2.2.2 Cadre d'évolution de la filière
aéronautique : Relations par types d'activité
L'analyse des relations inter-entreprises dans le secteur
aéronautique faite sous la direction de Joël Thomas
Ravix3, met en lumière un modèle de relation DO/ST par
type d'activité comme illustré dans le Tableau 6. De même
la Figure 12 nous renseigne sur le positionnement de ces modèles dans la
pyramide de sous-traitance. La modélisation des réseaux de
sous-traitance aéronautique renvoie au processus d'évolution
incrémentale de la gestion de la relation DO/ST décrit
précédemment. Autrement dit, en plus des compétences
précitées, le ST doit s'inscrire dans un registre de relation
spécifique à chaque stade de la CVG.
Tableau 6. Le Modèle «par type
d'activité« de la sous-traitance aéronautique
Modalités d'organisation de la production
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Activités partagées
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Activités
non maîtrisées
|
Activités confiées
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Activités périphériques
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Coproduction
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Coopération
|
Sous-traitance de spécialité
|
Sous-traitance de capacité
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partenaires impliqués
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Grands constructeurs
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Systémiers (ou Intégrateurs de modules)
et prestataires de Services
|
Équipementiers
|
Entreprises «frontières«
|
Source : Adapté de J.T RAVIX (2000)4.
Au sommet de la CVG de l'industrie aéronautique, les
activités partagées concernent les compétences
stratégiques qui relèvent de l'assemblage et
intégration
1 C'est notamment le cas des moteurs des avions
moyens et longs courriers. En guise d'exemple, les motoristes tels que Pratt
& Whitney et Rolls Royce prennent en charge une large gamme de services
relatifs au produit et disposent de compétences marketing pointues.
2 KECHIDI, Med. Dynamique des relations verticales
dans l'industrie aéronautique : Une analyse de la sous- traitance
d'Airbus. LEREPS-GRES. Cahier n° 2006 - 10, 2006.
3 RAVIX, J.T (dir). Les relations interentreprises
dans l'industrie aéronautique et spatiale. Les rapports de
l'observatoire économique de la Défense. La
Documentation française, 2000.
4 Ibid.
finale du produit. Elles sont réalisées en
coproduction entre les grands constructeurs qui sont les maîtres
d'oeuvre.
i) Les activités «non
maîtrisées«
Les activités non maîtrisées ou
déléguées recouvrent des compétences que le DO ne
possède pas en interne. Elles sont confiées aux
Systémiers, qui sont en mesure de partager le risque financier avec
l'avionneur en finançant la R&D et les coûts
d'industrialisation. Concrètement, ces acteurs sont soit un industriel
ou un prestataire de services. Dans le premier cas, les activités sont
entièrement externalisées et font l'objet de relations de
coopération stables dans le temps, les sous-ensembles concernés
étant indispensables à la cohérence du produit. La
relation avec le donneur d'ordres est une relation ancienne fondée sur
la coopération autour des précédents programmes. Dans le
deuxième cas, les relations avec les prestataires de services, souvent
des entreprises de petite taille positionnées sur un créneau
scientifique et technologique pointu non maîtrisé par le donneur
d'ordres, s'établissent plutôt dans les phases de conception et de
développement des produits (deux ans environ). Durant la phase de
conception et de définition des profils techniques, des équipes
d'ingénieurs et de techniciens sont déléguées
auprès de l'avionneur (travail sur plateau)1.
À ce stade de CVG, le systémier a besoin de
maîtriser au mieux son propre réseau de sous-traitance le long de
la CVM. En effet, la gestion du réseau2, qui lui a
été déléguée par le DO (et qui sous-tend un
plus grand transfert de risques et des charges), le pousse à
répercuter à son tour cette optique de partage de risques et de
charges sur ses propres STs. En contre partie sa relation avec le DO s'inscrit
dans la durée, ce qui lui permet d'amortir les investissements
consentis3.
ii) Les activités dites «confiées«
Les activités dites "confiées" correspondent
soient à des modules techniques "autonomes" ou des modules devant faire
partie d'un ensemble technique plus complexe. Le constructeur, maître
d'oeuvre, conserve jalousement la compétence relative à ces
activités. En plus, une partie de la production est toujours
localisée
1 Voir Partie. I, Chapitre. I, Section. 1.
2 Voir Partie. I, Chapitre. II, Section. 2.
3 TALBOT, Damien. Mondialisation et dynamiques des
coordination inter-firmes : le cas dans la sous-traitance
aéronautique. Revue Sciences de la Société,
N°54, 2001.
chez l'avionneur pour permettre à la fois (1)
d'évaluer la démarche d'amélioration continue
déployée par le sous-traitant en matière de respect des
spécifications, de Total Quality Management, des délais
et des coûts de production, et (2) d'améliorer en interne la
permanence des éléments du produit considérés comme
stratégiques.
La réalisation de ces sous-ensembles se fait sur la
base d'un cahier des charges précis. Elle peut être
également étendue à l'étude et à la
conception dans le cadre d'une sous-traitance globale. Ces acteurs,
sous contrainte d'un cahier des charges défini par le contrat de
sous-traitance globale, prennent ensuite l'initiative des moyens
à mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs fixés. Cette
forme de relation est fondée sur le partage des risques1
Sharing risks associés aux programmes
aéronautiques2. Les avionneurs recherchent des
fournisseurs/partenaires ayant une solidité financière et voulant
partager avec eux les mêmes risques, dans une activité où
le poids du développement est très important au regard des
activités récurrentes. À terme ces acteurs interagiront
uniquement avec les STs de 1er niveau3.
Dans cette typologie, ces trois catégories
d'activités/relations constituent le noyau dur du conglomérat
coopératif de l'industrie aéronautique.
iii) Les activités
«périphériques«
Reste une dernière catégorie constitutive du
conglomérat coopératif, les activités dites
périphériques. Elles concernent l'intervention d'un
ensemble d'entreprises dites "frontières" ne relevant pas exclusivement
du secteur aéronautique et opérant dans d'autres secteurs
industriels. Elles réalisent soit des pièces
élémentaires selon les plans fournis (DA) par le
client4, principalement en sous-traitance de capacité ou de
production, ou des services génériques largement
standardisés et relevant de marchés très concurrentiels.
Concernant la nature de ces activités
périphériques, il convient de souligner qu'elles sont
à moyenne valeur ajoutée et moyenne difficulté
technologique, et pour lesquelles le poids salarial par rapport au coût
de production reste assez important.
1 Voir Partie. I, Chapitre. I, Section. 1.
2 En Europe les aides pour financer le
développement sont limitées par les accords internationaux :
elles ne peuvent excéder le tiers des dépenses de R&D.
3 TALBOT, Damien. Mondialisation et dynamiques des
coordination inter-firmes : le cas dans la sous-traitance
aéronautique. Revue Sciences de la Société,
N°54, 2001.
4 KIMURA, Seishi. Learning for upgrading: The
Controlled Growth of the Japanese Aircraft Firms. Fukushima University.
Faculty of Economic and Business Administration, 2006. Voir également la
Partie I. Chapitre II. Section 2.
La nature de ses activités encourage les mouvements
d'externalisation vers des pays dits low-cost, à coûts de
production moins élevés (le coût du travail notamment).
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