d. les conditions requises pour obtenir la francisation
Pour obtenir la francisation d'un navire, une condition relative
à la construction du navire et une condition relative à la
propriété doivent être réunies.
La condition de construction a évolué au fil des
siècles pour ensuite être « communautarisée » par
la loi du 16 janvier 2001 modifiant l'article 3 de la loi de 1967.
La règle de construction en France a été
élargie en janvier 2001, modifiant l'article 3 de la loi de 1967 et les
articles 219 et 219 bis du Code des douanes, qui assimilent à la
construction du navire en France la construction dans le territoire d'un
État membre de la Communauté européenne. Les taxes et
droits d'importation ne seront donc plus exigibles pour qu'un navire construit
dans un autre pays de la Communauté européenne puisse avoir la
nationalité française, ce qui constitue une grande
nouveauté. Cependant, le navire construit en dehors de France ou de
l'Union Européenne devra acquitter ces droits et taxes d'importation
exigibles pour pouvoir être francisé ; « à moins qu'il
n'ait été déclaré de bonne prise faite sur l'ennemi
», précise l'article 219 I 1°. En effet, lorsque les navires
sont impliqués dans une guerre, il peut arriver qu'une des forces en
présence puisse saisir au cours d'une bataille le navire de son ennemi.
Le droit de la guerre prévoit alors que son nouveau propriétaire
n'a pas à acquitter les droits et taxes d'importation exigibles en temps
normal car ce navire est déclaré « de bonne prise faite sur
l'ennemi ». Pour pouvoir être francisé et donc arborer le
pavillon français, le navire impliqué doit être un navire
ennemi ou un navire ayant violé son obligation de neutralité en
fournissant aide et concours aux opérations ennemies. Cependant, ce cas
de figure semble être tombé en désuétude depuis la
Seconde Guerre Mondiale. (Au delà de la condition de construction, et
toujours selon les articles 219 et 219 bis I 1°, la francisation peut
également avoir lieu pour un navire confisqué pour infraction aux
lois françaises. Il s'agit ici d'une mesure pénale sanctionnant
des contraventions aux lois fiscales).
Pour obtenir la francisation, une condition relative à
la propriété doit également être remplie. Pour qu'un
navire puisse être francisé et arborer le pavillon
français, l'État français a posé des conditions de
propriété qui ont fait l'objet de nombreuses modifications et qui
divergent selon le statut du propriétaire : personne physique ou morale.
Cependant, avec l'apparition de nouveaux modes de financement du navire
(crédit bail et affrètement coque nue), des règles
spéciales, dérogatoires aux règles traditionnelles de
propriété ont dû être prévues et ont
été introduites dans la loi de 1967 par la loi 75-300 du 29 avril
1975.
Les conditions de nationalité des propriétaires
du navire ont été largement assouplies au fil du temps, notamment
depuis 1996 avec la nécessité d'harmoniser le droit
français avec le droit communautaire.
Comme la condition de construction du navire, la condition
relative à la nationalité des propriétaires a connu une
évolution importante au cours des siècles.
L'Ordonnance de la Marine de 1681 et l'Acte de navigation de
1793 prévoyaient que le pavillon français ne pouvait être
attribué à un navire que si ce dernier appartenait
intégralement à des français. Afin de tenir compte des
exigences du droit communautaire, les dispositions de la loi de 1967 (article
3) et du Code des douanes (article 219...) ont été
profondément modifiées par la loi 96-151 du 26 février
1996. Cette loi marque l'entrée du droit communautaire dans le droit
français du navire.
Désormais, pour être francisé, un navire
doit appartenir pour moitié au moins à des ressortissants
communautaires, ou pour le tout à des sociétés ayant leur
siège social en France ou dans le territoire communautaire. Concernant
les sociétés, les conditions sont plus exigeantes
vis-à-vis des dirigeants sociaux qui doivent être ressortissants
communautaires. Le siège social de la société
peut-être situé hors de la Communauté, s'il existe une
convention bilatérale de réciprocité conclue entre la
France et cet État, et si le navire est exploité et
utilisé à partir d'un établissement stable8
situé sur le territoire français.
Néanmoins, l'évolution de la structure du
commerce et de ses besoins en matière de transport, en particulier
maritime, a rendu nécessaire la création d'artifices tels
l'affrètement coque nue9 ou le crédit
bail10. Les conditions de propriété, autrefois marques
évidentes du lien substantiel sont largement remises en question, tant
par la communautarisation que par les arrangements contractuels
explicités ci-avant. Ainsi, la propriété, qui faisait
autrefois la différence entre le pirate et le flibustier, le Commandant
armateur et le boucanier, a disparu au profit d'un lien moins normatif pour un
autre privatif. A présent, la société écran
étant de mise, l'État du
8 Selon l'avocat général Mischo (DMF
1996 p 1096), « l'établissement implique une présence
matérielle continue sur le territoire de l'État d'immatriculation
et l'exercice effectif et réel de l'activité économique en
cause à partir de ce territoire »
9 La francisation des navires étrangers
affrétés coque nue par un armateur français (c'est
à dire loués sans équipage, le navire étant
armé par un équipage mis à bord par
l'affréteur).
10 Il s'agit d'une forme de contrat de financement
d'équipement. Le principe est de permettre à une entreprise, qui
ne dispose pas des fonds nécessaires à l'acquisition d'un bien
meuble, de l'utiliser pendant une période de temps
déterminée (dans le contrat) moyennant une contrepartie
pécuniaire ou autre et par l'intermédiaire d'un tiers auquel elle
le louera. A l'issue de ce contrat, l'utilisateur bénéficie d'une
option d'achat sur le bien, c'est-à-dire que celui-ci pourra être
acheté par le locataire pour un montant fixé dès
l'origine.
pavillon exerce sa souveraineté sur un navire dont il
ne verra jamais ni la couleur ni la coque, et, par suite de la
raréfaction des personnes compétentes au sein de l'administration
des affaires maritimes et du raccourcissement de la durée des escales,
aura des difficultés sans cesse grandissantes à effectuer in situ
le contrôle du navire tel que prévu dans l'exercice du lien
substantiel par la France. La société de classification devient
alors le seul recours d'un État affaibli pour exercer son devoir de
contrôle.
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