D. L'exemple particulier du Capitaine' un statut
d'exception
Membre de l'équipage à part entière, le
Capitaine est néanmoins un statut d'exception à bord du navire.
Représentant de l'armateur, responsable de l'exploitation commerciale
comme de la bonne marche du navire et de son équipage, parfois
actionnaire ou armateur lui-même, le Capitaine au long cours
possède un certain nombre de prérogatives issues de
l'évolution de la marine à travers le temps comme des relations
avec les armements et les conditions d'exploitation des navires.
Si le droit français reconnaît encore dans le
Capitaine un officier d'état civil, apte à marier, à
rédiger les certificats de décès et de naissance, force
est de constater que, à l'instar des paragraphes
précédents, son rôle s'est de plus en pus réduit
vers celui d'un chef des marins.
1. Les fonctions du Capitaine, une évolution
marquée
De nos jours, la conception légale du rôle du
Commandant se rapporte davantage à ses attributions techniques
plutôt qu'à son rôle de représentant de l'armateur et
ses prérogatives dans le domaine commercial. Le Commandant est reconnu
en tant que Chef de la navigation et n'est qu'accessoirement le mandataire de
l'armateur, le représentant en tant que défenseur des
intérêts supérieurs de l'outil navire devant un
affréteur. Le développement des moyens de communication, des
systèmes de liaison satellite et du mail a permis le recul de cette
fonction au profit de services spécialisés à terre.
a. La réglementation relative aux conditions de
travail et de vie à bord.
Le Capitaine doit prendre toutes les mesures voulues afin
d'assurer de manière permanente la sécurité du
bâtiment et des vies humaines qui sont à bord. Il est responsable
de son équipage. Il doit veiller non seulement au respect des
règles de sécurité mais également aux conditions de
travail et de vie de ses marins.
Seul le Capitaine a un pouvoir de décision exclusif
tant sur l'équipage que sur les décisions intéressant la
navigation. Cela n'a pas toujours été le cas, le Capitaine a
dû pendant longtemps demander l'accord puis simplement l'avis à
plusieurs personnes (à l'équipage) avant de prendre des
décisions, notamment dans le cas de dépenses ou sacrifices
relatifs à la
marchandise ou au navire. Aujourd'hui, le Capitaine,
maître de la navigation prend ses décisions, en principe, seul. Il
décide de la route à suivre, des escales à faire... Dans
la théorie, la pratique nous force à constater l'absence de
« contrôle » du Capitaine tant sur les escales que sur les
routes à suivre.
Ainsi, l'intérêt d'une escale peut-il être
défini par le taux de fret du navire et par là par le taux de
rentabilité, justifiant l'intervention de l'armement dans le choix des
escales ? De la même manière, les grandes compagnies maritimes
encouragent l'utilisation par le Capitaine des systèmes de routage
météo, définissant pour eux la meilleure route à
suivre. Une décision contraire au routage demandera une justification
auprès de l'armement (en particulier si avarie). Enfin, le prix du baril
de fuel augmentant, les armements sont de plus en plus attentifs tant à
la vitesse du navire qu'au choix de la route (une mer moins formée
requiert moins de puissance pour une vitesse identique, soit une moindre
consommation). En la matière, la responsabilité et l'exercice de
sa responsabilité ne concerne plus pour le Capitaine que la gestion de
la crise dans sa première phase. (La gestion de crise exige, selon la
procédure ISM (International System Management), une mise en relation
avec l'armement en charge des négociations relatives à la gestion
de la crise : cas particulier du remorquage).
Les fonctions du Capitaine débordent l'ordre technique
et commercial, il est en effet un représentant de l'État, ce qui
le rend légataire de plusieurs obligations. Il est officier
d'État Civil pour les naissances et les décès survenus
à bord, il authentifie les testaments reçus à bord et joue
le rôle de notaire (sous réserve d'une confirmation par un notaire
à terre). Mais il détient également des pouvoirs de
discipline et de réquisition. Le Capitaine est en effet le garant du
maintien de l'ordre à bord, condition sine qua non de la
sécurité du bord. Il exerce ses pouvoirs sur toutes les choses et
toutes les personnes présentes à bord. « L'identité
des besoins ne permet pas de distinguer suivant les titres auxquels les
individus sont à bord du navire » écrivent justement R.
Rodière et E. du Pontavice 42 . A situation exceptionnelle,
moyens exceptionnels. Les exigences de la sécurité et l'isolement
de la société du bord impliquent que l'autorité du
Capitaine s'exerce pleinement. L'arbitraire est néanmoins
sanctionné.
Le Capitaine a, en premier lieu, l'obligation de rédiger
deux séries de documents qui revêtent une valeur juridique
importante: le journal de mer et le rapport de mer. Ces documents
42 R.RODIERE et E. du PONTAVICE, Droit Maritime,
Précis Dalloz Ed. n°12, n°221.
révèlent la collaboration et le contrôle
de l'État sur les activités du Capitaine de navire. Ces documents
sont effectivement visés par les affaires maritimes : en France par les
Affaires maritimes, à l'étranger par le Consul de France.
Il a, en deuxième lieu et en sa qualité de chef
de la société du bord, le devoir de tenir un livre de discipline
(article 43 du Code Disciplinaire et Pénal de la Marine Marchande). Il
ne suffit pas de sanctionner les infractions de droit commun survenues à
bord, il faut également, compte tenu des risques encourus, que le
Capitaine sanctionne les fautes contre la discipline. La société
à bord d'un navire est strictement hiérarchisée et
l'ensemble de la discipline du bord relève de la compétence du
Capitaine. Il a ainsi en charge la surveillance et l'encadrement de son
équipage.
Ainsi que je l'ai expliqué précédemment,
le Capitaine n'est plus, loin s'en faut, responsable ou même partie
prenante dans le recrutement des membres d'équipage. Le recours aux
marchands d'hommes, quasi systématique de la part des armements, a
rangé ce rôle aux oubliettes et compliqué grandement la
fonction disciplinaire du Commandant. Comment le Capitaine, responsable de son
navire comme de son équipage, peut-il remplir correctement son
rôle quand 7 nationalités différentes et autant de langues
se côtoient à bord ? L'anglais, langue internationale, n'est
souvent pas maîtrisé convenablement. Les différences de
cultures, les problèmes de racismes sont autant de facteurs aggravant
une situation par ailleurs déjà bien tendue.
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