CHAPITRE I
Le lien substantiel dans la relation
État-Navire
A. Définition du navire et approche du lien
substantiel
Le terme «navire» désigne tout engin ou tout
appareil de quelque nature que ce soit, y compris les engins sans tirant d'eau
et les hydravions, utilisé ou susceptible d'être utilisé
comme moyen de transport sur l'eau. Tel est défini le navire dans la
réglementation maritime internationale, dite COLREG 76.
Le navire est un bien meuble5 individualisé,
naturalisé et immatriculé et à ce titre met en
évidence la différence fondamentale qui l'oppose au bien meuble
traditionnel de type immobilier. Le navire, immobilisation financière
importante au regard du patrimoine de son/ses propriétaires,
présente en outre la particularité d'être mobile et de
pouvoir quitter les eaux relevant de la souveraineté nationale. A ce
titre, il paraît justifié de lui attribuer un regard particulier
dans le cadre des réglementations internationales. La convention de
Montego Bay sur le droit de la mer en 1982, faisant suite à un premier
mouvement vers la définition du navire lors de la convention
internationale de Genève de 1958, établit un certains nombre
d'éléments reconnaissant le statut spécifique du navire en
tant qu'entité. Le navire se doit
5 Comprend les biens amortissables qui donnent
droit ou qui donneraient droit à une déduction pour amortissement
aux fins de l'impôt sur le revenu. Ils comprennent aussi les biens
meubles, autres que les biens amortissables, dont la vente donnerait lieu
à un gain en capital ou une perte en capital aux fins de l'impôt
sur le revenu. Aux fins de la TPS/TVH, les immobilisations ne comprennent pas
les biens des catégories 12, 14 ou 44 de l'annexe II du Règlement
de l'impôt sur le revenu.
donc d'être reconnu par un État, et un seul
(faute de quoi il est considéré comme pirate). Le pavillon,
représentatif de l'État lui accordant sa reconnaissance, est
également le symbole du « lien substantiel » le liant à
cet État. Ce lien, non défini lors de la convention, a
été laissé à la libre appréciation des
États signataires et, pour beaucoup d'entre eux, n'a pris qu'une
signification purement légale. Chaque État est en mesure de
définir les critères d'acceptation d'un navire au sein de sa
flotte nationale, lui attribuant alors les documents requis par les
réglementations internationales et son entrée au « registre
maritime » justifiant des noms, et caractéristiques du navire.
Il me paraît important de souligner que le texte ne
spécifie pas la nature du lien substantiel de manière
systématique, laissant le soin aux États du pavillon de
définir par eux-mêmes sa nature, et quelles obligations il
entraînera.
En France, les administrations compétentes en
matière d'immatriculation du navire sont d'une part l'administration des
Douanes, qui dépend du Ministère des finances, et d'autre part
l'administration des Affaires Maritimes, qui dépend du Ministère
des Transports. L'administration des douanes accorde la nationalité
Française au navire par la procédure de «francisation»
et les Affaires Maritimes délivrent les titres de navigation et de
sécurité, ainsi que le numéro d'immatriculation du navire,
qui sont indispensables pour pouvoir naviguer en règle.
Il existe en France deux registres sous lesquels un navire de
marine marchande peut être immatriculé : un registre applicable en
métropole et dans les départements d'outre-mer et le Registre
International Français (RIF), considéré comme pavillon de
complaisance par l'ITF6.
Pour pouvoir être immatriculé sous le pavillon
Français, le navire doit au préalable être
individualisé par certains éléments. L'individualisation
du navire tient à des caractéristiques physiques qui sont le port
d'attache, le nom et le tonnage.
Le code des douanes, pour assurer le lien substantiel entre
l'État du pavillon et le navire exigé par les Conventions
internationales, a posé une condition relative à la construction
du navire et une autre relative à la propriété du navire.
Depuis 1793 jusqu'à aujourd'hui, ces conditions ont fait l'objet d'une
évolution importante. En effet, le navire devait avoir été
construit en France et appartenir pour le tout à des Français
à l'origine7. Suite à l'évolution
économique et l'apparition de nouveaux organes de financement
(crédit bail) ou de mode d'affrètement
6 International Trade Federation
7Titre IX, article 219 du code des douanes
(coque nue), des règles dérogatoires de
propriété du navire ont été mises en place. En
effet, dans le cas de l'affrètement coque-nue, il s'agit d'attribuer la
nationalité Française provisoirement à un navire
étranger affrété coque-nue par un armateur
Français, sous réserve que l'État d'origine accepte
l'abandon provisoire de son pavillon d'origine.
En outre, la condition de propriété du navire
fixée par la loi du 3 janvier 1967 a été
«communautarisée» par la loi n° 96-151 du 26
février 1996 relative aux transports, à l'occasion de la
réforme du pavillon TAAF afin de mettre en harmonie le droit
Français avec la droit communautaire. Le nouveau texte prévoit,
en outre, un contrôle de sécurité comme condition
préalable et indispensable à la francisation du navire et
«communautarise» la condition de construction du navire.
Pour obtenir la nationalité Française, le navire
est soumis à la procédure de francisation.
Cette procédure ne varie pas, que le navire soit sous
pavillon national ou qu'il batte pavillon RIF. Ainsi, le lien substantiel entre
l'État du pavillon et le navire ne semble pas être mis à
mal lors de la procédure d'enregistrement du navire à proprement
parler. Le nouveau registre RIF ne change pas non plus la donne en instituant
le guichet unique. Seules les conditions de navigants évoluent dans un
sens communautaire.
Voyons à présent de quelle manière
s'effectue la francisation puis l'immatriculation d'un navire de commerce. Nous
ne parlerons ni des navires militaires où le lien substantiel est par
trop évident puisque systématisé par l'influence du
ministère de la défense, par les missions de
représentations ou les opérations militaires conjointes, ni des
navires de plaisance qui n'ont pas d'impacts réels tant sur la politique
française que sur sa balance commerciale.
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