Les facteurs explicatifs de la discontinuité des soins obstétricaux en Afrique: cas du Bénin( Télécharger le fichier original )par Appolinaire TOLLEGBE Institut de Formation et de Recherche Démographiques (IFORD) - Diplôme d'Etudes Supérieures Spécialisées en Démographie 2004 |
4.3- Effets nets des différentes variables explicatives sur la discontinuité des soins obstétricaux.Les résultats des analyses qui suivent se trouvent dans le tableau4. Au niveau net, seuls l'ethnie, le niveau de vie, le niveau d'instruction de la femme l'accessibilité et la qualité des services obstétricaux ont une influence significative sur la discontinuité des soins obstétricaux. Le modèle global obtenu explique 22,9 % de la discontinuité des soins obstétricaux et ce modèle est très significatif au seuil de 1 %. 4.3.1 : L'appartenance ethnique.L'influence très significative de l'appartenance ethnique de la femme sur la discontinuité observée au niveau brut persiste au niveau net. Cependant, il convient de souligner que les si les rapports de risque de discontinuité se sont accrues pour certaines ethnies (bariba et peulh) et diminué pour d'autres (adja et bètamaribè), les différences en termes de risque de discontinuité se sont estompées entre les femmes appartenant aux ethnies dendi, yoa et lopka et yorouba et les femmes appartenant à l'ethnie fon prise comme référence. Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, le risque de discontinuité des soins obstétricaux pour les femmes appartenant aux ethnies adja et bètamaribè est respectivement deux fois (or=2,1)45(*) et plus de six fois (or=6,3) plus élevé que chez leurs homologues de l'ethnie fon. Les femmes appartenant aux ethnies bariba et peulh courent respectivement trois fois et huit fois plus le risque de discontinuité des soins obstétricaux que les femmes fon. Si les différences se sont estompées au niveau net entre les femmes appartenant aux ethnies dendi, yoa et lopka et yorouba et les femmes fon, il n'en est pas de même au niveau des modèles intermédiaires. En effet, les différences entre les femmes yoroubas et les femmes fon se sont annulé après le contrôle du milieu de socialisation et persistent même après l'introduction des autres facteurs prédisposants et des facteurs facilitants. Cela signifie que les différences observées au niveau brut entre les femmes fon et les femmes yoroubas étaient dues au milieu de socialisation. Cette situation pourrait s'expliquer par le fait que les yorouba sont en général des commerçants et pour mieux développer leurs activités commerciales, elles résident pour la plupart dans les grandes villes où le marché est supposé être plus vaste et le pouvoir d'achat plus élevé. Ce faisant, elles sont plus en contact avec l'environnement urbain, partagent non seulement les moeurs et les valeurs de ce milieu qui est le plus souvent occidentalisé et donc favorable à la fréquentation des services obstétricaux mais bénéficient aussi des facilités sanitaires et obstétricales offertes par la ville. Les différences de discontinuité entre les femmes dendi, yoa et lopka et femmes fon se sont estompées après avoir contrôlé le niveau de vie du ménage et ce dernier influence significativement la discontinuité. C'est donc le niveau de vie qui permet de différencier les femmes dendi, yoa et lopka et les femmes fon en termes de discontinuité et non leur appartenance ethnique. Cela est d'autant plus vraisemblable que les dendi, les yoa et lopka comme les yorouba sont également de grands commerçants et résident pour la plupart dans le septentrion béninois dans les grandes villes comme Parakou, Djougou, Kandi et Malanville. Une analyse selon la distinction urbaine/rurale révèle que les risques de discontinuité des femmes bariba et bètamaribè par rapport aux femmes fon sont sept fois plus élevés en milieu urbain qu'en milieu rural (or=21/or= 3 pour les bariba et or=41,1/or=8,0 pour les bètamaribè). Ce résultat pourrait provenir du fait que les femmes de ces ethnies ne sont probablement pas prédisposées à recevoir des soins en milieu urbain. Ce résultat montre l'importance des facteurs prédisposants dans la demande de services obstétricaux. En effet, nous nous attendions à ce que le fait de résider en milieu urbain diminue les risques de discontinuité par rapport au milieu rural parceque le contexte béninois montre que le milieu urbain est de très loin plus pourvu en infrastructures et en équipements médico-sanitaires que le milieu rural. C'est donc le lieu de conclure que si la femme n'est pas prédisposée à demander des services obstétricaux, même si l'environnement dans lequel elle vit lui offre toutes les meilleures facilités possibles, elle ne manifestera pas sa demande. Elle préfèrera quel que soit son milieu de résidence se conformer à ses pratiques traditionnelles et culturelles en la matière. Chez certains bariba, comme dans d'autres ethnies du Bénin, une pratique culturelle veut que lorsque la grossesse d'une femme enceinte atteint la phase de maturité, cette dernière rejoigne ses parents au village pour l'accouchement et ne revient en ville auprès de son mari que lorsque l'enfant commence par marcher. A défaut de cela, un parent de la femme46(*) (sa mère, sa soeur ou sa tante) la rejoint en ville afin de l'assister après la naissance de l'enfant. En d'autres termes, cela montre que la femme peut être influencée par son modèle culturel quelque soit le milieu où elle réside. La discontinuité est chez les femmes peulh comparés aux femmes fon est d'environ treize fois plus élevée en milieu urbain qu'en milieu rural. En dehors de l'explication ci-dessus faite, il convient de préciser que les peulhs sont traditionnellement47(*) des nomades et voyagent de village en village en quête de bons pâturages pour leur bétail au gré des saisons et du climat. Cela peut les conduire à accoucher en cours de déplacement dans un endroit où elles n'ont aucune chance de bénéficier d'une assistance qualifiée. Comparées aux femmes fon, il n'y a pas de différence significative des risques de discontinuité pour les femmes appartenant aux ethnies dendi, yoa et lopka et yorouba selon le milieu de résidence. * 44 Nous rappelons que la discontinuité des soins obstétricaux désigne le fait qu'une femme ait effectué au moins une CPN et n'ait pas accouché sous une assistance qualifiée * 45 Odds ratios ou rapport de risque=2,1 * 46 Dans certains cas, il s'agit d'un parent du conjoint ou parfois des deux. |
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