en Pologne, en
Corée, en Turquie ou au Mexique), soit par une croissance externe
à travers l'essaimage. Dans un réseau ayant un fort ancrage
local, cette décision stratégique représente dans une
certaine mesure «une révolution culturelle«1. Par
ailleurs, cette tendance imprègne également les stratégies
des entreprises liées selon le principe du Flow Down2. Ainsi,
les sous-traitants des niveaux supérieurs (2,3), sous l'influence de
l'entreprise pôle, ne tardent pas à se lancer dans la croissance
externe pour être tout près des nouvelles installations
délocalisées de l'entreprise pivot.
Désormais, que ce soit en matière de recherche
et développement technologique ou en production, la proximité
géographique restreinte est un argument de localisation qui a
perdu du terrain. Elle ne constitue plus un facteur de performance comme
auparavant. Il semble qu'avec la montée de la mondialisation, seuls
comptent, la performance, l'apport technologique et innovateur des
équipes et des réseaux globaux. Et si, dans un premier temps, les
activités sous-traitées concernent un certain nombre de fonctions
qui ne sont pas «au coeur du métier», il n'en demeure pas que
dans un deuxième temps, d'autres activités à plus fortes
seront externalisées.
Il apparaît alors que la proximité
géographique restreinte n'est plus de mise comme auparavant du
moment qu'elle peut être recréée ailleurs dans des pays
émergents.
En somme, le premier modèle dit Racines, regroupe des
entreprises qui puisent une part importante de leurs performances dans le
développement et le (re)déploiement d'un pool de ressources et de
compétences locales partagées3. Ce modèle est
bâti autour d'une entreprise Pivot, qui cherche à tisser
un réseau de sous-traitance de proximité, à l'entretenir
et à le piloter. Une stratégie qui est accompagnée voire
relayée par les acteurs publics. L'objectif final étant
d'améliorer le profil (ressources et compétences) des entreprises
partenaires et in fine la compétitivité de tout le
1 DAUTY, Françoise et LARRE, Françoise.
Proximité et coordination des réseaux de sous-traitance.
LIRHE, 2004.
2 Voir Partie. II, Chapitre. I, Section. 1.
3 CAMISÒN, César. Shared,
competitive and comparative advantages: A competence based view of the
competitiveness of industrial districts. Modena, Italy, 2003.
réseau. Parallèlement, les acteurs du
cluster1 développent des relations pérennes et
durables basées sur la confiance, des compétences
partagées, un apprentissage collectif, et une optimisation des
ressources.
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